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Est-il possible d'aimer sans rien attendre en retour ?

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« Introduction : Bien définir les termes du sujet : - « Aimer » : le terme est assez difficile à définir, puisqu'il peut recouvrir plusieurs types de sentiments, et en tant que subjectif, il change d'une personne à l'autre.

En général, l'amour est une tendance de la sensibilité qui nous porte vers un être ou un objet reconnu ou ressenti comme bon (ex.

l'amour maternel, l'amour des richesses).

Mais ce peut être aussi l'inclination vers une personne sous toutes ses formes et à tous ses degrés, de l'amour-désir (inclination sexuelle) à l'amour-assion et à l'amour-sentiment. - « Est-il possible » : peut avoir plusieurs sens ; celui de la légitimité, de la moralité, de la capacité.

Mais surtout, cela ne réduit pas le sujet aux hommes – sans quoi les termes auraient été peut-on.

La question est donc posée dans l'absolu, et concerne tout ce qui est susceptible d'éprouver de l'amour. - « Rien attendre en retour » : cela correspond au fait de donner, c'est abandonner à quelqu'un, dans une intention libérale sans rien recevoir en échange à cf.

Le Robert.

Cela consiste à faire du bien à autrui gratuitement, c'est céder quelque chose – ici l'amour - sans contrepartie. Construction de la problématique : « Ne rien attendre en retour » ou le don sont des attitudes qu'il n'est pas possible de remettre en cause moralement.

A ussi, le sujet ne pose pas la question de savoir s'il est moral ou légitime d'aimer sans contrepartie, mais simplement si une telle capacité existe.

Le pronom impersonnel quant à lui ne réduit pas cette capacité aux hommes, mais à tout ce qui est susceptible d'éprouver ce sentiment.

Autrement dit, il peut s'agir aussi bien de l'amour de Dieu, que de l'amour des hommes (au sens de sentiment amoureux) ou de l'amour maternel.

Mais surtout, il ne faut pas oublier que l'amour, plus qu'un simple objet dont on pourrait se débarrasser correspond à un don de soi et à un investissement personnel important. Aussi se pose donc la question de savoir s'il est possible de donner ce que l'on possède de plus précieux, à savoir soi.

Le don de soi peut-il être gratuit ? Plan : I/ Celui qui donne de l'amour ne peut pas vouloir se vendre : Si on considère qu'aimer c'est donner un peu de soi, de son temps, de sa pensée, de sa bonté… et que l'on attend quelque chose en retour, cela revient à vendre son amour.

Or, cela pose deux problèmes : 1) lorsqu'il est vendu l'amour est-il toujours de l'amour ? 2) Si l'amour est don de soi, le vendre revient à se vendre soi même, et cela est-il possible ? C'est la question que pose Epictète dans Le Manuel.

Il explique en effet que celui qui ne donne rien n'a pas moins que celui qui a donné et obtenu quelque chose en échange.

Il prend l'exemple de la laitue qui coûte une obole.

Celui qui a une laitue n'a pas plus que moi qui n'en a pas, puisque lui a sa laitue, et moi mon obole.

Autrement dit, chaque chose a un prix, et il faut savoir évaluer les choses à leur juste valeur.

Si l'on suit cette logique, lorsque je donne mon amour, je peux légitimement attendre quelque chose en retour.

Mais ce n'est pas le cas pour deux raisons. Dans le cas de la laitue, l'échange est neutre, car il dépend de moi d'obtenir une salade en payant.

Mais dans le cas de l'amour, je donne et la contrepartie ne dépend pas de moi : il y a des échanges qui ne sont pas avantageux mais que j'ai la liberté de faire ; en effet, rien ne me garantit que mon amour sera rendu : l'échange implique un risque, il s'agit de donner pour quelque chose qui ne dépend pas de moi.

Il faut donc ne rien attendre en retour pour ne pas être déçu, et si je reçois une contrepartie, alors je n'en serai que plus heureux. La seconde raison qui fait que je ne peux pas attendre quelque chose de l'amour, c'est que l'amour est considéré en général comme don de soi.

Or, si je me donne moi-même, et que j'attends quelque chose de ce don, alors cela signifie non seulement qu'il ne s'agit plus d'un don, mais surtout que je me considère comme valant ce que l'on voudra bien me donner en échange.

Si on me gratifie d'argent pour mon amour, alors je vaudrai exactement la somme donnée, si on m'envoie de la pitié, alors je vaudrais de la pitié.

Je considère donc que je suis vendable.

C 'est la raison pour laquelle mieux vaut ne rien attendre en retour de l'amour que l'on donne. II/ L'amour comme don parfait : La figure de l'amour absolu est en général celle de Dieu donnant aux hommes sans rien attendre en contrepartie, et excusant en plus toutes les fautes et incorrections commises à son encontre et à son amour. C'est ce qu'explique Leibniz dans Essais de théodicée.

En effet, selon lui, Dieu est une raison intelligente qui nous dépasse et qui est bonne, et qui de ce fait travaille au bonheur des hommes et à la création du meilleur monde possible pour eux.

Le monde est donc parfaitement harmonieux parce que Dieu préside à son ordre.

Tout ce qui nous semble être la marque du désordre – le mal, les injustices, les catastrophes naturelles…- est en fait la meilleure solution qu'il était possible d'adopter.

Autrement dit, le monde actuel tel qu'il a été créé par Dieu est le meilleur des mondes possibles.

C'est-à-dire que parmi les possibles compatibles entre eux - ou compossibles – Dieu a choisi l'ensemble qui représente la plus grande réalité ou la plus grande perfection possible.

« Entre une infinité de mondes possibles, il y a le meilleur de tous, autrement Dieu ne se serait pas déterminé à en créer aucun.

» Théodicée, 416. Dieu a créé un ‘'optimum'', c'est-à-dire un monde qui comporte le moindre mal pour un maximum de bien.

Or Dieu a fait cela uniquement par amour, et non pas en vue d'une certaine compensation, comme par exemple le culte que pourraient lui rendre les hommes en échange de ses bontés.

Et cet amour et si parfait qu'il excuse même les fautes commises envers lui.

Il serait possible de rapprocher cet amour de l'amour maternel, qui n'est que don et bonté. III/ Le désir amoureux, don difficile : Mais il estune situation évidente où il est très difficile de ne rien attendre en retour de l'amour que l'on donne, à savoir l'amour conçu comme sentiment amoureux.

En effet, cet amour cherche à accaparer l'autre, et ne lui laisse plus autant de liberté qu'il semble vouloir lui en donner. C'est ce qu'explique Sartre dans L'être et le néant à propos du désir amoureux.

Selon lui, tous les rituels de l'amour ne sont que des moyens ayant pour but l'emprisonnement d'autrui.

Autrement dit, l'amour n'est plus un don, il est le désir de s'accaparer autrui, de le posséder.

Cela est valable aussi bien dans le cas d'un amour unilatéral que dans celui d'un amour partagé.

Sartre prend l'exemple du baiser ou de la caresse – possibilité aussi de faire référence à Jankélévitch qui explique à peu près la même chose à propos du baiser.

Selon lui, le baiser serait une sorte de cannibalisme, un désir de manger l'autre, de l'absorber, de le posséder en soi.

Il en va de même pour la caresse qui cherche à posséder le corps d'autrui. L'acte amoureux quant à lui est une pure illusion de cette fusion de deux subjectivités différentes.

Chacun cherche à posséder l'autre, à faire sienne la subjectivité d'autrui, mais cela n'est pas possible.

Ainsi, pour Sartre, l'amour a beau vouloir être un don et se présenter comme tel, l'amour comme sentiment amoureux n'est pas capable de respecter et de garder intact la subjectivité d'autrui.

Aimer, c'est en même temps vouloir posséder l'autre.. »

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