Doit-on craindre la liberté ?
Extrait du document
«
Définition des termes du sujet:
LIBERTÉ:
Ce mot, en philosophie a trois sens :
1° Libre arbitre.
Pouvoir mystérieux de choisir entre les motifs qui me sollicitent sans être déterminé par aucun
d'eux.
2° Liberté de spontanéité.
S'oppose non plus au déterminisme mais à la contrainte : état de celui qui agit sans être
contraint par une force extérieure.
3° Liberté du sage.
État de celui qui est délivré des passions et agit à la lumière de la raison.
Introduction
Doit-on craindre la liberté ? Pour répondre à une telle question, il faut d'abord se mettre d'accord sur le sens de ce
mot.
Pour l'opinion commune, « être libre » est souvent synonyme de « faire ce qui nous plaît ».
Si l'on s'en tient à
cette définition, on ne voit pas ce qui pourrait nous effrayer dans la liberté, puisque celle-ci serait commandée par
le plaisir.
Toutefois Kant, dans l'extrait proposé, nous donne une autre définition de ce terme : être libre, c'est être
autonome, c'est-à-dire être dirigé par soi-même et être responsable de ses actes.
C'est le sens que nous
retiendrons ici pour préciser le problème qu'il nous faut penser : est-il plus dangereux d'être sous la conduite d'une
direction étrangère, donc soustrait à toute responsabilité ou, au contraire, d'être pleinement responsable de ses
actions et de ses décisions ?
Première partie : les dangers de l'autonomie.
Kant nous indique bien pourquoi un si grand nombre d'individus préfèrent confier la direction de leur vie et de leurs
pensées à ceux qui se posent précisément en maîtres à penser.
Les premiers, on l'a vu, sont appelés par lui des «
mineurs », alors que les seconds sont nommés les « tuteurs ».
Or il est si aisé d'être mineur.
Il est vrai qu'être
conduit par la main, comme un enfant, dans les choix et les actions de son existence, peut paraître séduisant.
Comme un enfant, on se décharge de toute responsabilité et, en cas de faute, on ne peut encourir aucun reproche,
car c'est le guide qui devient alors le seul responsable.
L'adulte seul doit « rendre des comptes », et c'est là ce
qu'on pourrait véritablement appeler le danger de la liberté.
Celui d'avoir à porter le poids, seul, de nos décisions, et
le fardeau des reproches, quand ces décisions sont mauvaises.
Pourtant, le texte de Kant le montre bien : le danger d'assumer sa propre liberté, par l'exercice de son entendement,
n'est en définitive pas si grand.
À force de chutes et d'erreurs, on apprend à marcher et à affronter l'existence,
enfin débarrassé de la dépendance sécurisante mais stérile de l'enfance.
Cette « stérilité » est en effet le vrai
danger de l'état de minorité.
Sur ce point, la thèse de Kant nous paraît profondément juste.
Un individu ne peut
s'accomplir que s'il parvient à assumer son rôle d'adulte et le vrai danger est bien plutôt celui de ne jamais connaître
une existence autonome.
QU'EST-CE QUE LES LUMIÈRES? (DEUXIEME ALINÉA).
[2] " La paresse et la lâcheté sont les causes qui expliquent qu'un si
grand nombre d'hommes, après que la nature les a depuis longtemps
affranchis d'une direction étrangère (naturaliter maiorennes) (1),
demeurent pourtant leur vie durant volontiers mineurs ; et qu'il soit si
facile à d'autres de se poser comme leurs tuteurs.
Il est si confortable
d'être mineur.
Si j'ai un livre qui a de l'entendement à ma place, un
pasteur qui a de la conscience à ma place, un médecin qui juge à ma
place de mon régime alimentaire, etc., je n'ai alors bien sûr nul besoin
de m'en donner moi-même la peine.
Il ne m'est pas nécessaire de
penser, du moment que je peux payer; d'autres se chargeront bien
pour moi de ce travail fastidieux.
Que de loin la plus grande part des
hommes (et parmi elle, la totalité du beau sexe) tienne, outre le fait
qu'il est pénible à franchir, pour également très dangereux le dernier
pas vers la majorité, c'est ce dont s'avisent ces tuteurs qui, très
aimablement, ont pris sur eux d'exercer leur haute bienveillance sur
ces hommes.
Après avoir, d'abord, rendu stupide leur bétail
domestique, et avoir soigneusement pris garde que ces paisibles
créatures ne puissent oser faire un seul pas hors du parc (2) où ils les
ont enfermés, ils leur montrent ensuite le danger qui les menace si
elles essaient de marcher seules.
Or ce danger n'est pas si grand qu'il
paraît, car, moyennant quelques chutes, elles finiraient bien par apprendre à marcher ; mais le moindre
exemple d'une telle chute les rend cependant timides et les dissuade de faire une nouvelle tentative.
"
(1) naturellement majeurs.
(2) chariot où l'on installe les enfants qui ne savent pas encore marcher.
POURQUOI LA MINORITE ?.
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