Devant quoi l'angoisse s'angoisse-t-elle ?
Extrait du document
«
Introduction
Troublante question que celle ici posée.
En effet, appartenant au domaine affectif, l'angoisse (du latin angere qui
signifie « serrer, étrangler ») semble justement être une réaction d'inquiétude obscure quant à son objet.
Si nous
nous sentons manifestement angoissés, nous sommes comme incapables de dire « ce » qui nous angoisse.
La
philosophie questionnant l'existence fut l'une des premières à conférer à l'angoisse le statut de moteur essentiel
(certes négatif dans sa forme) dans le rapport complexe entre l'individu et son existence.
La psychanalyse reconnaît
également, quant à elle, le caractère imprécis de la menace ressentie par l'angoissé.
Si la peur est toujours peur
devant quelque chose de précis (des souris, de la solitude...), l'angoisse ne donne pas à la conscience son objet.
De fait, devant quoi s'angoisse-t-on ?
L'objet de l'angoisse est-il, philosophiquement ou psychanalytiquement définissable ?
Celui-ci est-il révélateur d'un sens fondamental de l'existence ?
I.
Une menace floue mais profonde
Le sens commun défini l'angoisse comme sentiment d'insécurité profonde face à une menace non-identifiée.
Cette
inquiétude profonde sera comprise, pour beaucoup de penseurs existentialistes, comme une inquiétude
métaphysique (concernant des idées abstraites ou surnaturelles).
Bien que ce sentiment soit spécialement introduit par Kierkegaard, on peut déjà noter sa présence chez saint
Augustin, ou encore Pascal.
Sartre et Heidegger développeront également
une réflexion philosophique sur cette notion.
Mais Kierkegaard en fera un des
fondements de sa philosophie (Cf.
Le Concept d'angoisse).
Tous s'accordent
néanmoins sur le fondement général de l'angoisse : elle est le sentiment
engendré par la conscience de la fragilité, de l'impuissance et de la
contingence (le fait qu'elle aurait pu aussi ne pas être) radicale de l'existence
humaine.
En un mot, l'existence dont l'homme prend conscience est source
d'angoisse.
Son insécurité, sa fatalité mortelle, sa « factualité » (le fait qu'elle
soit telle ici et maintenant) participent de l'élaboration d'une conscience
douloureuse et angoissée.
Kierkegaard considère l'angoisse comme révélatrice du tragique inhérent à
l'existence.
En écrivant « le monde me donne la nausée, il est sans sel ni
sens », Kierkegaard montre qu'au tragique de la conscience de son vécu se
rapporte une angoisse fondamentale de vivre.
L'angoisse est donc
fondamentalement angoisse devant le tragique d'une existence fragile,
donnée et sans certitude.
Après avoir rappelé que l'angoisse est
« entièrement différente de la crainte et concepts semblables ayant trait à
quelque chose de précis », Kierkegaard la définit comme « vertige » (la
pensée se perdant dans un tourbillon de pensées).
C'est le sentiment
vertigineux de la « possibilité de la liberté » qui fonde ce sentiment
d'angoisse.
L'homme s'angoisse car il prend conscience du caractère
absolument libre de son existence, et donc de la lourde tâche du « choix » constamment à faire dans chaque
situation qui se présente à lui.
Être libre c'est choisir, et plus exactement se choisir continuellement, sans qu'aucune
loi ou règle rassurante ne préside à ce choix fondamental, existentiel, libre absolument.
Mais l'angoisse existentielle est annonciatrice de son tournant métaphysique, voire religieux.
En prenant conscience
de cette libre possibilité de choisir, l'individu prend également conscience de la possibilité de la faute, du péché.
C'est donc vers une angoisse de culpabilité (supposant la faute originelle !) que se dirige l'angoisse existentielle
primordiale de tout individu.
L'angoisse devient celle de la créature pensant à son créateur, prenant donc
conscience de son infinie responsabilité à son égard et à l'égard des autres créatures.
Paradoxalement l'angoisse
portée à son paroxysme religieux à une portée positive sur l'humain, selon Kierkegaard.
Ainsi, « grâce à la foi, elle
possède une valeur éducative absolue, car elle corrode toutes les choses du monde fini et met à nu toutes leurs
illusions » (Cf.
Le Concept d'angoisse).
L'angoisse est alors définie par le Danois comme « antipathie-sympathique et
sympathie-antipathique » à la fois, montrant ainsi cette relation ambiguë de haine et d'amour que tisse l'individu
avec son angoisse existentielle.
Cherchant toujours d'abord à fuir (vainement !) cette angoisse, l'individu explore
alors, selon l'auteur, trois stades différents (esthétique, éthique et religieux).
Mais seul le dernier stade (religieux)
permet à l'individu de trouver une signification et un principe absolus qui justifient son angoisse.
Abraham est
l'exemple même de ce saut vers la foi qui seul donne sens (en retour mais sans certitude préalable) à son angoisse
de père lorsque Dieu lui ordonne de sacrifier son fils pour lui.
Au dernier moment Dieu interrompt le geste infanticide
d'Abraham et montre ainsi à ce dernier qu'il à eu raison de croire en cela même qui dépassait toute morale et toute
éthique.
Mais la psychanalyse ne considère pas l'angoisse sous cet angle.
Elle reconnaît préalablement que l'angoisse est
certes liée à un sentiment d'inquiétude face à une menace imprécise, mais elle rejette l'idée que l'existence ou Dieu
puisse en être les objets.
Freud définira l'angoisse comme le fruit d'une tension libidinale provoquée par un manque.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- L'angoisse en psychanalyse
- Le concept d'angoisse - Søren Kierkegaard
- Des sociologues expliquent certaines attitudes contemporaines, comme le refus du travail ou d'avoir des enfants, par la crainte de lendemains de plus en plus incertains. Parmi les causes d'une possible angoisse face à l'avenir, quelle est, ou quelles son
- L'angoisse existentielle ?
- Jean-Paul SARTRE: EXISTENCE ET ANGOISSE