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Autrui peut-il être autre chose pour moi qu'un obstacle ou un moyen ?

Extrait du document

« Introduction Il y a en moi, comme en tout homme, deux mouvements opposés.

Le premier me fait entrer en société car je ne peux me passer des autres pour vivre humainement : en ce sens, autrui est un moyen sans lequel mon but ne saurait être atteint.

Le second me fait m'opposer aux autres car nous désirons la même chose : en ce sens, autrui est un obstacle qui m'empêche d'atteindre mon but, de satisfaire mon désir.

Ne pouvant me passer de la société des autres, mais continuant à ne penser qu'à moi, il semble donc impossible qu'autrui puisse jamais être autre chose que moyen ou/et obstacle pour cette fin qu'est mon moi.

Pourtant ne puis-je cesser de tout rapporter à moi et à mes buts? IL faudrait que je puisse considérer autrui autrement que relatif à moi, c'est-à-dire comme une fin en soi, et autrement que relatif, c'est-à-dire comme ayant valeur absolue.

Y a-t-il dans mon humanité la possibilité d'un tel décentrement moral? Ou bien une telle espérance est-elle naïve, comme le pensent les cyniques? Tous mes rapports à autrui, même d'apparence morale et désintéressée, ne seraient-ils que des modalités de l'exploitation et du conflit? 1) Ce qui, en droit, fonde la possibilité que j'ai de considérer autrui comme autre chose qu'un moyen ou un obstacle : ma dimension spirituelle, qui me fait reconnaître autrui comme mon semblable. a) Me savoir esprit. Dès que j'exerce ma raison, je découvre qu'elle n'est pas seulement ma raison, mais celle qui est en tout autre.

Je découvre autrui comme un autre moi : il est mon égal en raison.

Il est possible alors qu'en toute égalité nous organisions nos rapports en vue du bien exigé par la raison. b) Une amitié entre êtres spirituels, irréductible à l'amitié plaisante ou utile. Ce n'est pas mon intérêt ou mon plaisir que j'ai en vue lorsque je développe avec « l'autre moi-même » des activités vertueuses qui accomplissent avec perfection notre humanité.

J'ai en vue notre bonheur partagé. c) Un amour entre êtres spirituels, irréductible au désir de possession. Comme le montre Platon dans le Banquet, l'amour est désir de création dans le beau.

Aimer l'autre, ce n'est pas le vouloir pour soi tout seul, c'est, émerveillé, marcher avec lui vers la lumière du Beau, du Vrai, du Bien. d) Un don gratuit et désintéressé, irréductible aux modalités intéressées de l'échange. La raison calculatrice d'intérêts veille à la justesse, à la justice de l'échange, mais n'est pas encore vraie spiritualité. Au-delà de l'ordre de la justice, je participe de l'amour, du don et du pardon. Transition : Ainsi, prétendre à une telle vertu dans mon rapport à autrui, c'est me croire capable de pure vertu. Naïveté d'une vertu qui ignorerait la faiblesse humaine, l'égoïsme et ses stratégies? 2) Ce qui en fait empêche que je puisse considérer autrui autrement que comme moyen, obstacle : ma dimension naturelle; indigente, qui me fait nécessairement rapporter tout à moi et à mes buts. a) Reconnaître que je suis un être de besoin : Être de manque dans un contexte de rareté réelle ou potentielle, je ne peux me permettre le luxe de l'altruisme.

Je ne peux appréhender autrui que dans la perspective de mes buts à moi, qu'il les serve ou qu'il leur fasse obstacle. b) Ainsi même l'amitié « vertueuse » ne serait qu'«égoïsme moral ». Lorsque je vise le bien d'autrui parce qu'il est mon égal, il ne cesse pas d'être moyen pour moi, mon altruisme demeure amour de moi.

C'est encore moi que j'aime et perfectionne, en aimant en l'autre ce que je suis. c) Même l'amour ne serait que modalité de l'intérêt et du conflit. Croyant aimer, je n'aime que moi et mes souvenirs (Alquié, Le Désir d'éternité).

Croyant aimer, je désire en fait être aimé, conquérir une liberté pour l'asservir à la mienne.

Mais l'autre peut me résister : en couple on ne sort pas du modèle guerrier ! d) Même le don ne serait qu'une forme de l'échange intéressé. Le généreux ne peut pratiquer la générosité par générosité.

Car le don est une lutte de prestige qui appelle l'obligation de rendre.

La dette impayée subordonne le débiteur au donateur.

IL n'y a donc ni don ni pardon gratuit. Transition : Faut-il donner raison au cynique (kunos, le chien, en grec) qui, au nom de la nature, fait de la moralité une apparence illusoire? Ce serait oublier que l'homme, certes animal, n'est pas que cela. 3) Je suis à la fois animal et raisonnable, c'est-à-dire apte à la moralité naturellement centré sur moimême, je peux me décentrer et considérer autrui pour lui-même et non pour moi. a) Quand bien même je ne me serais pas encore moralisé, ma moralisation reste possible. Je suis une liberté, qui a toujours un avenir que son passé ne laissait pas prévoir.

Je peux donc choisir de sortir du. »

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