Comment comprendre que l'on puisse se mentir à soi-même ?
Extrait du document
«
APPROCHE
• Remarquer que peu importe, pour traiter le sujet, de croire ou de noter qu'il arrive qu' « on désire ce qui a du prix
pour les autres ».
Le problème est de savoir si « on » désire toujours ce qui a du prix pour les autres.
• Que désire-t-on ? Qui (ou quoi) désire en nous?
- Selon Hegel, la véritable finalité du désir n'est pas tel ou tel objet sensible mais l'unité de la subjectivité avec ellemême, unité que la conscience cherche à travers la reconnaissance d'un autre désir.
Voir le texte de J.
Hyppolite sur la position de Hegel, p.
26 de l'Anthologie philosophique de Grateloup ( Hachette).
- Selon la psychanalyse freudienne, le désir n'est pas fondamentalement désir d'objet : il est des désirs sans objets.
Ce qui est vécu comme « manque » par le sujet et qui fait naître une demande fixée sur un objet déterminé trouve
sa référence « en réalité » dans le champ des fantasmes inconscients qui renvoient à l'histoire du sujet.
Pour beaucoup de penseurs, le but suprême de la philosophie est d'être en paix avec soi-même.
C'est par exemple
l'idéal du sage de Hegel : l'unicité de son être doit demeurer totale.
La dissimulation, par son propre moi, de la vérité
apporte dans cette paix intérieure une contradiction.
Une partie de la conscience reconnaît la vérité, et une autre
partie la dissimule.
Il faut d'abord savoir si cette contradiction interne provient de soi-même, ou bien d'événements
extérieurs.
Nous illustrerons avec l'inconscient de Freud la première hypothèse, et nous verrons dans quelle mesure
la théorie existentialiste peut expliquer ce mensonge par un conflit uniquement intérieur.
Puis nous verrons quels
événements extérieurs peuvent expliquer cette contradiction avec soi-même, avec la conception d'autrui chez
Sartre et les anti-psychiatres et à travers les déterminismes de la nature analysés par les Stoïciens.
Enfin, dans une
dernière partie, nous pourrons nous demander si, dans certaines conditions, et lorsqu'il est conscient, ce mensonge
à soi-même n'est pas un processus profitable à la conscience.
L'une des meilleures illustrations d'une contradiction interne est l'étude de l'inconscient par Freud.
Freud a en effet
montré que la conscience, face aux souvenirs refoulés dans l'inconscient, établissait une sorte de barrage.
Cette
dissimulation d'une partie de la vie psychique aboutit directement à cette contradiction.
Ainsi, au sujet du rêve,
Freud a montré que certains processus, comme la condensation ou le déplacement, permettaient à la conscience de
ne saisir qu'une partie du message envoyé par l'inconscient.
Un autre processus de la conscience analysé par Freud,
celui de la mélancolie, illustre à nouveau cette contradiction entre la conscience et l'inconscient.
En effet, lors de la
perte d'un être cher par exemple, une des attitudes possibles pour l'homme est la mélancolie, c'est-à-dire le refus
d'accepter la mort de cet être cher.
Alors qu'une partie de la conscience reconnaît la réalité, une autre partie,
gouvernée par l'inconscient, refuse l'évidence.
Ce processus d'intériorisation du sur-moi montre encore la possibilité
d'un mensonge intérieur.
De plus, Freud, en analysant dans sa seconde optique les principes de plaisir et de réalité, montre que l'homme peut
se tromper lui-même grâce à son imagination.
En effet, le jeune enfant réclamant l'accomplissement de son désir,
celui du sein maternel par exemple, se satisfait à travers son imagination.
Des images mnésiques lui permettent
d'investir son énergie dans un plaisir factice.
Ainsi l'inconscient trompe l'activité corporelle de l'enfant en ne
satisfaisant pas réellement ses besoins; il y a risque pour lui, s'il n'aboutit pas au principe de réalité et à la
satisfaction réelle de ses désirs, de vivre dans un univers factice.
Ainsi, le principe de plaisir facilite un nouveau
mensonge intérieur, lorsqu'il y a difficulté pour l'enfant d'atteindre le principe de réalité.
Ainsi, dans un premier temps, nous avons vu que le mensonge intérieur pouvait s'expliquer par la dualité entre
l'inconscient et le conscient.
Envisageons maintenant comment cette dissimulation peut s'expliquer par la théorie
existentialiste.
Les existentialistes, comme Heidegger et Sartre, supposent l'homme fondamentalement libre.
D'après la phrase de
Sartre, « l'existence précède l'essence », on peut dire que les actions des hommes ne peuvent être expliquées, ni
par les lois de comportement comme le pensaient les behaviouristes, ni par aucun déterminisme.
Pourtant, à travers
l'histoire, nous avons vu que l'un des buts de l'homme était d'atteindre la liberté, pour Hegel par exemple dans sa
philosophie de l'histoire.
Donc, pour les existentialistes, l'homme cherche ce qu'il possède déjà.
On peut ainsi penser
que l'homme a peur de sa liberté, et s'est inventé des déterminismes pour n'avoir pas à l'assumer.
Voilà une nouvelle
explication d'un possible mensonge intérieur.
L'homme, plus ou moins consciemment, établit un barrage entre lui et
sa liberté, et s'aliène lui-même..
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