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Economie et Affectivité

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Malgré certaines objections, l'expérience humaine peut être considérée comme une réponse à des besoins également impérieux, et contradictoires : le besoin d'assurer la vie et le besoin affectif. Les conduites provoquées par ces besoins sont par essence « calculées » s'il s'agit d'assurer la vie; « inspirées » s'il s'agit d'aimer ou de haïr. Les premières que nous appelons « économiques » sont du domaine de l'avoir; les secondes appartiennent au domaine de l'être.  Mais les activités ainsi déterminées présentent une complémentarité telle que concrètement elles ne se séparent pas les unes des autres. Il en résulte que l'expérience humaine se montre intrinsèquement contradictoire. Il faut doser, choisir; l'option qui s'inscrit conduit à poser des jugements de valeur et entraîne l'émergence de la morale. La nature recèle donc en elle sa propre négation; l'existence de la morale n'est pas contingente ni conventionnelle mais nécessaire et son concept se déduit apodictiquement.    A) Affectivité et économie. Définition    Voilà l'expérience humaine tout entière sous notre regard. Si nous examinons sans préjugé et sans postulat scientifique nos conduites, nous voyons qu'elles peuvent être réparties, quant à leur fin, en deux classes : les unes tendent à nous procurer ce qui est nécessaire pour entretenir notre existence, un toit, des vêtements, des aliments, etc. ; les autres ont ceci de particulier qu'elles ne nous procurent rien, mais nous font participer à l'existence d'autrui, soit d'une manière positive, par l'amour sous ses différentes formes, ou d'une manière négative par la haine.

« Malgré certaines objections, l'expérience humaine peut être considérée comme une réponse à des besoins également impérieux, et contradictoires : le besoin d'assurer la vie et le besoin affectif.

Les conduites provoquées par ces besoins sont par essence « calculées » s'il s'agit d'assurer la vie; « inspirées » s'il s'agit d'aimer ou de haïr.

Les premières que nous appelons « économiques » sont du domaine de l'avoir; les secondes appartiennent au domaine de l'être. Mais les activités ainsi déterminées présentent une complémentarité telle que concrètement elles ne se séparent pas les unes des autres.

Il en résulte que l'expérience humaine se montre intrinsèquement contradictoire.

Il faut doser, choisir; l'option qui s'inscrit conduit à poser des jugements de valeur et entraîne l'émergence de la morale.

La nature recèle donc en elle sa propre négation; l'existence de la morale n'est pas contingente ni conventionnelle mais nécessaire et son concept se déduit apodictiquement. A) Affectivité et économie.

Définition Voilà l'expérience humaine tout entière sous notre regard.

Si nous examinons sans préjugé et sans postulat scientifique nos conduites, nous voyons qu'elles peuvent être réparties, quant à leur fin, en deux classes : les unes tendent à nous procurer ce qui est nécessaire pour entretenir notre existence, un toit, des vêtements, des aliments, etc.

; les autres ont ceci de particulier qu'elles ne nous procurent rien, mais nous font participer à l'existence d'autrui, soit d'une manière positive, par l'amour sous ses différentes formes, ou d'une manière négative par la haine.

Les premières seront dites économiques, les secondes affectives.

C ette distinction resterait superficielle, qui se limite à caractériser par l'opposition des buts.

Mais la phénoménologie de premier abord suffit à montrer sa valeur : comme le dit Henri DENIS, les conduites économiques sont des conduites calculées, tandis que les conduites affectives sont des conduites inspirées : ainsi de vendre ou d'acheter des actions, de préparer un examen, de fondre l'acier implique des jugements et sur les résultats, s'enrichir, acquérir une situation, produire pour l'industriel et simplement vivre pour l'ouvrier, et sur les moyens — il s'agit alors de jugements techniques ; au contraire, d'aimer sa mère ou sa femme exclut en droit un jugement sur les résultats (l'opinion est sévère pour les mariages d'argent et pour les fils de famille oisifs qui « carottent ») comme sur les moyens (la même opinion blâme les « simagrées » et, si elle est souvent pleine de tendresse pour les amoureux, elle se dresse énergiquement contre les séducteurs à froid).

Cela, objectera-t-on, est s'installer d'emblée sur le plan du droit et non des faits et supposer la morale qui est à induire.

En réalité l'opposition de droit est un fait universel dans l'opinion : l'on entre dans la morale en la reconnaissant et en la faisant sienne.

Plus profondément d'ailleurs et en utilisant la terminologie de Gabriel MA RCEL, les conduites économiques sont du domaine de l'avoir : c'est de s'approprier quelque chose, soit par les modes juridiques de la propriété, de la possession ou de la détention, soit, plus généralement, par tout autre mode, comme de manger ; tandis que les conduites affectives sont da domaine de l'être : l'association de toi et de moi entraîne, en surmontant leur opposition réciproque, l'institution d'un nous. B) Dialectique de l'affectivité et de l'économie Si contradictoires que soient ces deux types d'activité, ils s'appellent et se complètent.

Dans un régime économique déterminé les conduites affectives se modifient : il est bien vrai qu'il existe un mariage bourgeois — il n'exclut pas toujours l'amour, mais comporte un grand nombre de préoccupations, même sentimentales, tout à fait étrangères au mariage chez les ouvriers.

Et l'oeuvre entier de FOURIER.

est consacré aux perturbations qu'un système de production et de distribution défectueux apporte à l'exercice des passions.

Réciproquement les préférences affectives réagissent sur les conduites économiques : tel qui, d'origine ouvrière, s'est enrichi, restera fidèle aux opinions révolutionnaires de sa famille ; tel autre, brillamment doué, ne pourra se résoudre à dépasser son père et sa puissance de travail ne sera pas employée ; et nous savons que dans un pays où la société familiale est très appréciée, des déplacements massifs de population, pourtant très utiles pour une création industrielle, seraient inconcevables. Il faut se garder cependant de dépasser cette complémentarité et de tenter d'engendrer les conduites économiques à partir des conduites affectives et vice versa. C'est cette erreur que n'hésitent pas à commettre certains psychanalystes lorsqu'ils font dériver l'activité commerciale et industrielle des premiers stades de la vie infantile.

La joie d'acquérir serait étroitement liée au plaisir oral de manger qui a d'abord été celui de la tétée.

Et c'est lorsqu'on lui apprend la propreté que l'enfant apprendrait à régler, à discipliner sa production et à retenir, c'est-à-dire à économiser.

Que les impressions concernant cette deuxième période donnent leur forme aux sentiments de possessivité, d'économie, d'avarice ou de dilapidation chez chacun, cela n'est pas douteux et l'expérience clinique l'enseigne tous les jours.

Mais elle enseigne aussi qu'il y a une différence radicale entre la morale économique et la morale sexuelle : nous aurons même à discuter sur le point de savoir si l'obligation a la même nature dans les deux cas.

Et de montrer que le père Grandet, par exemple, trouvait une satisfaction symbolique de son complexe dans le maniement des pièces d'or, suffit bien à entraîner qu'un déplacement et une jouissance déviée sont possibles, mais non que de l'existence du complexe puisse naître entièrement une structure économique. C'est de la structure économique au contraire que sont issues les affections selon la plupart des théoriciens marxistes.

Et il est vrai que le mode de la production ne doit pas être négligé dans l'explication des formes de la famille : comme l'a montré Lewis MORGA N, l'organisation en clans correspond à une période d'industrie plus que rudimentaire où l'on se procure surtout des denrées par la chasse et la cueillette en commun, sur le territoire commun ; l'organisation patriarcale correspond à une économie de pasteurs, etc.

Mais si la morale affective se calque sur ces fonctions, elle ne détermine pas l'éclosion de sentiments radicalement nouveaux et encore moins des sentiments tout courts.

Le fait économique ne peut être le fait primordial, non plus d'ailleurs que le fait affectif, sinon par abstraction.

(Freud a donné de l'origine des clans une explication également intéressante qui ne pèche, elle aussi, que par son exclusivité.) C ela est tellement évident que Lewis Morgan, ayant fait du clan une simple entité économique, refusa, à tort, d'y voir une famille et appela familles des groupes composés du père, de la mère et des enfants, qui n'ont dans le clan qu'une existence de fait. Pour vaines qu'elles soient, ces tentatives de réduction éclairent bien la relation dialectique des deux modes d'activité.

La satisfaction des besoins affectifs pose des problèmes que seul le calcul peut résoudre et, comme on ne peut pas toujours calculer, les besoins économiques appellent à eux pour se satisfaire des sentiments qui viennent régler la conduite en l'absence du jugement. C) La contradiction primordiale et l'avènement de la morale Mais alors l'expérience humaine tout entière porte en elle une contradiction.

On peut même dire que par essence elle est contradictoire.

Tout acte, toute conduite recèle des exigences opposées, exige un tri, un dosage, un choix, c'est-à-dire l'expression d'une préférence, ou mieux un recours à la valeur.

A insi la morale n'a-t-elle pas une existence problématique et artificielle.

Sa nécessité s'inscrit dans la nature de l'homme, dans la contradiction fondamentale de tendances également impérieuses sans lesquelles il n'aurait pas de vie possible.

S'orienter exclusivement dans le sens d'un assouvissement des besoins vitaux peut être immoral — comme de faire un mariage d'argent —mais il peut être aussi immoral d'obéir en esclave à ses sentiments, comme de déserter son foyer pour suivre une femme aimée — et même de choisir une voie moyenne crée des questions : il nous souvient d'avoir entendu un misérable nous demander une cigarette ; nous n'allons pas la lui refuser, il nous fait pitié ; mais lui tendre le paquet ? — il a les mains sales et cela nous dégoûterait ensuite de toucher aux autres cigarettes ; lui poser dans la main une cigarette ? Ce serait insultant ; nous avons résolu le cas en lui donnant tout le paquet ; l'acte n'était pas entièrement charitable puisque nous avions mis en jeu notre besoin de propreté, besoin économique lié à une classe donnée dans une civilisation donnée et un calcul ; était-il immoral ? Nous avons quitté le vieillard avec tristesse en pensant à saint François d'A ssise et au baiser au lépreux... Nous avons sans cesse à affronter des conflits de cet ordre et beaucoup sont plus dangereux ou plus douloureux.

Lorsque nous les reconnaissons pour les surmonter, c'est l'avènement en nous de la morale.

C 'est de notre être même que, dialectiquement, sort le devoir être.. »

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