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Autrui comme remise en question du sens ?

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« Autrui Désigne l'autre, en tant qu'il est cependant mon semblable.

Autrui est un alter ego, c'est-à-dire à la fois un autre moi, et un autre que moi.

C'est cet entrelacement du même et de l'autre en autrui qui fait l'objet d'un questionnement philosophique. 1.

Le possible (Deleuze) Pour un Robinson sur son île déserte, l'univers perdrait son sens.

L'autre représente la possibilité d'une nouvelle perspective.

C'est autrui qui peuple l'univers de ma conscience. 2.

Le point de vue esthétique et moral Le monde n'a de sens que si les choses sont visibles par d'autres.

L'art permet de voir le monde avec les yeux d'un autre (Proust).

Le plaisir esthétique suppose l'idée d'un partage possible de ce plaisir (Kant).

L'expérience d'autrui est celle d'un décentrement (Merleau-Ponty) : je ne me considère plus comme le centre du monde.

Autrui n'est plus perçu comme un objet ou un moyen, mais comme une personne, un centre à partir duquel le monde s'organise. 3.

L'ego est la source de l'existence Le monde s'organise autour de ma conscience : c'est par rapport à moi que les objets sont disposés.

C'est cette organisation que la présence d'autrui vient remettre en question : je me situe moi-même par rapport à l'autre.

La perception que j'ai du monde peut même être structurée ou organisée autour de l'absence de l'autre : lorsque j'attends quelqu'un, je ne remarque qu'une chose en regardant autour de moi, c'est qu'il n'est pas là (cf.

Sartre, L'Être et le Néant). « Imaginons que j'en sois venu, par jalousie, par intérêt, à coller mon oreille contre une porte, à regarder par le trou d'une serrure.

Je suis seul [...] Cela signifie d'abord qu'il n'y a pas de moi pour habiter ma conscience.

Rien donc, à quoi je puisse rapporter mes actes pour les qualifier.

Ils ne sont nullement connus, mais je les suis et, de ce seul fait, ils portent en eux-mêmes leur totale justification.

Je suis pure conscience des choses [...].

Cela signifie que, derrière cette porte, un spectacle se propose comme « à voir », une conversation comme « à entendre ».

La porte, la serrure sont à la fois des instruments et des obstacles : ils se présentent comme « à manier avec précaution » ; la serrure se donne comme « à regarder de près et un peu de côté », etc.

Dès lors « je fais ce que j'ai à faire » ; aucune vue transcendante ne vient conférer à mes actions un caractère de donné sur quoi puisse s'exercer un jugement : ma conscience colle à mes actes, elle est mes actes ; ils sont seulement commandés par les fins à atteindre et par les instruments à employer.

Mon attitude, par exemple, n'a aucun « dehors », elle est pure mise en rapport de l'instrument (trou de la serrure) avec la fin à atteindre (spectacle à voir), pure manière de me perdre dans le monde, de me faire boire par les choses comme l'encre par un buvard [...]. Or voici que j'ai entendu des pas dans le corridor : on me regarde.

Qu'est-ce que cela veut dire ? C'est que je suis soudain atteint dans mon être et que des modifications essentielles apparaissent dans mes structures [...]. D'abord, voici que j'existe en tant que moi pour ma conscience irréfléchie.

C'est même cette irruption du moi qu'on a le plus souvent décrite : je me vois parce qu'on me voit, a-t-on pu écrire [...] ; pour l'autre je suis penché sur le trou de la serrure, comme cet arbre est incliné par le vent. [...] S'il y a un Autre, quel qu'il soit, où qu'il soit, quels que soient ses rapports avec moi, sans même qu'il agisse autrement sur moi que par le pur surgissement de son être, j'ai un dehors, j'ai une nature ; ma chute originelle c'est l'existence de l'autre.

» Sartre, « L'Etre et le Néant », Gallimard, pp.

305-306. Le texte de Sartre décrit clairement deux états de la conscience.

Dans le premier, une conscience solitaire est occupée, par jalousie, à regarder par le trou d'une serrure ce qui se passe derrière la porte.

Cette conscience est alors entièrement livrée à la contemplation du spectacle jusqu'à s'y fondre; elle est tout entière ce spectacle qu'elle regarde, elle est la série des actes motivés par la jalousie (se pencher, ne pas faire de bruit, regarder).

Cette conscience ne se connaît même pas comme jalouse (ce qui supposerait un recul réflexif): elle est rapport au monde sur la mode de la jalousie.

La conscience n'a pas de consistance propre qui lui permette de s'appréhender comme moi; elle se confond immédiatement avec toutes ces choses sur lesquelles elle s'ouvre. Brusquement surgit un autre (j'entends des pas, on me regarde): je suis surpris, il va penser que moi, je suis jaloux.

C'est alors (dans le cadre d'une expérience de la honte d'avoir été surpris) que ma jalousie prend consistance (et par là-même aussi mon être comme jaloux); elle n'est plus seulement une manière diffuse d'agir dans ce monde: elle est cette qualification de ma personne, ce jugement sur moi porté par un tiers.

Je suis quelqu'un, je ne suis plus une pure ouverture sur le monde: on me détermine comme un homme jaloux (on me donne une "nature”, je deviens "quelque chose” sous le regard de l'autre (autrui me chosifie). Mais au moment où je deviens quelqu'un, je suis dépossédé de moi-même: c'est à l'autre de décider si je suis un curieux, un jaloux ou encore un vicieux.. »

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