Ceci est mon corps. Puis-je en être sûr ?
Extrait du document
«
Analyse du sujet :
Le sujet questionne les rapports de la matière et l'esprit du point de vue humain qui est celui de la subjectivité.
D'apparence cartésienne, notre sujet pourtant ne se réduit pas à la simple question du dualisme dans la mesure
où il n'est pas simplement question d'interroger le dualisme substantiel posé par Descartes entre res extensa et
res cogitans et l'élucidation de leur interaction, mais il est aussi et surtout question de voir en quoi ce corps
que je dis mien est bien à moi : l'interaction est donnée, et non à prouver.
Autrement dit, il s'agit de savoir
dans quelle mesure je suis maître de mon corps et non l'inverse.
La question posée prend donc sa source dans une relative dépossession de son corps : celui-ci parfois ne
m'obéit pas (faim, sommeil, désirs irrationnels …) mais semble pourvu d'une existence propre, autonome, comme
s'il n'était ni moi, ni à moi.
C'est à partir de cette autonomie que la question prend sens et que l'évidence
d'après laquelle mon corps est nécessairement mien cesse d'aller de soi et que l'on peut alors demander :
« puis-je en être sur ? »
L'enjeu est donc d'établir les moyens par lesquelles une certitude est soutenable : que mon corps soit mien
semble aller de soi et pourtant, cette évidence est-elle fondée ou étant incertaine, n'est-elle qu'illusoire ?
Problématique : de prime abord, ceci est mon corps est un énoncé qui semble aller de soi pour autant que notre
être est corporel : nous ne sommes jamais de purs esprits.
Toutefois, il existe un certain nombre de phénomène
permettant de relativiser cette affirmation : faim, soif, sommeil, mais aussi toute la gamme des émotions subies,
permettent de poser que ce que nous disons être notre corps ne nous est pas toujours propre comme peut l'être
une chose sur laquelle notre pouvoir est entier.
Dès lors, comment être sûr que ceci est bien mon corps si celui-ci
parvient à se dérober à ma volonté et semble pourvu d'une existence autonome ? L'enjeu d'un tel questionnement
paraît alors être celui de la possibilité d'une maîtrise de soi : comment ce corps peut-il être certainement
mien ? ó comment puis-je être en toutes circonstances sûr que je suis agent et non patient ?
1-
CECI EST MON CORPS : IL BIEN DIFFICILE D'EN DOUTER
a)
une mise en doute radicale = un fait de folie
Descartes dans Les Méditations métaphysiques, après avoir mis en doute la
validité ontologique des objets des sens en vient à se demander si du même
coup, le corps dans son ensemble ne peut lui aussi être mis en doute pour
autant qu'il est ce par quoi les objets sensible nous sont rendus présents.
Or
une objection de principe s'impose alors : « comment est-ce que je pourrais
nier que ces mains et ce corps-ci soient à moi ? », à moins de se supposer
fou, c'est-à-dire à moins de se comparer à « ces insensés de qui le cerveau
est tellement troublé et offusqué par les noires vapeurs de la bile, qu'ils
assurent constamment qu'ils sont des rois, lorsqu'ils sont très pauvres, qu'ils
sont vêtus d'or et de pourpre lorsqu'ils sont tout nus … ».
« Ceci est mon corps » semble donc ne pouvoir être nié : seule la folie irait
dans le sens d'une telle négation.
(Ainsi Descartes, dans la stratégie qui
consiste à « rejeter comme faux » tout ce qui peut être douteux, préfère à la
folie, l'argument du rêve : dans les rêves, je suis comme le fou puisque je
peux me croire habillé et debout alors que je suis nu et allongé ; mais notons
que le rêve est là pour promouvoir un doute qui se veut exagéré,
consciemment outré ou hyperbolique et qu'il n'a de portée que dans
l'économie de la méditation, c'est-à-dire qu'en dehors de cette stratégie qui
vise à dégager un critère de la vérité, naturellement donc ou au quotidien
(pour les sains d'esprit), mon corps n'est pas douteux).
b)
seule la mort opère la séparation de l'âme et du corps
De plus, l'union de l'âme et du corps est telle que Platon lui-même pose dans le Phédon que seule la mort vient les
délier.
En effet, la mort que prône Socrate et qui consiste à réduire au maximum le commerce de l'âme avec le corps
est métaphorique : il s'agit de porter l'âme au plus près du vrai, des idées, et pour cela, de minimiser l'impact que le
corps peut exercer.
Or ce modèle de la connaissance (pâtir le moins possible du corps et en ce sens libérer l'âme
pour la porter vers le ciel intelligible des idées) suppose que tant que nous sommes en cette vie, nous sommes liés à
notre corps.
Transition :
L'incarnation = condition dans laquelle nous sommes amenés à vivre sans possible mise à distance du corps.
Du
coup, « ceci est mon corps » n'implique nul doute de sorte que je peux en être certain.
Toutefois, il s'agit là d'un sentiment (la sensation intime d'être étroitement uni à son corps) ; or un sentiment, ou
affect n'est pas nécessairement une certitude (le fait d'être sûr).
En effet, on peut tirer argument de phénomènes
corporel dans lesquels nous ne sommes pour rien (faim, soif, digestion, respiration, sommeil …) pour poser une
relative autonomie du corps à partir de laquelle ce dernier cesserait de m'appartenir, d'être à ma disposition sur le
mode d'un avoir, de la possession d'un chose soumise à mon vouloir exclusif.
2-
MON CORPS N'EST PAS TOUJOURS MIEN.
»
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