Connaitre et aimer
Extrait du document
«
Ce sujet, qui coordonne deux termes, porte tout entier sur une relation entre deux activités ou deux modalités de
l'esprit, pris au sens le plus général.
Définitions préliminaires
Aimer :
avoir une forte affection pour, une inclination passionnelle envers quelqu'un ou quelque chose.
s'efforcer, pour l'objet aimé, de le conserver à tout prix : « L'amour n'est autre chose qu'une joie
qu'accompagne l'idée d'une cause extérieure [...].
Celui qui aime, s'efforce nécessairement d'avoir présente
et de conserver la chose qu'il aime », Spinoza, Ethique, III, proposition 13.
s'il est une passion, l'amour est l'effet que produit le corps dans l'âme ; un désir, une obsession, une
jalousie, un intérêt exclusif et entier pour quelqu'un ou quelque chose.
L'amour-passion ne partage pas, et,
semble-t-il, ne raisonne pas.
Connaître : pénétrer ou saisir directement un objet par la pensée.
Se former une représentation adéquate d'un
objet.
C'est donc une entreprise qui, a priori, ne souffre pas d'intermédiaire faisant obstacle entre l'esprit et la
chose.
Introduction
« L'amour est aveugle », dit le proverbe.
Il est vrai que l'amour est euphorique, séducteur, parfois immoral et
insensé, que l'on parle à son sujet de « coup de foudre », de délire, voire de folie, et d'esclavage : en un mot, il est
irrationnel, et relève à la fois du hasard de la rencontre et de l'arbitraire du goût.
Jamais on n'ira pas prétendre qu'il
est « objectif », et sa logique est étrangère à toute tentative de rationalisation.
« Parce que c'était lui, parce que
c'était moi », écrit Montaigne, et Pascal dit encore que « le coeur a ses raisons que la raison ne connaît point ».
Ainsi, il est clair qu'aimer ne se justifie pas, et que la possibilité d'une « explication » du sentiment amoureux ne
ferait que ternir son éclat.
Aimer quelqu'un, de toute évidence, rend plus indulgent envers lui, même et surtout
quand on connaît ses tares (« Ceux qu'on aime, on ne les juge pas », écrit Sartre dans Les séquestrés d'Altona), et
peut conduire à préférer cet amour à toute autre valeur pour nous maintenir en sa présence (Simone Signoret : « Le
secret du bonheur en amour, ce n'est pas d'être aveugle, mais de savoir fermer les yeux quand il le faut »).
Or,
connaître, c'est en général viser à l'objectivité d'un savoir qui peut prétendre à l'universalité, être reconnu comme
vrai par tous –alors que, pour aimer quelqu'un, nous n'exigeons pas que l'humanité entière lui trouve les qualités ou
l'agrément que nous y décelons.
Là où la connaissance dicte la prudence et la circonspection pour parvenir à ses
fins, l'amour, lui, « est sans mesure ».
Là où l'amour poursuit le bien de ce qu'on aime, et nourrit de multiples rêves
plus ou moins réalisables, la connaissance ne nous ménage pas et souvent dessille cruellement les yeux de celui qui
s'est illusionné.
=> Il semble donc qu'il y ait une hétérogénéité radicale entre ces deux verbes : le problème est celui d'une
objectivité absente de l'amour, et du caractère illimité du sentiment amoureux, générateur d'illusions et qui
paraît contrarier a priori toute aspiration à la connaissance, dont les contenus sont indifférents aux passions
individuelles, et qui trouve en elle-même sa propre fin.
Problématique
Il s'agira de voir quel rôle (positif comme négatif) peuvent jouer des motifs irrationnels ou des affects dans la
connaissance (définie comme rationnelle) –en d'autres termes, de voir si l'amour est systématiquement ce
qu'on pourrait appeler, avec Bachelard, un « obstacle épistémologique ».
I.
Aimer, c'est nécessairement méconnaître.
L'amour nous voile la nudité de l'objet, et le pare de mille attraits imaginaires.
Dans cette mesure, il va
biaiser notre recherche de connaissance : orienté vers la satisfaction d'un désir ou vers la recherche d'un
bien (celui de l'objet aimé), il est de nature intéressée et s'interpose entre l'homme et la vérité, qui est
une recherche désintéressée.
1) Pascal : les trois ordres (ordre du coeur, ordre de la raison, ordre de la foi) ne se connaissent pas
entre eux, et il y a un opportunisme de l'amour propre face à la connaissance..
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- est ce un devoir de s'aimer
- Aimer problématique et références
- peut-on se connaitre soi même ?
- AIS-JE LE DEVOIR D'AIMER AUTRUI ?
- Puis-je me connaitre moi-même ?