Critiquer l'histoire ?
Extrait du document
«
A.
L'imaginaire historique
Mais est-ce vraiment l'intérêt pour la vérité et l'ouverture d'esprit humaniste qui animent la démarche historienne?
L'historien n'est-il pas aussi et surtout un amateur de ce qui n'est plus? Dans ce cas, quel serait le sens de cette
attirance pour les fantômes du passé? Dans le présent, le réel s'impose par les déceptions, les échecs, les
limitations qu'il nous oppose.
Vivre le présent suppose donc l'acceptation de cette condition difficile, pénible,
souvent violente de l'existence humaine.
Au contraire, le passé qui, par définition, n'est plus, se prête plus
facilement au jeu de notre imagination.
II faut l'exhumer, le réinventer, le construire...
Il n'est jamais qu'une
construction de notre esprit: de notre mémoire spontanée ou d'une élaboration critique.
Et si l'historien ne
reconstruit pas de manière froide et détachée le cours des événements historiques, c'est qu'il ne travaille pas
seulement avec les traces du passé: il est également travaillé par les désirs, les fantasmes de son présent qui
cherchent à s'exprimer à travers sa lecture du passé et ses reconstitutions imaginaires.
Malgré ses exigences de méthodes et ses efforts critiques, l'historien n'en vient-il pas toujours, en dernière
instance, à s'approprier son sujet avec son imagination, à convertir le passé en «une» histoire, un «roman»?
L'intérêt pour l'histoire est-il très différent de celui que les enfants, mais aussi les adultes, portent aux «histoires»?
B.
Un refus de faire l'histoire
L'histoire représenterait donc une fuite face au présent.
Refuge pour l'imagination qui accorde ce que le réel refuse,
le passé est la dimension privilégiée de ceux qui au lieu de faire l'histoire préfèrent faire de l'histoire.
L'intérêt pour
l'histoire traduirait ainsi un profond désintérêt pour le présent, désintérêt qui manifesterait l'incapacité à assumer ses
enjeux.
L'homme d'action, lui, n'a nul besoin de livres d'histoire.
L'individu qui, conscient de ses responsabilités
historiques, cherche à infléchir le cours des événements de son peuple n'est pas guidé par un quelconque savoir
d'historien.
Il y eut de «grands hommes» bien avant les premiers historiographes de la Grèce antique (Hérodote,
Thucydide).
Leurs analyses et leurs intuitions se sont fondées sur la compréhension des situations auxquelles ils
étaient confrontés.
On ne peut à la fois être dans l'histoire et être au-dessus d'elle; on ne peut la vivre et en faire
un simple objet de connaissance..
»
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