Comment savoir qui je suis ?
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«
Termes du sujet:
SAVOIR / SAVANT:
* Savoir: a) Comme nom, ensemble de connaissances acquises par l'apprentissage ou l'expérience.
b) Comme
verbe, avoir appris quelque chose, et pouvoir le dire, le connaître, le répéter.
* Savoir-faire: ensemble de procédés de gestes habituels permettant la réalisation régulière de certains buts.
* Savant: a) Celui qui possède un maximum de connaissances.
b) Celui qui exerce une activité scientifique (un
physicien, un biologiste).
Cette connaissance est-elle instinctive, dans un rapport de soi à soi, ou relative à l'autre ? Il y a une chose de
moi que je ne connais pas, c'est ce qui me rend désirable à l'autre.
C'est ce qui fait le tragique du désir : l'autre a
cette vérité-là sur moi, et si je tiens à lui, je suis sous son pouvoir parce que lui sait de moi ce que j'ignore (Écrits
de Lacan).
Sartre, dans la IIIe partie de L'Être et le Néant, montre qu'avec le regard d'autrui, il y a une partie de
moi nouvelle qui se met à exister, qui est mon "pour-autrui" (par exemple mon corps pour autrui), qui n'existe certes
que dans la relation mais qui en même temps est une part de moi.
Ce "pour-autrui", par définition, m'échappe.
Il
faudrait s'interroger sur le "qui" : est-ce une identité stable ? Est-ce "moi" comme cause de mes actes ? Auquel cas
"qui je suis " reviendrait à "pourquoi je suis comme je suis" et là, on peut se référer à la psychanalyse, et à la
difficulté qu'on a à cerner les motifs de nos actions.
Nos actions sont données dans l'expérience, et leurs motifs
explicites peuvent recouvrir un motif caché.
Enfin, la recherche de l'identité pose la question de la négativité
(Hegel) : s'il y avait une réponse fixe à "qui je suis ?", alors ma liberté (donc mon pouvoir de toujours me recréer)
serait niée, et je manquerais l'essentiel de ce que je suis.
" Connais-toi toi-même " : cette inscription placée sur le fronton du temple de la pythie de Delphes est très célèbre.
Cependant cette devise delphique, qu'on attribua à tort à Socrate, n'était pas un encouragement à une
connaissance psychologique de soi, mais un rappel à l'ordre.
Elle avait pour but de remémorer aux individus qu'ils
n'étaient que des mortels : elle invitait les voyageurs à la prise de conscience de leurs propres limites.
On oublie
d'ailleurs que cette exhortation, " Connais-toi toi-même ", était suivie de " ...et tu connaîtras les dieux.
"
Un individu disposant d'une connaissance parfaite de soi serait donc l'égal d'un dieu.
Pour les philosophes grecs, la
connaissance de soi-même est synonyme de sagesse.
Elle permettrait en effet à l'individu de prendre conscience de
ses propres limites, de se libérer de ses défauts, de développer ses qualités, et, en faisant abstraction de tout ce
qui dans le " je " n'est pas personnel, de prendre conscience de sa véritable identité et, au fond, de sa liberté.
La devise delphique laisse entendre que nous ne nous connaissons pas réellement, que la connaissance de soi n'est
pas une donnée immédiate de la conscience.
Elle nous invite donc à entreprendre une recherche, une descente
dans les profondeurs de notre intériorité pour trouver l'essence de notre être.
Or, cette recherche passe d'abord par
la découverte et l'affirmation de notre moi.
Cette affirmation est le fondement de la philosophie cartésienne en
même temps que celui de toute entreprise de recherche de sa propre identité.
Pour approfondir la connaissance que
nous avons de nous-mêmes, il faut donc se demander s'il est légitime de parler du soi par soi et quels en seraient les
moyens et les conditions.
La recherche de la connaissance de soi a une condition : le sentiment de notre être.
Descartes, dans son Discours
sur la méthode, prouve que l'affirmation " Je pense, donc je suis " (c'est à dire le cogito, " premier principe " de la
philosophie cartésienne) est " si ferme et si assurée que toutes les plus extravagantes suppositions des sceptiques
[ne sont] pas capables de l'ébranler.
" En effet, il est possible de douter de tout, même de l'existence effective de
notre corps et du monde autour de nous, sauf de l'existence de notre pensée, de notre je.
A partir du moment où
nous nous rendons compte de l'irréfutabilité de l'existence de notre pensée indépendante, nous prenons conscience
de notre " je.
" Il nous est permis alors d'entamer la recherche de notre " moi ", c'est à dire de la nature de notre
propre identité.
Certains philosophes imaginent que nous avons à tout moment " la conscience intime de notre moi " (Hume), que
nous avons un sentiment invincible de la connaissance de nous-mêmes que nous ne mettons que rarement en
doute.
Cependant, avoir un sentiment immédiat de notre être, ce n'est pas avoir une connaissance pleine et entière
de soi.
Il arrive que nous nous surprenions nous-mêmes, ou que nous passions par de graves crises de remise en
question.
Notre comportement, notre façon de penser varient suivant nos expériences.
La connaissance de soi
implique une recherche, et cette recherche doit disposer de moyens adaptés à son but.
Nous sommes a priori les mieux placés pour nous connaître ; par l'introspection, nous pouvons accéder à une
certaine connaissance de nos sentiments, de nos qualités et de nos défauts, de nos motivations et de nos
convictions.
Mais accède-t-on à un niveau particulier de la réalité mentale par l'introspection, ou cette méthode
tend-elle a susciter l'objet même auquel elle prétend accéder? Le paradoxe de l'introspection est que le sujet se
confond avec l'acte de s'observer lui-même.
De même l'introspection est normalisée par le langage.
Il n'en reste pas
moins que l'idée de "savoir " ce qu'on est soi-même soulève des difficultés de principe : en quel sens emploie-t-on "
savoir ", s'il s'agit d'intériorité ?
Il paraît difficile par ce moyen d'avoir une connaissance objective de nous-mêmes : la connaissance que nous
pouvons avoir de nous par l'introspection passe à travers le filtre de l'opinion que nous nous faisons de nous.
Ainsi,
nous pouvons être tentés d'exagérer, d'amoindrir ou de taire certains de nos défauts.
Dans son roman de sciencefiction La Révolution des Fourmis, Bernard Werber nous rappelle que " pour comprendre un système, il faut...
s'en
extraire.
" Or, il est impossible de " sortir de soi " ! Je suis à la fois le sujet et l'objet.
Le Je qui pense le moi en est
une émanation.
L'introspection ne peut, seule, mener à la connaissance de soi.
De plus, elle est presque impuissante
à juger nos actions sans prise de recul : le temps et l'expérience qu'il délivre permet parfois de porter un regard.
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