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En quoi le travail constitue-t-il l'être humain ?

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« Sens du sujet : les membres de l'espèce humaine sont-ils dans l'obligation, pour atteindre et développer les caractères de cette espèce et se distinguer de toutes les autres, de se livrer à des tâches pénibles supprimant toute jouissance immédiate, tâches par lesquelles ils transforment la nature ? Problème : par quels caractères spécifiques l'espèce humaine se définit-elle ? PRÉALABLE: LA SPÉCIFICITÉ DU TRAVAIL HUMAIN La nature, marâtre envers l'homme. a) Pour pourvoir à sa subsistance, l'homme est bien moins armé par la nature que la plupart des autres animaux.

Il n'a ni griffes pour chasser, ni crocs pour se défendre, ni toison pour se protéger du froid : sa simple survie est déjà un problème. b) Le mythe d'un paradis perdu, d'un état dans lequel le travail n'était pas nécessaire (âge d'or du Politique de Platon, Eden de l'A ncien T estament), évoque par contraste cette dure nécessité. Travail humain et « travail » animal. a) Le travail humain implique la conscience d'un projet.

« Une araignée fait des opérations qui ressemblent à celles du tisserand, et l'abeille confond par la structure de ses cellules de cire l'habileté de plus d'un architecte.

Mais ce qui distingue dès l'abord le plus mauvais architecte de l'abeille la plus experte, c est qu'il a construit la cellule dans sa tête avant de la construire dans la ruche » (K.

Marx, Le C apital, 1867). b) Ainsi, alors que le travail humain est régi par la conscience du but à atteindre, le « travail » animal est instinctif et n'est pas perfectible. • Instinctif: Bergson (dans L'Évolution créatrice, 1907) définit la conscience comme la « différence arithmétique entre l'activité réelle et l'activité virtuelle ».

Dans l'instinct, poursuit-il, « la représentation est bouchée par l'action ».

A u lieu que, chez l'animal intelligent (= chez l'homme), l'existence d'un déficit entre ce qui est donné naturellement et ce qui est nécessaire à la survie favorise l'invention des moyens de survivre. • Non perfectible : La perfectibilité de l'homme (sa faculté de se perfectionner) est liée à la nature même du travail humain. « Les hommes deviennent plus habiles en trouvant mille adresses nouvelles, au lieu quel les cerfs ou les lièvres de ce temps ne sont pas plus rusés que ceux du temps passé » (Leibniz, Nouveaux essais sur l'entendement humain, 1703). L'animal ne progresse pas.

Les castors d'aujourd'hui ne bâtissent pas avec plus d'art que les premiers castors, et l'abeille ne perfectionne pas la cellule qu'elle habite. THÈSE: Les hommes doivent nécessairement travailler pour accomplir leur humanité Point de départ : par le travail, nous refoulons nos désirs de jouissance simple. A rgument : en refoulant, ainsi, leur subjectivité immédiate, les hommes engendrent leur humanité (on pourra, ici, se référer à Hegel, qui a fortement souligné que l'édification de l'essence humaine passe nécessairement par le travail). D'ailleurs, le travail est l'activité séparant l'homme de la nature et le distinguant des animaux.

C'est bien ce que montre Marx, inspiré ici par Hegel : le travail installe l'homme dans l'histoire.

Donc le travail crée le monde de l'homme. Transition : mais le travail n'est-il pas aussi une contrainte inhumaine ? Souligner l'humanité créée par le travail ne conduit-il pas à un point de vue unilatéral ? ANTITHÈSE: Les hommes ne doivent pas nécessairement passer par le travail pour s'accomplir A rgument : on examinera ici l'aliénation que peut engendrer le travail et on prendra en compte d'autres voies formatrices de l'humain : la jouissance esthétique, la contemplation de la vie intérieure, etc.

Le travail, remarquons-le, dompte ou domestique l'activité humaine, et peut-être aussi l'homme luimême (cf les analyses de Nietzsche). C onséquence : on peut donc à la fois réfuter la thèse et souligner la production réelle de l'homme à travers de multiples itinéraires et chemins.

Et la « paresse », n'est-elle pas, parfois, formatrice ? P ourquoi privilégier le travail ? En quoi serait-il la seule médiation édifiant les caractères spécifiques de l'homme ? D'ailleurs, ne parle-t-on pas, à notre époque, d'une « fin du travail » ? L'individu se définit-il toujours aujourd'hui comme un « travailleur » ? Transition : comment reconnaître, en définitive, (et selon quels critères) le caractère formateur de tous les parcours mentionnés ? Rejeter, en particulier, le travail, cet acte par lequel l'homme met sa marque sur la nature, n'est-ce pas laisser s'égarer une dimension fondamentale de l'homme ? SYNTHÈSE: Le vrai travail, formateur de l'humain, apparaît comme une création A rgument : par le travail, l'homme projette son esprit dans le monde et reconnaît sa propre forme, à travers cet acte de création.

L'homme fait ainsi surgir un élément formateur. Il faudra distinguer ici le labeur mécanique et réellement sans intérêt du vrai travail accompli dans la joie (utilisez les beaux thèmes de Nietzsche sur ce sujet).

Le vrai travail rejoint l'oeuvre, la création où l'homme imprime sa marque. "Dans la glorification du "travail", dans les infatigables discours sur la "bénédiction du travail", je vois la même arrièrepensée que dans les louanges adressées aux actes impersonnels et utiles à tous : à savoir la peur de tout ce qui est individuel.

A u fond, on sent aujourd'hui, à la vue du travail - on vise toujours sous ce nom le dur labeur du matin au soir -, qu'un tel travail constitue la meilleure des polices, qu'il tient chacun en bride et s'entend à entraver puissamment le développement de la raison, des désirs, du goût de l'indépendance.

C ar il consume une extraordinaire quantité de force nerveuse et la soustrait à la réflexion, à la méditation, à la rêverie, aux soucis, à l'amour et à la haine, il présente constamment à la vue un but mesquin et assure des satisfactions faciles et régulières.

A ussi une société où l'on travaille dur en permanence aura davantage de sécurité : et l'on adore aujourd'hui la sécurité comme la divinité suprême ..." Nietzsche "Le besoin nous contraint au travail dont le produit apaise le besoin : le réveil toujours nouveau des besoins nous habitue au travail.

Mais dans les pauses où les besoins sont apaisés et, pour ainsi dire, endormis, l'ennui vient nous surprendre.

Qu'est-ce à dire? C 'est l'habitude du travail en général qui se fait à présent sentir comme un besoin nouveau, adventice ; il sera d'autant plus fort que l'on est plus fort habitué à travailler, peut-être même que l'on a souffert plus fort des besoins.

Pour échapper à l'ennui, l'homme travaille au-delà de la mesure de ses autres besoins ou il invente le jeu, c'est-à-dire le travail qui ne doit apaiser aucun autre besoin que celui du travail en général.

Celui qui est saoul du jeu et qui n'a oint, par de nouveaux besoins, de raison de travailler, celui-là est pris parfois du désir d'un troisième état, qui serait au jeu ce que planer est à danser, ce que danser est à marcher, d'un mouvement bienheureux et paisible : c'est la vision de bonheur des artistes et des philosophes." Nietzsche. »

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