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Engels: L'État est-il un mal nécessaire ?

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L'État n'est pas du tout un pouvoir imposé du dehors de la société ; il n'est pas davantage « la réalisation effective de l'idée morale », « l'image et la réalisation de la raison », comme le prétend Hegel. Non, il est un produit de la société parvenue à un degré de développement déterminé ; il est l'aveu que cette société s'embarrasse dans une insoluble contradiction avec soi-même, s'étant scindée en antagonismes irréconciliables qu'elle est impuissante à conjurer. Mais afin que les classes antagonistes, aux intérêts économiques opposés, ne se consument pas, elles et la société, en luttes stériles, il est devenu nécessaire qu'un pouvoir, placé en apparence au-dessus de la société, soit chargé d'amortir le conflit en le maintenant dans les limites de « l'ordre » : ce pouvoir, issu de la société, mais qui veut se placer au-dessus d'elle et s'en dégage de plus en plus, c'est l'État. [...] L'État étant né du besoin de tenir en bride les antagonismes de classe, mais étant né en même temps au milieu du conflit de ces classes, il est en général l'État de la classe la plus puissante, de celle qui a la domination économique, laquelle, par son moyen, devient aussi classe politiquement dominante et ainsi acquiert de nouveaux moyens d'assujettir et d'exploiter la classe opprimée. C'est ainsi que l'État antique était avant tout l'État des propriétaires d'esclaves pour tenir ceux-ci sous le joug, de même que l'État féodal fut l'organe de la noblesse pour asservir les paysans serfs et vassaux, et que l'État représentatif moderne sert d'instrument à l'exploitation du travail salarié par le capital. Par exception cependant, il se produit des périodes où les classes en lutte sont si près de s'équilibrer que le pouvoir de l'État acquiert, comme médiateur en apparence, une certaine indépendance momentanée vis-à-vis de l'une et de l'autre [...] L'État n'existe donc pas de toute éternité. Il y a eu des sociétés qui se sont passées de lui, qui n'avaient aucune notion d'État ni de pouvoirs de l'État. [...] La société qui réorganisera la production sur les bases d'une association libre et égalitaire des producteurs transportera toute la machine de l'État là où sera dorénavant sa place : au musée des antiquités, à côté du rouet et de la hache de bronze.

« L'État n'est pas du tout un pouvoir imposé du dehors de la société ; il n'est pas davantage « la réalisation effective de l'idée morale », « l'image et la réalisation de la raison », comme le prétend Hegel.

Non, il est un produit de la société parvenue à un degré de développement déterminé ; il est l'aveu que cette société s'embarrasse dans une insoluble contradiction avec soi-même, s'étant scindée en antagonismes irréconciliables qu'elle est impuissante à conjurer.

Mais afin que les classes antagonistes, aux intérêts économiques opposés, ne se consument pas, elles et la société, en luttes stériles, il est devenu nécessaire qu'un pouvoir, placé en apparence au-dessus de la société, soit chargé d'amortir le conflit en le maintenant dans les limites de « l'ordre » : ce pouvoir, issu de la société, mais qui veut se placer au-dessus d'elle et s'en dégage de plus en plus, c'est l'État.

[...] L'État étant né du besoin de tenir en bride les antagonismes de classe, mais étant né en même temps au milieu du conflit de ces classes, il est en général l'État de la classe la plus puissante, de celle qui a la domination économique, laquelle, par son moyen, devient aussi classe politiquement dominante et ainsi acquiert de nouveaux moyens d'assujettir et d'exploiter la classe opprimée.

C'est ainsi que l'État antique était avant tout l'État des propriétaires d'esclaves pour tenir ceux-ci sous le joug, de même que l'État féodal fut l'organe de la noblesse pour asservir les paysans serfs et vassaux, et que l'État représentatif moderne sert d'instrument à l'exploitation du travail salarié par le capital.

Par exception cependant, il se produit des périodes où les classes en lutte sont si près de s'équilibrer que le pouvoir de l'État acquiert, comme médiateur en apparence, une certaine indépendance momentanée vis-à-vis de l'une et de l'autre [...] L'État n'existe donc pas de toute éternité.

Il y a eu des sociétés qui se sont passées de lui, qui n'avaient aucune notion d'État ni de pouvoirs de l'État.

[...] La société qui réorganisera la production sur les bases d'une association libre et égalitaire des producteurs transportera toute la machine de l'État là où sera dorénavant sa place : au musée des antiquités, à côté du rouet et de la hache de bronze. Proche de Marx et parti prenante du projet du communiste, Engels est un philosophe qui réfléchit essentiellement sur la propriété et l’Etat.

Il est question dans ce présent texte d’une réflexion sur l’Etat.

Ce dernier se définit par une forme d’organisation d’un pays ou une nation, défini juridiquement.

Déjà les philosophes du XVIIe et XVIIIe réfléchissait sur la nature de l’Etat et de la société, mais pour fonder l’état sur des bases rationnelles et non plus religieuses.

Dans l’optique du communisme élaboré par Marx, l’Etat n’est plus considéré comme nécessaire et il ne s’agit plus de le faire accepter des populations mais bien au contraire de promouvoir une société qui fonctionne sans Etat.

Pour ce faire, Engels dans ce texte revient sur l’origine de l’Etat et le fait découler d’un processus historique.

Quel est-il ? Quel est le rôle de l’Etat et comment s’en passer ? L’Etat ne se trouve pas hors et au-dessus de la société - La première idée que Engels attaque dans cet extrait est celle que l’Etat est un appareil qui ne vient pas de la société, qui n’y trouve pas son origine.

Hegel, que Engels cite pour le critiquer, affirme en effet que l’Etat ne se confond pas avec la société civile et est opposé à elle.

Ce concept est repris de la tradition philosophique la plus classique.

C’est une illusion de croire que l’Etat est neutre et distinct par rapport à la société.

Comment peut-on en effet concevoir un Etat qui est imposé du dehors d’une société ? Qui pourrait imposer cet Etat au citoyen ? - Engels critique aussi l’idée que l’Etat serait le domaine de la raison.

C’est une idée assez forte pour les philosophes qui s’interrogent sur les origines de l’Etat.

Ainsi, pour Rousseau ou Spinoza, l’Etat démocratique permet de réaliser la volonté générale, ce sur quoi tous les hommes sont d’accord.

L’Etat aurait alors des fins raisonnables, celui de faire émerger des intérêts particuliers des intérêts de bien commun.

Pour les penseurs du XVIIe et XVIIIe siècle, les hommes se soumettent de plein gré et au terme d’un contrat à l’autorité de l’Etat en leur léguant tous leurs pouvoirs.

C’est-àdire que c’est par sa raison que l’individu crée et respecte l’Etat et non par contrainte.

Pour Hegel, plus tard, l’Etat est la raison en acte, réalisant la morale et le droit qui ne sont, au niveau individuel, encore que des abstractions. - Pour Engels, à l’inverse, l’Etat tire son origine de la société, il est un produit de cette dernière.

Sa naissance ne se fait pas à l’écart des intérêts de la société, mais à partir d’eux.

On retrouve ici une démarche théorique définie par Marx et Hegel qu’on appelle le matérialisme historique.

Il s’agit ici de montrer que l’Etat est né d’une base matérielle de l’existence, qu’il s’est imposé par la force de la situation et qu’il n’a rien à voir avec une réflexion rationnelle ou morale. L’Etat est né des luttes existantes entre des classes sociales antagonistes.

C’est pour cela aussi que Engels affirme que l’Etat est intervenu à une période donnée de l’histoire des sociétés et n’a pas été de tout temps nécessaire.

C’est parce que la société se trouve divisée en deux camps qui s’opposent et dont l’existence même est menacée par l’autre camp que la constitution d’un Etat devient nécessaire pour permettre à la société de ne pas éclater.

L’Etat est donc la conséquence d’une faillite de la société qui n’arrive plus à fonctionner d’elle-même, où les hommes ne sont plus soudés dans une même communauté.

Dès lors, pour que « les classes antagonistes, aux intérêts économiques opposés, ne se consument pas, elles et la société, en luttes stériles », il est nécessaire d’instaurer l’Etat, c’est-à-dire une forme de pouvoir qui passe pour être séparé de la société.

Ainsi, les lois, les gouvernements qui découlent de cet Etat instaurent une organisation, des règles qui limitent les conflits. On voit bien ici que l’Etat doit sa naissance à des conditions économiques puisque les antagonismes des classes que l’Etat doit limiter se fondent eux-mêmes sur des « intérêts économiques opposés ».

Dès lors, l’Etat n’est pas une manifestation de la Raison mais une mesure liée à l’économie et aux conflits. L’Etat est au service de la classe dominante. »

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