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Dans quelle mesure la religion suppose-t-elle un acte de foi ?

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« Notre sujet s'appuie, dans sa formulation, sur un présupposé : la religion suppose un acte de foi.

C'est d'ailleurs en cela que la religion s'oppose à la science, c'est-à-dire pour autant que croire (foi) n'est pas savoir (raison).

La question qui nous occupe s'articule donc à partir de cette reconnaissance initiale de la foi et nous demande : « dans quelle mesure la religion suppose-t-elle un acte de foi ? » Autrement dit, si le concept de foi est censément propre à la sphère religieuse, il convient de l'élaborer dans une suite d'oppositions fondamentales : en effet, premièrement, faire acte de foi, c'est croire dans l'exacte mesure où l'on ne sait pas, c'est-à-dire autant que la religion s'oppose à la science.

Mais, deuxièmement, l'acte de foi suppose une spécificité propre.

Nous verrons avec Kant le rôle qu'assume la foi morale, avant d'aborder le problème de la conversion du cœur avec Pascal, dont les Pensées, dans le cadre du christianisme, tentent de rendre la foi à l'amour. I – Éléments d'épistémologie : foi et raison Dans la hiérarchie épistémologique, la foi occupe une place propre qui la distingue du savoir, en sorte que celui-ci renvoie à la rationalité et à la science, tandis que celle-là évoque la sphère proprement religieuse.

De fait, la croyance se situe à mi-chemin de l'opinion et de la science, de telle sorte que croire ce n'est pas tant croire que… (ce qui relève de l'opinion), mais croire en..

Si je dis que « je crois que Dieu existe », cela signifie que j'estime son existence probable, tout en n'ayant aucune certitude sur ce point.

En revanche, si je dis que « je crois en Dieu », j'affirme, dans un acte de foi, l'existence de Dieu. On peut rapprocher ici l' « acte de foi » des « actes de discours » (speech acts) qu'évoque Austin dans Quand dire, c'est faire.

L'acte de discours consiste à faire quelque chose par le discours : dire revient alors à faire. Austin désigne cela du nom de « performatif ».

Ainsi, quand je dis « la séance est ouverte », j'use d'un performatif, puisque le fait d'annoncer l'ouverture de la séance l'ouvre effectivement.

Or, il en est de même dans la foi : dire que « je crois en Dieu » constitue Dieu comme existant à mes yeux de croyant.

La foi se distingue donc sur ce point de l'opinion. Elle se distingue aussi de la science, comme l'indique la formule de saint Paul : « credo quia absurdum », c'est-à-dire « je crois parce que c'est absurde ».

En effet, le fait de croire aux miracles relève selon lui de la foi et non de la science.

« Croire en » et « savoir » sont dès lors deux actes différents : par exemple, que l'eau se soit changée en vin au cours des noces de Cana, voilà quelque chose que l'on ne peut savoir, c'est-à-dire qui n'est pas démontrable scientifiquement et qui paraît même impossible du point de vue de la science.

Or, il s'agit d'un miracle auquel on peut croire.

Dès lors, si je ne sais pas que l'eau s'est changé en vin, je peut tout de même y croire. Ainsi, nous pouvons dire pour l'instant que la religion suppose un acte de foi, dans la mesure où elle se porte sur des objets transcendants, distincts du monde de l'expérience courante, et qui s'exceptent du double régime de l'opinion et du savoir. II – Foi pragmatique, foi doctrinale et foi morale chez Kant Si la foi se trouve encadrée de part et d'autre par l'opinion et la science, c'est qu'elle est une manière de se rapporter aux choses, non pas sur le mode de la probabilité subjective (opinion) ou de la certitude objective (science), mais, par exemple, sur un mode performatif.

Kant poursuit cette investigation sur la foi dans la Critique de la raison pure en distinguant trois types de foi. La première est une foi pragmatique : comme son nom l'indique, elle est tournée vers l'action et la façon dont nous nous proposons des buts, par eux-mêmes incertains, mais qui nous permettent d'agir.

Par exemple, un médecin doit soigner un malade ; il diagnostique une maladie, mais un autre médecin aurait pu établir un autre diagnostic plus poussé.

Cependant, comme il doit agir vite, il prend appui sur ses conclusions et établit un traitement.

S'il s'est trompé, il pourra rectifier son diagnostic, mais il doit lui donner foi dans l'instant, c'est-à-dire le croire valable.

L'expérience peut donc démentir ce type de foi. La seconde est une foi doctrinale : elle concerne des problèmes spéculatifs, que l'expérience ne peut pas démentir.

Par exemple, l'existence de Dieu ne peut être démontrée par la raison et l'expérience ne peut pas l'établir, mais y accorder une foi doctrinale permet de soutenir son existence de telle sorte que des problèmes spéculatifs soit résolus, tels que le progrès inhérent à l'histoire dès lors orienté par un sage créateur. La troisième est une foi morale : elle concerne nos actions en tant qu'elles doivent être conforme à la loi morale.

Le but de notre action (la moralité) est alors fixé et il n'y a qu'une seule condition possible qui lui donne une valeur pratique : le fait qu'il y a un Dieu et un monde futur.

La foi morale s'avère inébranlable, tant que nous ne renonçons pas à la moralité, c'est-à-dire, pour Kant, à notre humanité. Ainsi, en suivant cette typologie, nous passons d'une foi proprement orientée vers l'action efficace à une foi d'essence spéculative, pour aboutir à une foi morale, qui prend en charge l'avènement de la moralité, c'est-à-dire nos actions, non plus dans ce qu'elles ont d'efficaces, mais en ce qu'elles nous rendent dignes de nous.

Or, la dernière forme de la foi nous renvoie proprement à la sphère de la religion ; cependant, il s'agit d'une religion d'essence rationnelle, puisqu'il s'agit d'orienter notre connaissance du monde et notre action selon la question que formule Kant : « Que puis-je espérer ? ».

À ce niveau-là, la religion exige un acte de foi dans la mesure où elle nous fournit une espérance ; espérance d'un au-delà, qui en retour peut fonder notre moralité. III – L'ordre de la charité selon Pascal. »

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