« Ceci n'est pas de l'art ». Peut-on justifier ce jugement ?
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«
Définition des termes du sujet:
JUGEMENT: Du latin judicare, «porter un jugement», «émettre une opinion».
1.
Pouvoir ou faculté de bien juger, de distinguer le vrai d'avec le faux
(synonyme de bon sens ou de raison).
2.
En logique, affirmation ou négation d'un rapport entre un sujet et un prédicat.
3.
En droit, décision rendue par un
juge.
4.
Chez Kant, faculté de penser l'individu sous l'espèce, le cas particulier sous la règle.
• Il s'agit dans ce sujet de vous interroger sur ce qu'est l'art et la valeur du jugement esthétique.
Toute réflexion sur l'art renvoie à la problématique du
jugement, à la faculté de juger.
Il est indispensable de faire référence à Kant, notamment à la C ritique de la faculté de juger (ou Critique du jugement).
• Porter un jugement sur une oeuvre d'art, c'est implicitement faire allusion aux chefs-d'oeuvre et comparer.
Mais qu'est-ce qu'un chef-d'oeuvre ? qu'est-ce
qui permet d'affirmer : «ceci est de l'art» et : «ceci n'est pas de l'art » ? Justifier, c'est légitimer, prouver, et le jugement est l'acte mental par lequel on pose
une assertion comme vraie, c'est-à-dire la faculté de juger.
Le jugement de goût est donc un jugement de valeur où la subjectivité impose sa loi.
Qu'est-ce
qui mérite d'être appelé «de l'art» ? Le sujet pose la question de savoir si le beau est dans le regard ou dans la chose regardée.
• Longtemps, l'oeuvre d'art fut considérée comme la mesure du bon goût, c'est-à-dire du goût cultivé qui justifiait le jugement porté sur toutes les
productions artistiques.
Aujourd'hui, c'est la sensibilité de chacun qui est la mesure relative de la qualification : «ceci est de l'art », «ceci n'est pas de
l'art».
C e jugement est immédiat, c'est-à-dire sans médiation, sans intermédiaire.
C omment peut-on légitimer cette assertion, la rendre universelle ? Voici
quelques pistes de réflexion.
• Le goût est cette faculté proprement humaine de ressentir le beau dans la nature et dans les arts.
Tous les jugements ne sont pas des jugements
esthétiques.
Ces derniers sont d'une espèce particulière : ils sont subjectifs et désintéressés (cf Kant), désintéressé signifiant ici «indépendant de tout
intérêt sensible ».
La satisfaction est désintéressée, ce qui signifie que nous ne pouvons l'éprouver que si nous sommes dans un certain
état d'esprit par rapport à l'objet.
Kant ne veut pas dire que la beauté ne nous intéresse pas, que nous sommes
indifférents mais que le plaisir esthétique naît lorsque nous n'avons pas le souci de l'utilité (celui qui va en mer dans le
seul but de pêcher, qui porte sur elle un regard de technicien, n'éprouvera pas de plaisir esthétique), de l'agréable ( celui
qui porte un regard lubrique sur un Nu, éprouve une satisfaction charnelle qui est d'un autre ordre que la satisfaction
esthétique), du bien ( celui qui apprécie une oeuvre engagée en raison de son caractère moral, éprouve une satisfaction
morale qui n'est pas esthétique).
Le beau n'est ni l'agréable ni le Bien.
C ertes une satisfaction peut être morale et
esthétique, les deux ne s'excluent pas mais en tant qu'esthétique, elle n'est pas morale.
A l'encontre de Platon,
Boileau, Hegel, Kant affirme que le beau n'est pas le vrai.
Mais il n'est pas non plus le pur sensible puisque le beau ne
se réduit pas à l'agréable bien que satisfaction esthétique et sensuelle ne s'excluent pas.
Et de cela Hume ne peut
rendre compte.
De même qu'une oeuvre d'art immorale peut être belle, de même, peut l'être une oeuvre désagréable, qui
nous déchire et bouleverse.
Et inversement, une musique agréable (par les sonorités, le passé qu'elle évoque) n'est pas
belle pour autant bien que nous ayons tendance à confondre beauté et agrément.
Par conséquent, le plaisir esthétique
est le seul plaisir libre.
Il n'est pas l'effet de la satisfaction de quelque chose, du besoin du corps ou d'une impératif de
la raison.
Libre parce que désintéressé.
Mais le jugement que nous portons se donne paradoxalement comme objectif, donc comme universel et nécessaire.
Le
beau fait l'objet d'un accord.
Expliquons-nous :
• L'art vise paradoxalement la subjectivité, celle de l'artiste et celle du spectateur, mais aussi l'universalité.
« Le beau
est ce qui plaît universellement sans concept », dit Kant.
·
« Est beau ce qui plaît universellement sans concept ».
Ø
« Ce qui plait universellement »: Le fait que cette satisfaction soit universelle, valable pour tous découle de la première définition.
En effet nous avons
vu qu'être sensible à la beauté relève d'une sensibilité purifiée de la convoitise, de la crainte, du désir, du confort ...
bref de tous les intérêts particuliers.
Ce plaisir éprouvé n'est donc pas celui d'un sujet enfermé dans sa particularité et ce dernier peut à juste titre dire: « c'est beau », comme si la beauté
était dans l'objet.
Il peut légitimement s'attendre à ce que tout autre éprouve la même satisfaction.
Ø
« sans concept »: « L'assentiment universel est seulement une Idée ».
Il n'y a pas de preuve pratique ou conceptuelle de la beauté.
On juge et on
sent que cette musique ou cette montagne sont belles mais on ne peut le prouver.
Il n'y a pas de règles a priori du beau.
En langage kantien, le sujet
esthétique n'est pas législateur.
En science le sujet légifère, retrouve dans la nature les règles nécessaires, universelles qu'il y a mises pour connaître
quelque chose.
En art le sujet ne peut légiférer car le jugement porte sur un objet singulier, telle fleur, telle oeuvre musicale.
S' il veut trouver quelque
chose d'universel dans cette rose-ci, il faudra qu'il l'envisage sous l'aspect du règne végétal ou de la fleur en général; s'il veut trouver quelque chose
d'universel dans une musique, il faudra qu'il l'envisage sous l'angle des règles de composition.
Il aura des concepts mais point de beauté: « quand on
juge des objets simplement par concepts toute représentation de la beauté se perd ».
C 'est ce qui peut arriver quand un traque d'art explique un poème...
Comme la beauté est toujours saisie sur un objet concret, matériel, singulier, il n'y a pas de règles universelles du beau.
Le jugement de goût n'est pas
un jugement de connaissance.
Affirmer «ceci est beau », c'est énoncer un jugement subjectif mais qui peut être conçu par autrui et donc partagé avec lui.
A insi, l'oeuvre dépasse mon
propre intérêt pour devenir valeur universelle.
Kant distingue le beau de l'agréable : il s'intéresse au jugement esthétique et au goût, c'est-à-dire à ce qui se
passe dans notre représentation (de Platon et de la pensée grecque en général qui s'interroge sur l'Idée de beau, et non sur le jugement esthétique).
Le
beau n'est pas lié à la faculté de désirer, alors que l'agréable l'est.
C'est pourquoi le beau peut être partagé universellement.
Mais est-il légitime de penser
que le jugement de goût que je porte sur un tableau est un jugement valable universellement ?
• «Ceci n'est pas de l'art » dit implicitement que nous savons ce que c'est que l'art, quels sont les critères indubitables qui nous assurent que nous sommes
devant un chef-d'oeuvre.
Mais l'expérience esthétique ne requiert-elle pas certaines conditions sociales et culturelles ? Le plaisir esthétique n'est-il pas le
fruit d'un apprentissage et d'une accoutumance que seul un certain type d'éducation favorise ?
>>> SECONDE CORRECTION: http://www.devoir-de-philosophie.com/passup-corriges-15492.html.
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