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Est-il toujours immoral de mentir ?

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« OBSERVATION.

— Le fait que le sujet ait été proposé au Certificat de Psychologie nous montre que la question n'est pas seulement d'ordre moral.

Il y a une psychologie du mensonge, que nous aurons à esquisser et qui nous servira ici à le juger moralement. Introduction.

Bien des questions peuvent se poser à propos du mensonge.

Nous chercherons d'abord à faire la psychologie du menteur.

Après quoi, nous poserons la question sur le terrain moral. I.

Psychologie du mensonge. A.

— Mentir, a-t-on dit, c'est tenir un langage contraire à la vérité avec le dessein de tromper.

Mais on peut mentir autrement qu'en paroles, par ses gestes, par son attitude et même par son silence.

Il n'est même pas nécessaire que notre langage ou notre attitude soient « contraires à la vérité » : on peut mentir en disant vrai, soit que nous l'ignorions et que nous croyions induire nos semblables en erreur, soit même que nous le sachions et que nous voulions perfidement irriter autrui ou l'engager dans une fausse voie en lui disant la vérité.

En réalité, tout le mensonge est dans l'intention de tromper. B.

— Ceci nous éclaire sur la psychologie du mensonge.

Il y a, chez le menteur, une attitude de duplicité, d'hypocrisie, surtout peut-être dans le dernier cas dont nous venons de parler.

Il dissimule à autrui, non pas seulement la vérité, mais plus encore ses véritables sentiments.

Il abuse de la confiance de ses semblables et profite malhonnêtement de cette confiance pour les tromper.

Le mensonge implique donc une attitude de mauvaise foi, envers autrui d'abord, mais aussi, en un sens, envers nous-même : car nous nous attachons à paraître extérieurement autre que nous ne sommes en réalité.

Il peut même arriver ainsi que nous en venions à nous tromper nous-même : bien souvent, un mensonge engage dans un autre mensonge et, comme l'a écrit VOLTAIRE, «un système de mensonges ressemble plus à la vérité qu'un seul mensonge isolé ».

Mais, le plus fréquemment, il y a, à la base du mensonge, une mauvaise conscience, une conscience corrompue jusqu'en ses profondeurs : un être normal ne ment pas « gratuitement », sans raison.

Si nous n'avions rien à dissimuler, soit à autrui, soit à nous-même, nous n'aurions aucune occasion de mentir.

Le mensonge est toujours inspiré, au fond, par un sentiment que nous ne voulons pas nous avouer : haine ou malveillance à l'égard d'autrui ou bien sentiment de notre propre indignité, d'une tare personnelle que nous cherchons à dissimuler. II.

Le mensonge et la morale. A.

— Il résulte de là que, dans l'immense majorité des cas, le mensonge est à condamner sans réserve du point de vue moral.

—1° Du point de vue de la morale personnelle, le mensonge nous dégrade.

Il fait de nous un être double, équivoque et sans bonne foi, donc sans dignité ; et, d'autre part, il a toujours, à sa source, comme on vient de le voir, une autre tare morale plus ou moins secrète.

— 2° Du point de vue des rapports avec nos semblables, il constitue une rupture du lien social, de la relation avec autrui, lequel est normalement en droit de s'attendre, de notre part, à une attitude de loyauté et de sincérité.

De ce point de vue, le mensonge est une injustice, une violation des droits de.

nos semblables. B.

— On peut se demander cependant si nous sommes, toujours, et quelles que soient les circonstances, dans l'obligation, stricte de dire toute la vérité à autrui.

Mais, si nous sommes tenus à user parfois de prudence pour ménager la susceptibilité de nos semblables ou bien par égard pour certains intérêts supérieurs, on ne peut plus dire, dans ces cas, qu'il s'agisse de mensonges proprement dits.

Le mensonge, nous l'avons vu, est essentiellement constitué par l'intention de tromper.

Or, en pareils cas, ce n'est pas cette intention qui nous porte à atténuer, à voiler, voire à taire ou à dissimuler la vérité.

Si, à un malade dont la vie est en danger, nous nous refusons à révéler qu'il va peut-être mourir, notre intention n'est pas alors de le tromper, mais de ménager les chances de survie qui lui restent encore. Conclusion.

Le mensonge proprement dit est toujours condamnable.

Mais il peut se présenter des cas où nous avons le droit, et peut-être parfois le devoir, de cacher la vérité à autrui pour de tout autres motifs que l'intention de tromper.. »

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