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Blaise PASCAL: La nature trompeuse de l'imagination.

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Imagination. - C'est cette partie décevante dans l'homme, cette maîtresse d'erreur et de fausseté, et d'autant plus fourbe qu'elle ne l'est pas toujours ; car elle serait règle infaillible de vérité si elle l'était infaillible du mensonge. Mais, étant le plus souvent fausse, elle ne donne aucune marque de sa qualité, marquant du même caractère le vrai et le faux. Je ne parle pas des fous, je parle des plus sages ; et c'est parmi eux que l'imagination a le grand don de persuader les hommes. La raison a beau crier, elle ne peut mettre le prix aux choses. Cette superbe puissance, ennemie de la raison, qui se plaît à la contrôler et à la dominer, pour montrer combien elle peut en toutes choses, a établi dans l'homme une seconde nature. Elle a ses heureux, ses malheureux, ses sains, ses malades, ses riches, ses pauvres ; elle fait croire, douter, nier la raison ; elle suspend les sens, elle les fait sentir ; elle a ses fous et ses sages : et rien ne nous dépite davantage que de voir qu'elle remplit ses hôtes d'une satisfaction bien autrement pleine et entière que la raison. Les habiles par imagination se plaisent tout autrement à eux-mêmes que les prudents ne se peuvent raisonnablement plaire. Ils regardent les gens avec empire ; ils disputent avec hardiesse et confiance ; les autres, avec crainte et défiance : et cette gaîté de visage leur donne souvent l'avantage dans l'opinion des écoutants, tant les sages imaginaires ont de faveur auprès des juges de même nature. Elle ne peut rendre sages les fous ; mais elle les rend heureux, à l'envi de la raison qui ne peut rendre ses amis que misérables, l'une les couvrant de gloire, l'autre de honte. Qui dispense la réputation ? Qui donne le respect et la vénération aux personnes, aux ouvrages, aux lois, aux grands, sinon cette faculté imaginante ? Combien toutes les richesses de la Terre [sont] insuffisantes sans son consentement ! Blaise PASCAL

Analyse thématique    • La nature trompeuse de l'imagination.  Idée essentielle : l'imagination déjoue la conscience critique, en affectant du même caractère le vrai et le faux.  • La « seconde nature » de l'homme, production de l'imagination. A rebours de la raison, l'imagination engendre ses propres évaluations, et attache les hommes à celles-ci.  • L'exemple de la « réputation », directement liée à la « faculté imaginante », permet de souligner son efficacité propre dans les allégeances sociales comme dans les sentiments de respect à l'égard des lois ou des personnes.

« PRESENTATION DES "PENSEES" DE PASCAL Pascal (1623-1662) rédige les Pensées durant les dernières années de sa vie ; il collectionne sur de petits papiers les éléments d'une oeuvre à visée apologétique.

Le texte sera publié une première fois de manière posthume par ses proches de l'abbaye de Port Royal, foyer de la pensée janséniste, et ne cessera d'être remanié par des éditions successives (nous choisissons ici le classement établi par Lafuma).

L'oeuvre est originale tant par les aléas éditoriaux qui la caractérisent que par la préoccupation qui l'anime ; on est loin des opuscules scientifiques et de leur argumentation proprement démonstrative.

Grand lecteur de Saint Augustin, Pascal est aussi marqué par la lecture de Montaigne, dont il gardera des leçons de scepticisme.

Mais ici, le scepticisme se réduit en fait à une arme critique censée ébranler ce que l'on croyait sûr, par exemple, la toute-puissance de notre raison à établir le vrai.

De ce point de vue, les Pensées représentent un contrepoint philosophique majeur à la métaphysique cartésienne qui prétend fonder tout l'édifice du savoir, l'existence de Dieu y compris, par l'examen rationnel. "Imagination.

– C'est cette partie décevante dans l'homme, cette maîtresse d'erreur et de fausseté, et d'autant plus fourbe qu'elle ne l'est pas toujours ; car elle serait règle infaillible de vérité si elle l'était infaillible du mensonge.

Mais, étant le plus souvent fausse, elle ne donne aucune marque de sa qualité, marquant du même caractère le vrai et le faux. Je ne parle pas des fous, je parle des plus sages ; et c'est parmi eux que l'imagination a le grand don de persuader les hommes.

La raison a beau crier, elle ne peut mettre le prix aux choses.

Cette superbe puissance, ennemie de la raison, qui se plaît à la contrôler et à la dominer, pour montrer combien elle peut en toutes choses, a établi dans l'homme une seconde nature.

Elle a ses heureux, ses malheureux, ses sains, ses malades, ses riches, ses pauvres ; elle fait croire, douter, nier la raison ; elle suspend les sens, elle les fait sentir ; elle a ses fous et ses sages : et rien ne nous dépite davantage que de voir qu'elle remplit ses hôtes d'une satisfaction bien autrement pleine et entière que la raison.

Les habiles par imagination se plaisent tout autrement à eux-mêmes que les prudents ne se peuvent raisonnablement plaire.

Ils regardent les gens avec empire ; ils disputent avec hardiesse et confiance ; les autres, avec crainte et défiance : et cette gaîté de visage leur donne souvent l'avantage dans l'opinion des écoutants, tant les sages imaginaires ont de faveur auprès des juges de même nature.

Elle ne peut rendre sages les fous ; mais elle les rend heureux, à l'envi de la raison qui ne peut rendre ses amis que misérables, l'une les couvrant de gloire, l'autre de honte. Qui dispense la réputation ? Qui donne le respect et la vénération aux personnes, aux ouvrages, aux lois, aux grands, sinon cette faculté imaginante ? Combien toutes les richesses de la Terre [sont] insuffisantes sans son consentement ! " PASCAL Analyse thématique • La nature trompeuse de l'imagination. Idée essentielle : l'imagination déjoue la conscience critique, en affectant du même caractère le vrai et le faux. • La « seconde nature » de l'homme, production de l'imagination.

A rebours de la raison, l'imagination engendre ses propres évaluations, et attache les hommes à celles-ci. • L'exemple de la « réputation », directement liée à la « faculté imaginante », permet de souligner son efficacité propre dans les allégeances sociales comme dans les sentiments de respect à l'égard des lois ou des personnes. Mise en perspective Perception et imagination L'image, c'est littéralement ce qui ressemble à, sans être identique (cf.

le mot grec eikon).

Tout à la fois la présence d'une absence et l'absence elle-même (la photographie de l'être cher me le fait imaginer, mais l'image en moi, sans ce support sensible de l'image réelle, me le restitue aussi, avec le flou de la nostalgie.

En vain, la terre cache ceux que nous aimons et qui ne sont plus : le souvenir, qui est imagination, habite à tout jamais l'intime tristesse qui les évoque). Le premier objet d'une perception sensible est image, comme est image son évocation à partir d'un mot, d'une sensation qui lui fut associée (cf.

Proust, À la recherche du temps perdu).

La perception, en ce sens, serait imagination, mais on a pris l'habitude de réserver ce terme soit à la « reproduction » des images premières, soit à leur réélaboration plus ou moins voulue, et délibérée dans l'imagination artistique ou la rêverie développée. »

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