Dire «Je», est-ce exprimer son individualité ?
Extrait du document
«
Termes du sujet:
DIRE: signifie ici affirmer en connaissance de cause, mais cela désigne aussi l'opinion qui dit n'importe quoi, qui
se contente d'affirmer ce qu'elle affirme, qui transforme son désir en vérité universelle.
INDIVIDU:
1) Tout être organisé qui ne peut être divisé sans perdre ses caractères essentiels.
2) L'être humain considéré isolément, par opposition à la société ou à l'État.
Il y a bien des manières d'entendre le mot « Je ».
L'expression de soi peut être celle de sa particularité (ce que je
suis que les autres ne sont pas), voire même de son indépendance (ce que je ne dois qu'à moi-même).
Mais que
penser du fait que tout le monde dise «Je» de la Même manière? Le «Je» n'est-il pas plutôt la marque de l'universel?
1.
Le « Je » comme expression de la conscience de soi
• Pour Kant (Anthropologie du point de vue pragmatique, 1798), c'est la conscience de soi, le fait de « posséder le
Je dans sa représentation», qui constitue la personne humaine et lui confère sa dignité.
Se penser soi-même signifie
prendre possession de soi, sur le fond de la multiplicité des aléas de la vie et de la diversité des impressions et des
affections.
Un objet, au contraire, a son unité hors de lui-même : cette «déficience» fonde la subordination
épistémologique de l'objet au sujet, juridique des choses aux personnes.
Dès le moment où l'enfant commence à parler de lui à la première personne, il se saisit lui-même comme sujet
pensant et conscient.
Cette faculté de la conscience à se prendre elle-même pour objet, qu'on appelle la
"réflexivité" de la conscience, fait de l'être humain une personne (et non une simple machine), cad , chez Kant, un
sujet moral responsable constituant une fin en soi.
"Posséder le Je dans sa représentation: ce pouvoir élève l'homme infiniment
au-dessus de tous les autres êtres vivants sur la terre.
Par là, il est une
personne ; et grâce à l'unité de la conscience dans tous les changements qui
peuvent lui survenir, il est une seule et même personne, c'est-à-dire un être
entièrement différent, par le rang et la dignité, de choses comme le sont les
animaux sans raison, dont on peut disposer à sa guise ; et ceci, même
lorsqu'il ne peut pas dire Je, car il l'a dans sa pensée ; ainsi toutes les
langues, lorsqu'elles parlent à la première personne, doivent penser ce Je,
même si elles ne l'expriment pas par un mot particulier.
Car cette faculté (de
penser) est l'entendement.
Il faut remarquer que l'enfant qui sait déjà parler assez correctement ne
commence qu'assez tard (peut-être un an après) dire Je ; avant, il parle de
soi à la troisième personne (Charles veut manger, marcher, etc.) ; et il semble
que pour lui une lumière vienne de se lever quand il commence à dire Je ; à
partir de ce jour, il ne revient jamais à l'autre manière de parler.
Auparavant il
ne faisait que se sentir ; maintenant il se pense." KANT
Ce texte est extrait du tout début de "Anthropologie du point de vue
pragmatique" (Livre 1.
De la faculté de connaître- De la connaissance de soimême, $1).
Cette oeuvre, regroupe, comme l'indique Kant dans une note de
sa préface, des cours professés pendant les semestres d'hiver "depuis plus de
trente ans".
L' "Anthropologie du point de vue pragmatique" contient toutefois des analyses subtiles sur les sujets les plus divers:
la vie sociale, le rôle des sens et de la mémoire, le suicide.
On y trouve des anecdotes, des conseils sur l'art de
vivre et une sorte de "traité des passions" qui fait songer à celui de Descartes.
Le texte que nous allons commenter se rapporte à la conscience de soi.
Notons que dans un passage difficile de la
"Critique de la raison pure", Kant affirme que pour qu'il y ait conscience de soi, deux choses sont requises: le
déroulement successif de la diversité (le flux des phénomènes intérieurs ou états de conscience) et la
compréhension de ce déroulement, acte qu'il nomme synthèse de l'appréhension.
Autrement dit, sans le "je pense"
qui accompagne toutes mes représentations, "serait représenté en moi quelque chose qui ne pourrait pas du tout
être pensé, ce qui revient à dire ou que la représentation serait impossible, ou que du moins, elle ne serait rien pour
moi".
Kant distingue donc l'aperception empirique qui est l'état intérieur toujours changeant & l'aperception
transcendantale, conscience pure, originaire et synthétique qui assure la liaison et donc la connaissance réflexive de
ce flux intérieur, permettant ainsi la constitution d'un "moi" fixe & permanent.
Pouvoir dire je, c'est donc avoir
conscience d'être un & identique par-delà la multiplicité des états de conscience internes et des expériences
vécues.
Ce texte est difficile.
Il convient de relever les termes essentiels et de leur accorder un moment de réflexion.
"Posséder en je", c'est pouvoir se dédoubler ou plus précisément s'appréhender soi-même comme objet.
"La
personne" signifie le sujet porteur de la loi morale qui, en tant que tel, a une valeur absolue, une dignité et ne.
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