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Comment pouvons-nous connaître autrui ?

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« Puis-je connaître autrui ? Par quels procédés? Jusqu'à quel point? Comment pouvons-nous connaître autrui? Observation.

— Ces trois sujets sont pratiquement équivalents.

Il sera bon d'accorder toute sa valeur au mot connaissance. Position de la question.

La psychologie classique partait d'une conception de la conscience close, fermée sur elle-même, d'où il résultait que nous ne pouvions connaître autrui que de l'extérieur et par analogie avec nous-même.

Autrui était alors considéré comme un « éjet » (W.

CUFFORD) du moi.

La psychologie contemporaine pose, au contraire, la notion d'une conscience ouverte ou d'une intersubjectivité qui en vient presque à faire de la connaissance d'autrui quelque chose* d'aussi immédiat, voire de plus immédiat, que la connaissance de soi.

Reste à savoir s'il s'agit là d'une connaissance véritable. I.

« L'expérience » d'autrui. On peut dire que nous avons une certaine « expérience » immédiate d'autrui, mais à condition de prendre ce terme, d'expérience dans le sens d'intuition ou de sentiment direct. A.

— Ce « sentiment » direct existe déjà chez le tout jeune enfant, pour qui il est faux que les autres soient des éjets de son propre moi, qui distingue très bien les personnes des choses et sait deviner leurs dispositions. B.

— C e contact avec autrui s'établit notamment : 1° grâce au « langage émotionnel »; 2° grâce au regard. C.

— Il existe enfin différentes formes de la communication avec autrui, qui ont été analysées par SCHELER et qui vont de la sympathie, voire de la simple contagion psychique, à la véritable compréhension affective. DISCUSSION.

Seule toutefois, cette dernière commence à se rapprocher d'une connaissance proprement dite.

Toute connaissance suppose en effet un minimum d'interprétation et surtout une distinction entre sujet connaissant et objet connu.

Or, dans la conscience égocentrique de l'enfant, l'expérience d'autrui fait partie de l'expérience syncrétique du moi, et l'adulte lui-même se fait souvent bien des illusions sur sa compréhension d'autrui. II.

La connaissance d'autrui. En réalité, la véritable connaissance d'autrui suppose, certes, cette expérience directe, mais elle la dépasse de beaucoup. A.

— C 'est déjà, à quelque degré, une véritable connaissance, que nous apporte l'usage, la fréquentation d'autrui.

Qui ne sait ainsi, par exemple, que, parmi les personnes qu'il fréquente, telle est capable de tenir sa parole, telle autre non, — telle a du coeur, telle autre est égoïste? Mais c'est qu'il s'agit alors d'une expérience raisonnée, fondée sur l'interprétation du comportement d'autrui, sur la comparaison de ses réactions en diverses circonstances, etc.

A plus forte raison, les grands « conducteurs d'hommes » obtiennent-ils souvent de cette façon, par la pratique de la direction d'autrui (leadership), une profonde connaissance du coeur humain en général et des individus en particulier. B.

— Par quels moyens acquérons-nous donc cette connaissance d'autrui? Le plus souvent, par une interprétation de son comportement.

Ce sont les actes d'autrui qui nous renseignent sur ses sentiments, ses dispositions à notre égard, ses goûts, sa force ou sa faiblesse de caractère et même dans une certaine mesure son intelligence.

N'est-ce pas d'ailleurs par la description de leurs comportements qu'un La Bruyère, par exemple, nous fait connaître les caractères de ses personnages? C.

— Il va de soi que, parmi ces comportements, le langage est le principal instrument de communication.

Mais dans quelle mesure nous fait-il vraiment connaître autrui? Ni plus ni moins que tout autre comportement et moyennant la même prudence dans l'interprétation.

Car : 1° il peut servir à travestir la pensée aussi bien qu'à l'exprimer; 2° il ne traduit que les aspects les plus communicables, donc les moins individuels et les moins « profonds » de la vie psychique; 3° surtout lorsqu'il s'agit de la vie affective, les mots n'ont pas la même résonance pour tout le monde.

— Remarquons toutefois que le langage n'est pas tout entier dans les mots : 1° à côté du langage vocal, il y a le « langage émotionnel » et le langage par gestes; 2° dans le langage parlé, il y a lieu de tenir compte du ton, de la mimique vocale, souvent plus révélateurs que les paroles; 3° on sait enfin quelle importance la psychanalyse a accordée aux lapsus où émergent parfois des aspects ignorés de la personnalité. D.

— Ici se poserait la question de savoir jusqu'à quel point ces divers procédés nous permettent de connaître nos semblables. Reconnaissons que cette connaissance est toujours précaire.

Nous ne nous connaissons pas toujours nous-même : à plus forte raison nous est-il difficile de pénétrer les secrets de l'âme d'autrui! Si les consciences ne sont pas absolument closes les unes aux autres, elles demeurent toujours cependant quelque peu distantes, et seule la parfaite communion avec un être aimé est capable de faire tomber ces barrières.

Il demeure, au fond de chaque âme, un monde inconscient ou subconscient, qui ne se manifeste à nous que par éclairs, soit dans le regard, soit dans les actes involontaires (gestes spontanés, « actes manques » de la psychanalyse, etc.). III.

La science d'autrui. Il existe, il est vrai, au-delà de la connaissance courante que nous donne l'expérience de la vie avec autrui, une connaissance scientifique des autres.

C'est celle que nous apportent toutes les méthodes de la « psychologie différentielle » moderne, notamment la méthode des tests (tests d'aptitudes, tests de personnalité).

Les mêmes réserves demeurent cependant ici, en partie, valables : si la méthode des tests peut servir, par exemple, « comme moyen de sélection à l'entrée d'une administration où le travail à fournir a quelque chose de stéréotypé », elle peut aboutir, dans les écoles, « à ne faire considérer chez l'enfant que ce qui le rend semblable aux autres et à reléguer dans l'ombre ses manières d'être les plus personnelles » (H.

WALLON, Principes de Psychologie appliquée, p.

130). Et surtout, il ne fait pas oublier qu'aucune méthode, quand il s'agit de la connaissance de l'âme humaine, ne saurait, comme l'a dit le même auteur, « être appliquée automatiquement ».

Aucune ne dispense celui qui l'emploie d'être intelligent; et rien ne remplace cette expérience des hommes dont il a été question plus haut et le « sens de l'humain ». Conclusion.

La connaissance d'autrui n'est certes pas impossible, et l'on peut y progresser.

Mais elle n'est jamais complète ni infaillible.. »

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