Est-ce que comprendre psychologiquement et juger moralement sont des attitudes mentales compatibles ou antagonistes ?
Extrait du document
«
Introduction.
— Nous nous plaignons parfois, et bien souvent nous souffrons sans nous plaindre, de ne pas être
compris.
Quelle joie profonde, si nous pouvions trouver l'ami qui nous connaîtrait mieux que nous ne nous
connaissons nous-mêmes, qui comprendrait nos faiblesses et nous les expliquerait
Mais cet ami, psychologue compréhensif, serait-il en même temps, du point de vue moral, un juge digne de
confiance ? Y a-t-il compatibilité, et non antagonisme, entre ces deux rôles ? Peut-on à la fois comprendre
psychologiquement et juger moralement ?
I.
— DIFFÉRENCE DE BUT ET D'ATTITUDE
A.
Expliquer et comprendre, voilà le but du psychologue.
a) Comme le physicien, le psychologue cherche à expliquer, c'est-à-dire à déterminer les causes.
Ainsi il pourra
attribuer la paresse soit à une suite d'échecs qui a tué l'intérêt, soit au mauvais état de l'organisme.
b) Allant plus loin, il tâche de comprendre, c'est-à-dire d'expérimenter en soi ce qui se passe en autrui ; par suite, il
l'explique avec sympathie sinon avec partialité.
On entrevoit par là combien comprendre psychologiquement diffère de juger moralement.
B.
Déterminer la valeur des actes humains, tel est l'objet du jugement moral.
a) On détermine d'abord la valeur des actes d'après leur conformité avec le principe fondamental de la conduite
humaine: dignité personnelle, altruisme.
b) On est amené ainsi à juger de la valeur des hommes suivant qu'ils sont plus ou moins loin de l'idéal moral.
Psychologiquement, on juge de ce qu'est un individu ; moralement de ce qu'il vaut.
II.
— PAS D'ANTAGONISME, MAIS COMPATIBILITÉ
A.
Pas d'antagonisme, car : a) bien que comprenant la vie intérieure de celui qu'il observe,I le psychologue peut,
comme moraliste, porter sur elle des jugements de valeur ; b) le moraliste, d'autre part, peut, comme psychologue,
donner l'explication des faits qu'il apprécie.
B.
Compatibilité parfaite et collaboration.
En effet : a) le psychologue ne peut comprendre son sujet d'observation
s'il n'a pas apprécié sa valeur morale ; b) surtout le moraliste ne peut pas juger de la valeur morale des actes dont il
ne peut pas expliquer la genèse avant de condamner un paresseux, il doit savoir la cause de la paresse.
Conclusion.
— Des esprits timorés pourraient craindre que le psychologue, en expliquant les plus graves aberrations
du sens moral collabore à l'abaissement de la moralité.
La vérité est plutôt dans l'opinion opposée : l'explication de la
vie intérieure nous permet seule d'agir sur elle, et le psychologue qui cherche cette explication est un des plus
importants collaborateurs du progrès moral..
»
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