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COURNOT: En histoire [...], la curiosite anecdotique...

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En histoire [...], la curiosité anecdotique s'adonne à la recherche des causes, surtout pour montrer combien il y a de disproportion entre la petitesse des causes et la grandeur des effets. C'est (par exemple) le grain de sable dans l'uretère de Cromwell [...]. Mais l'histoire philosophique, la grande histoire, s'arrête peu à ces causes microscopiques. Elle cherche une raison suffisante des grands événements, c'est-à-dire une raison qui se mesure à l'importance des événements ; et sans qu'elle ait la prétention d'y atteindre toujours, puisque cette raison peut se trouver hors de la sphère de ses investigations, il arrive souvent qu'elle la trouve. Une configuration géographique, un relief orographique ne sont pas des causes au sens propre du mot : cependant personne ne s'étonnera d'y trouver la clef, l'explication ou la raison de l'histoire d'un pays réduite à ses grands traits, à ceux qui méritent de rester gravés dans la mémoire des hommes. Le succès d'une conspiration, d'une émeute, d'un scrutin décidera d'une révolution dont il faut chercher la raison dans la caducité des vieilles institutions, dans le changement des moeurs et des croyances, ou à l'inverse dans le besoin de sortir du désordre et des intérêts alarmés. Voilà ce que l'historien philosophe sera chargé de faire ressortir, en laissant pour pâture à une curiosité frivole tels faits en eux-mêmes insignifiants, qui pourtant figurent dans la chaîne des causes, mais qu'on est fondé à mettre sur le compte du hasard. COURNOT

QUESTIONNAIRE INDICATIF    • A quoi « s'adonne la curiosité anecdotique »?  — En vue de quoi ?  • De quelle histoire s'agit-il ici ?  • Qu'est-ce qui cherche « une raison suffisante des grands événements »?  • Qu'est-ce qu'une « raison suffisante »?  — En quoi peut-on dire qu'il y a une différence entre « causes au sens propre du mot » et « explication ou raison de » ?  — Importance de cette distinction pour la compréhension de ce texte ?  • Pouvez-vous préciser, maintenant, ce que Cournot entend par « l'histoire philosophique » ?  • Comment comprenez-vous « qui pourtant figurent dans la chaîne des causes, mais qu'on est fondé à mettre sur le compte du hasard »?  • Y a-t-il opposition entre « histoire (...) » et « histoire philosophique »?  • Que cherche à faire apparaître Cournot dans ce texte ?  — Que pensez-vous de la position de Cournot (en regard de ce que l'on appelle, peut-être improprement actuellement, par exemple, « la nouvelle histoire »?

« COURNOT : CAUSES ET RAISONS DES FAITS HISTORIQUES L'historien ne peut ni tout connaître ni tout décrire et les événements passés n'ont pas tous la même importance.

S'il veut expliquer ces événements, l'historien, dit Cournot, ne peut se contenter d'exposer des causes qui n'en donnent pas l'intelligence.

Il lui faut chercher d découvrir les raisons des faits, qui donnent d leur enchaînement dans le temps une réelle nécessité. « En histoire [...], la curiosité anecdotique s'adonne à la recherche des causes, surtout pour montrer combien il y a de disproportion entre la petitesse des causes et la grandeur des effets.

C'est (par exemple) le grain de sable dans l'uretère de Cromwell [...].

Mais l'histoire philosophique, la grande histoire, s'arrête peu à ces causes microscopiques. Elle cherche une raison suffisante des grands événements, c'est-à-dire une raison qui se mesure à l'importance des événements ; et sans qu'elle ait la prétention d'y atteindre toujours, puisque cette raison peut se trouver hors de la sphère de ses investigations, il arrive souvent qu'elle la trouve.

Une configuration géographique, un relief orographique ne sont pas des causes au sens propre du mot : cependant personne ne s'étonnera d'y trouver la clef, l'explication ou la raison de l'histoire d'un pays réduite à ses grands traits, à ceux qui méritent de rester gravés dans la mémoire des hommes.

Le succès d'une conspiration, d'une émeute, d'un scrutin décidera d'une révolution dont il faut chercher la raison dans la caducité des vieilles institutions, dans le changement des moeurs et des croyances, ou à l'inverse dans le besoin de sortir du désordre et des intérêts alarmés.

Voilà ce que l'historien philosophe sera chargé de faire ressortir, en laissant pour pâture à une curiosité frivole tels faits en eux-mêmes insignifiants, qui pourtant figurent dans la chaîne des causes, mais qu'on est fondé à mettre sur le compte du hasard.

» QUESTIONNAIRE INDICATIF • A quoi « s'adonne la curiosité anecdotique »? — En vue de quoi ? • De quelle histoire s'agit-il ici ? • Qu'est-ce qui cherche « une raison suffisante des grands événements »? • Qu'est-ce qu'une « raison suffisante »? — En quoi peut-on dire qu'il y a une différence entre « causes au sens propre du mot » et « explication ou raison de » ? — Importance de cette distinction pour la compréhension de ce texte ? • Pouvez-vous préciser, maintenant, ce que Cournot entend par « l'histoire philosophique » ? • Comment comprenez-vous « qui pourtant figurent dans la chaîne des causes, mais qu'on est fondé à mettre sur le compte du hasard »? • Y a-t-il opposition entre « histoire (...) » et « histoire philosophique »? • Que cherche à faire apparaître Cournot dans ce texte ? — Que pensez-vous de la position de Cournot (en regard de ce que l'on appelle, peut-être improprement actuellement, par exemple, « la nouvelle histoire »? INDICATIONS DE LECTURE • Leçons sur la philosophie de l'histoire de Hegel (Vrin). • Comment on écrit l'histoire de Paul Veyne (Seuil). • Faire de l'histoire (Gallimard, N.R.F.), l'article de Michel de Certeau « L'opération historique ». Cournot débute son investigation comme tout historien, par la réflexion sur les grands événements, mais il procède autrement. L'explication qu'il propose, et qui restera dans la mémoire des hommes, l'historien la trouvera ou non, dans les institutions, les mœurs ou les croyances. Ainsi le commentaire confrontera cette version d'une histoire philosophique où il faudrait comparer de grandes causes à de grands événements, et l'histoire actuelle, celle que nous appelons « Nouvelle histoire » qui se range du côté des événements ressentis en longue durée, qui les aplatit en quelque sorte, et qui cherche à comprendre les structures de ces faits. Ordre des idées Le texte repose sur une opposition entre deux manières d'étudier l'histoire: 1) L'histoire anecdotique.

Son projet : rechercher les causes mineures qui paraissent expliquer des événements majeurs. - Exemple : le calcul de Cromwell (cf.

aussi le nez de Cléopâtre). ANECDOTE: Si le nez de Cléopâtre avait été plus court, écrit Pascal, toute la face de la Terre aurait changé.

Que voulait-il dire par là ? Si Marc-Antoine, amoureux de la reine d'Égypte, avait préparé son combat contre Octave au lieu de compter fleurette à la belle, il serait devenu empereur à la place de son rival.

En changeant de chef, Rome aurait changé le monde.

Ainsi, l'histoire tient-elle à des riens, à des hasards insignifiants que Pascal s'empresse de rallier afin de faire une apologie du Dieu du christianisme. 2) L'histoire philosophique.

Son projet : chercher la "raison suffisante des grands événements", c-à-d, en deçà des causes anecdotiques, les faits entraînant nécessairement, lorsqu'ils existent, des conséquences qui ne peuvent pas ne pas se produire. - Exemples : la géographie physique d'un pays, l'affaiblissement des institutions (juridiques, politiques, religieuses) peuvent rendre inévitables certains événements dont les causes anecdotiques sont contingentes et finalement inessentielles (le caractère de telle personnalité politique, le hasard climatique).. »

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