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Créer est-ce produire ?

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Le travail humain, nous dit Marx, se distingue de la production animal dans la mesure où l'animal ne produit que sous l'empire du besoin, tandis que l'homme ne travaille véritablement et pleinement que lorsqu'il est libéré du besoin. C'est pourquoi dans le travail chaque homme peut s'affirmer librement lui-même en même temps qu'il affirme l'essence de l'homme en général. Car si dans mon travail j'objective «ma production, mon individualité, sa particularité», dans la jouissance qu'autrui aura du fruit de mon travail, je jouis «d'avoir objectivé l'essence de l'homme, donc d'avoir procuré l'objet qui, lui, convenait aux besoins d'un autre être humain». Ainsi je confirme et réalise directement dans mon activité individuelle «mon essence vraie, mon essence humaine, mon essence sociale». Dans le travail créateur l'homme se reconnaît donc pleinement, à la fois comme individu et comme être social. ? Le travail aliéné, simple production Cependant la positivité du travail, dans lequel l'homme s'autoréalise et s'enrichit, peut se transformer en négativité et en appauvrissement. En effet, Marx y a insisté, lorsque le travail n'est une simple simple nécessité physique imposée au travailleur pour assurer ses besoins vitaux, il devient essentiellement une peine. Alors l'homme ne peut plus se reconnaître dans un travail qui ne fait plus appel au)forces essentielles, à l'intelligence et à l'originalité de l'individu. Parce qu'il n'est pas libre, parce qu'il ne répond plus à une volonté et une intention du travailleur, ce travail est exécuté comme mécaniquement et ses productions ne sont en effet que des productions, non pas des créations. b) Production technique et création artistique Enfin, on peut utiliser la distinction entre «créer» et «produire» pour distinguer l'art (au sens restreint de production de belles oeuvres) de la technique.

  • Créer est le propre de l'artiste. C'est donner forme à une matière. La création implique la naissance d'une oeuvre originale, unique. On le veut la création est un processus radicalement opposé à l'esprit de reproduction et d'imitation.
  • Produire ne s'applique qu'à la fabrication d'objets utilitaires cad artisanaux ou techniques.


« LIRE LE SUJET A u sens large et courant, «produire», c'est «faire exister (ce qui n'existe pas encore» (P etit Robert).

«Produire» est donc très souvent, dans nombre d' expressions, à peu près synonyme de «créer».

Toutefois on oppose également fréquemment c e s deux termes.

P ar exemple, on oppose la «production», entendue comme quelque chose de mécanique, à la «création» entendue comme invention artistique.

Mais d'autres oppositions sont possibles.

La réflexion pourra se borner à creuser seulement l' une d' elles ou en examiner plusieurs, successivement ou simultanément.

Et puisque l'on demande simplement si on peut opposer produire et créer, il n' est pas interdit de chercher des oppositions originales, que l'on définira soi-même. Introduction Nous employons souvent «créer» et «produire» comme des synonymes.

Nous dirons ainsi qu'un événement historique a créé ou produit une situation nouvelle, qu'un auteur a produit ou créé une oeuvre, que le travail produit ou crée des richesses, etc.

C ependant, nous ne dirons jamais qu'un arbre a créé un fruit, mais qu'il l'a produit.

Il semble donc que l'on puisse introduire quelques différences entre produire et créer.

Essayons de déterminer lesquelles 1.

Dieu, la nature, l'homme a) Dieu seul crée, la nature et l'homme produisent On parlera plutôt de «la création du monde» par Dieu que de sa «production».

On peut ainsi opposer «produire» et «créer» en réservant la «création» à Dieu seul, la nature et les hommes ne pouvant véritablement «créer» mais simplement «produire». Qu'est-ce alors que créer quelque chose ? C 'est la «tirer du néant».

Or, seul, Dieu (s'il existe) est effectivement capable de produire quelque chose ex nihilo, c'est-à-dire à partir du néant, à partir d'absolument rien.

Selon la tradition judéo-chrétienne, en effet, Dieu n'a pas créé le monde à partir d'une matière quelconque, d'un chaos préexistant, ni à partir de lui-même, de sa substance, mais à partir d'absolument rien. Mais si du non être absolu Dieu peut faire sortir l'être, tel n'est pas le cas de la nature, ni celui de l'homme.

De fait, lorsqu'ils «créent» quelque chose la nature et l'homme le font toujours à partir de quelque chose d'autre : de matériaux, de substances ; mêmes les idées nouvelles que l'hommes «crée» sont produites à partir d'idées antérieures.

A insi les «créations» de la nature et de l'homme ne sont-elles jamais des commencements absolus : c'est pourquoi. ont peut, en ce sens, leur réserver le terme de «production». b) La nature produit, l'homme crée Mais si l'on ne considère plus le cas particulier et problématique de Dieu, on peut opposer produire et créer pour distinguer la spécificité des productions de «l'art humain» par rapport à celle de la nature. Dans sa Critique du jugement, Kant fait en effet observer que les productions de l'art (entendu au sens large, c'est-à-dire englobant aussi bien la technique que les beaux-arts) se distinguent de celle de la nature, dans la mesure où l'art est le «produit de la liberté, c'est-à-dire d'un vouloir qui fonde ses actes sur la raison».

En ce sens, on pourrait donc dire que seul l'homme «crée»,tandis que la nature «produit».

Nous dirons, par exemple, qu'un arbre produit un fruit, que les abeilles produisent du miel, et l'on devrait dire que l'oiseau produit son nid ou le castor sa hutte, puisqu'aucune de ces productions ne procèdent d'une volonté autonome et raisonnable ; l'homme, en revanche, crée des outils, du pain, une maison, un tableau, etc. 2.

Productions et créations humaines a) C réation du travail réel, production du travail aliéné En creusant cette idée de l'autonomie de la volonté, de la liberté, à l'oeuvre dans la création humaine par opposition à la production naturelle, on peut être conduit à opposer à nouveau «créer» et «produire», mais cette fois-ci à l'intérieur de la sphère même du monde humain. • Le travail comme activité créatrice On peut en effet considérer que le fruit du travail humain est une création dans la mesure où, comme l'a souligné Hegel, en transformant la nature, l'homme transforme sa nature, que donc en un sens il se crée lui-même : il accède à la liberté. Travailler éveille les ressources, l'intelligence du travailleur.

Dans le résultat de son travail, le travailleur contemple finalement les pouvoirs d'une conscience qui a transformé la réalité selon sa volonté, qui a fait oeuvre de création.

Une telle oeuvre manifeste la vérité de la conscience, son objectivation, sa réalisation, le mouvement par lequel elle s'est formée comme conscience libérée du besoin.

C 'est pourquoi Marx, lecteur de Hegel, a pu poser le travail comme étant l'essence même de l'homme (cf.

M anuscrits de 1844).

Le travail humain, nous dit Marx, se distingue de la production animal dans la mesure où l'animal ne produit que sous l'empire du besoin, tandis que l'homme ne travaille véritablement et pleinement que lorsqu'il est libéré du besoin.

C'est pourquoi dans le travail chaque homme peut s'affirmer librement luimême en même temps qu'il affirme l'essence de l'homme en général.

C ar si dans mon travail j'objective «ma production, mon individualité, sa particularité», dans la jouissance qu'autrui aura du fruit de mon travail, je jouis «d'avoir objectivé l'essence de l'homme, donc d'avoir procuré l'objet qui, lui, convenait aux besoins d'un autre être humain».

A insi je confirme et réalise directement dans mon activité individuelle «mon essence vraie, mon essence humaine, mon essence sociale».

Dans le travail créateur l'homme se reconnaît donc pleinement, à la fois comme individu et comme être social. • Le travail aliéné, simple production C ependant la positivité du travail, dans lequel l'homme s'autoréalise et s'enrichit, peut se transformer en négativité et en appauvrissement.

En effet, Marx y a insisté, lorsque le travail n'est une simple simple nécessité physique imposée au travailleur pour assurer s e s besoins vitaux, il devient essentiellement une peine.

A lors l'homme ne peut plus s e reconnaître dans un travail qui ne fait plus appel au)forces essentielles, à l'intelligence et à l'originalité de l'individu. Parce qu'il n'est pas libre, parce qu'il ne répond plus à une volonté et une intention du travailleur, ce travail est exécuté comme mécaniquement et ses productions ne sont en effet que des productions, non pas des créations. b) Production technique et création artistique Enfin, on peut utiliser la distinction entre «créer» et «produire» pour distinguer l'art (au sens restreint de production de belles oeuvres) de la technique.

On parlera alors de «création artistique» et de «production technique».

On pourra notamment fonder une telle distinction en faisant de la création artistique l'oeuvre du génie : c'est la thèse de Kant (pour son exposition cf.

sujet n° 10), reprise sous une autre forme par A lain, qui écrit : « T outes les fois que l'idée précède et règle l'exécution, c'est l'industrie.

Et encore est-il vrai que l'oeuvre souvent, même dans l'industrie, redresse l'idée en ce sens que l'artisan trouve mieux qu'il n'avait pensé dès qu'il essaye ; en cela il est artiste, mais par éclairs.

T oujours est-il que la représentation d'une idée dans la chose, je dis même d'une idée bien définie comme le dessin d'une maison, est une oeuvre mécanique seulement, en ce sens qu'une machine bien réglée d'abord ferait l'oeuvre à mille exemplaires.

P ensons maintenant au travail du peintre de portrait ; il est clair qu'il ne peut avoir le projet de toutes les couleurs qu'il emploiera à l'oeuvre qu'il commence ; l'idée lui vient à mesure qu'il fait ; il serait même plus rigoureux de dire que l'idée lui vient ensuite, comme au spectateur, et qu'il est spectateur aussi de son oeuvre en train de naître.

Et c'est là le propre de l'artiste..

(Système des Beaux-A rts, I, 8.) Conclusion Il est possible d'opposer de multiples manières «produire» et «créer».

Mais toutes ces oppositions s'articulent alors autour d'une distinction fondamentale : la création est une production qui relève d'un sujet libre, c'est-à-dire d'une intelligence produisant volontairement et de manière désintéressée, parce que dégagée de la nécessité comme du besoin.. »

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