Aide en Philo

COURNOT

Extrait du document

La philosophie ne peut être rapprochée de la science, en ce sens qu'elle en formerait, soit le premier, soit le dernier échelon. C'est le produit d'une autre faculté de l'intelligence, qui, dans la sphère de son activité, s'exerce et se perfectionne suivant un mode qui lui est propre. C'est aussi quelque chose de moins impersonnel que la science. La science se transmet identiquement par l'enseignement oral et dans les livres ; elle devient le patrimoine commun de tous les esprits, et dépouille bientôt le cachet du génie qui l'a créée ou agrandie. Dans l'ordre des spéculations philosophiques, les développements de la pensée sont seulement suscités par la pensée d'autrui ; ils conservent toujours un caractère de personnalité qui fait que chacun est obligé de se faire sa philosophie. La pensée philosophique est bien moins que la pensée poétique sous l'influence des formes du langage, mais elle en dépend encore, tandis que la science se transmet sans modification aucune d'un idiome à l'autre. COURNOT

« « La philosophie ne peut être rapprochée de la science, en ce sens qu'elle en formerait, soit le premier, soit le dernier échelon.

C'est le produit d'une autre faculté de l'intelligence, qui, dans la sphère de son activité, s'exerce et se perfectionne suivant un mode qui lui est propre.

C'est aussi quelque chose de moins impersonnel que la science.

La science se transmet identiquement par l'enseignement oral et dans les livres ; elle devient le patrimoine commun de tous les esprits, et dépouille bientôt le cachet du génie qui l'a créée ou agrandie.

Dans l'ordre des spéculations philosophiques, les développements de la pensée sont seulement suscités par la pensée d'autrui ; ils conservent toujours un caractère de personnalité qui fait que chacun est obligé de se faire sa philosophie.

La pensée philosophique est bien moins que la pensée poétique sous l'influence des formes du langage, mais elle en dépend encore, tandis que la science se transmet sans modification aucune d'un idiome à l'autre.» COURNOT DIRECTIONS DE RECHERCHE • A quelle(s) conception(s) de la philosophie Cournot fait-il allusion par sa première phrase ? • Cournot refuse-t-il tout rapprochement entre « la » philosophie et « la » science ? • Ce qu'il refuse ne serait-ce pas que la philosophie puisse être intégrée à la science ? Soit en tant que premier échelon (c'est-à-dire qu'elle établirait les données ou certitudes premières) ? Soit en tant que dernier échelon (comme « synthèse » des acquisitions scientifique ? Cf.

Auguste Comte par exemple). • En quoi peut se justifier que la philosophie soit le produit d'une autre faculté de l'intelligence s'employant dans une autre sphère d'activité s'exerçant selon un mode qui lui est propre ? • Essayez de déterminer les différences d'objet et de « mode de penser » entre — par exemple — le mathématicien et le chercheur en sciences expérimentales d'une part et le philosophe d'autre part. • Quels sont les arguments invoqués par Cournot pour établir que la philosophie est moins impersonnelle que la science ? Pouvez-vous « développer » ces arguments ? Qu'en pensez-vous ? • En quoi les relations entretenues entre « la pensée philosophique » et « les formes du langage » peuvent-ils être, selon Cournot, une preuve que la philosophie ne saurait être « intégrée » (en quelque sorte) à la science ? • Pouvez-vous (par des exemples entre autres) justifier qu'effectivement ces relations sont particulières à « la » philosophie (relativement à « la » poésie et à « la science » ) ? Y a-t-il liaison entre cela et le caractère moins « impersonnel » de la philosophie (par rapport à la science) ? • Quel est l'enjeu de ce texte ? • Comment apprécier son intérêt philosophique ? [Introduction] Parce que la philosophie est antérieure à la science au sens moderne, la question de leur relation a souvent été évoquée, par des philosophes aussi bien que par des scientifiques.

L'originalité de Cournot est ici d'affirmer que leurs démarches sont en réalité différentes, ce qui garantit la spécificité et aussi la nécessité de chacune.

Il n'y a donc pas lieu de tenter de les classer l'une par rapport à l'autre ou de les hiérarchiser ; chacune possède sa dignité propre, même si leurs modes d'élaboration, de transmission et de discours sont nettement distincts. [I.

Deux activités intellectuelles différentes] Avant l'apparition de la science moderne, soit avant le xviie siècle, on pouvait concevoir une relation hiérarchique entre la philosophie et les « savoirs ».

C'est bien ce que fait Platon, lorsqu'il affirme que la connaissance dialectique constitue le dernier niveau de la connaissance, supérieur aux savoirs qui concernent le monde (qu'il s'agisse de la médecine ou de l'astronomie).

C'est aussi le point de vue d'Aristote, lorsqu'il distingue les philosophies « secondes » (tous les savoirs sur le monde, jusqu'à la « physique ») de la philosophie « première » (que l'on nomme ensuite métaphysique, et à laquelle on accède chronologiquement en dernier, parce qu'elle est la science des premiers principes et de l'être). Après Galilée et avec le développement des sciences expérimentales, la relation peut en quelque sorte s'inverser. Non que les sciences soient conçues comme « dépassant » la philosophie (thèse qui n'apparaît qu'avec le scientisme).

C'est plutôt que cette dernière doit alors les fonder : ainsi, pour Descartes et ses successeurs, la métaphysique constitue les « racines » de l'arbre de la connaissance, dont les mathématiques sont le tronc, et les branches maîtresses la mécanique, la médecine et la morale. Pour Cournot, de telles conceptions ne sont plus tenables, et il préfère considérer que philosophie et science se distinguent à la fois par la « faculté de l'intelligence » qui s'y trouve à l'oeuvre, par une « sphère d'activité » propre et par une manière de se perfectionner historiquement également spécifique.

On peut en effet admettre que la raison ne s'exerce pas de la même façon dans les deux domaines, mais surtout que les problèmes à résoudre n'ont pas grand-chose en commun, ce qui garantit la « sphère d'activité » propre à chaque attitude (on peut rappeler à ce propos que la mentalité scientifique renonce à examiner les causes premières ou finales, tandis que la philosophie peut continuer à s'en préoccuper).. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles