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Auguste COMTE

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Le positivisme n'admet jamais que des devoirs, chez tous envers tous. Car son point de vue toujours social ne peut comporter aucune notion de droit, constamment fondée sur l'individualité. Nous naissons chargés d'obligations de toute espèce, envers nos prédécesseurs, nos successeurs, et nos contemporains. Elles ne font ensuite que se développer ou s'accumuler avant que nous puissions rendre aucun service. Sur quel fondement humain pourrait donc s'asseoir l'idée de droit, qui supposerait raisonnablement une efficacité préalable ? Quels que puissent être nos efforts, la plus longue vie bien employée ne nous permettra jamais de rendre qu'une portion imperceptible de ce que nous avons reçu. Ce ne serait pourtant qu'après une restitution complète que nous serions dignement autorisés à réclamer la réciprocité des nouveaux services. Tout droit humain est donc absurde autant qu'immoral. Auguste COMTE

« "Le positivisme n'admet jamais que des devoirs, chez tous envers tous.

Car son point de vue toujours social ne peut comporter aucune notion de droit, constamment fondée sur l'individualité.

Nous naissons chargés d'obligations de toute espèce, envers nos prédécesseurs, nos successeurs, et nos contemporains.

Elles ne font ensuite que se développer ou s'accumuler avant que nous puissions rendre aucun service.

Sur quel fondement humain pourrait donc s'asseoir l'idée de droit, qui supposerait raisonnablement une efficacité préalable ? Quels que puissent être nos efforts, la plus longue vie bien employée ne nous permettra jamais de rendre qu'une portion imperceptible de ce que nous avons reçu. Ce ne serait pourtant qu'après une restitution complète que nous serions dignement autorisés à réclamer la réciprocité des nouveaux services.

Tout droit humain est donc absurde autant qu'immoral.

" COMTE. La question Sur quoi se fondent les droits de l'homme ? La question peut embarrasser dans la mesure où les droits de l'homme sont souvent considérés eux-mêmes comme le fondement ultime du droit.

Mais c'est surtout la réponse d'Auguste Comte qui semble choquante : « Tout droit humain est donc absurde autant qu'immoral ».

Comment convient-il de réagir face à une telle conclusion ? Il est tout d'abord exclu de ne pas réagir : un tel sujet implique une confrontation d'idées.

Pour autant, on ne peut se satisfaire d'une simple indignation en guise de réfutation.

Et il ne faudrait pas confondre la théorie d'Auguste Comte avec un quelconque « fascisme ».

Elle n'a strictement rien à voir avec une apologie de la force, et ses intentions sont de favoriser la création d'une société juste, que la proclamation « illusoire » de droits de l'homme retarderait.

Voilà donc ce qu'il faut discuter. Pour comprendre le texte C'est tout d'abord au nom de la cohérence de sa doctrine, le positivisme, qu'Auguste Comte rejette toute idée de droit.

Toutefois, ce rejet n'emporte pas avec lui l'idée corrélative de devoir.

Il faut donc remarquer qu'il n'y a pas là la trace d'un quelconque immoralisme, bien au contraire.

Ce n'est pas ce qu'il y a de normatif dans le droit qui est condamné, mais bien plutôt ce qu'il pourrait s'y trouver de subversif, notamment son fondement individualiste. Certes, en un sens, droit et devoir sont dans une relation d'implication réciproque : j'ai le devoir de respecter le droit d'autrui, et mon droit est ce que je peux légitimement exiger.

De plus, je perds mes droits si je ne respecte plus mes devoirs, et je respecte mes devoirs parce qu'ils garantissent mes droits.

Cependant, il n'y a pas vraiment équivalence entre les deux notions.

En parlant de droit de la personne, je confère à celle-ci une valeur quasi sacrée.

En parlant de devoir, je reconnais l'existence d'une valeur supérieure à moi-même.

Dès lors, la question pourrait être ainsi posée : est-ce le droit qui fonde le devoir ou bien le devoir qui fonde le droit ? n'ai-je que le « droit » de faire mon devoir (et telle est bien dans toute sa netteté la position d'Auguste Comte) ou bien n'ai-je d'autre devoir que celui de respecter les droits de mes semblables (et telle est sans doute la position de l'opinion commune aujourd'hui) ? Avant d'entrer dans le détail de l'explication, précisons en quoi le positivisme conduit logiquement à la négation du droit (il faut rappeler qu'un candidat au baccalauréat n'est pas censé connaître la doctrine de tous les auteurs du programme, et donc qu'il doit pouvoir expliquer le texte qu'on lui propose sans se référer à la doctrine de son auteur ; toute-fois, il est bien évident qu'on comprend beaucoup mieux un texte si l'on est déjà averti des idées de celui qui l'a écrit.

Il y a là une ambiguïté avec laquelle il faut bien composer, que l'on soit candidat ou correcteur.

Il en résulte, pour ce texte-ci, que l'on ne peut exiger d'un élève qu'il explique en quoi consiste le positivisme, mais qu'il n'y a aucune raison de ne pas s'appuyer sur ses connaissances dès lors qu'elles sont utiles). Le positivisme est une philosophie de l'histoire, et en particulier de l'évolution de la pensée, soumise à la célèbre loi des trois états : l'état théologique, l'état métaphysique et l'état positif.

Chacun de ces états correspond à une manière d'appréhender les phénomènes.

Dans l'état dit théologique, l'esprit humain attribue aux phénomènes une volonté surnaturelle comme cause ; dans l'état dit métaphysique, les agents surnaturels sont remplacés par des forces abstraites ; enfin, dans l'état positif, l'esprit renonce aux explications absolues et s'attache uniquement au raisonnement et à l'observation pour découvrir les rapports constants entre les phénomènes, qui sont ce que l'on appelle les lois.

Ainsi donc, la notion de droit renvoie aux deux premiers états, sous la forme du droit divin pour l'état théologique, sous la forme des droits de l'homme pour l'état métaphysique. Cela revient à dire que rien, dans l'étude rationnelle et empirique des sociétés, ne permet de poser l'existence d'un droit quelconque, ce que la suite du texte va s'empresser de démontrer. L'argumentation se déploie autour d'une idée unique : « nous nais-sons chargés d'obligations ».

Il y a là très certainement une allusion au célèbre premier article de la déclaration des droits de l'homme, selon laquelle : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits », ce qui rappelle le fameux : « L'homme est né libre, et partout il est dans les fers » de Jean-Jacques Rousseau.

On voit qu'Auguste Comte prend le contre-pied exact de ces formules.

Car, au fond, que signifie cette affirmation d'une liberté originelle ? La réalité des faits, c'est bien entendu que personne ne choisit de naître, mais c'est surtout que nous commençons notre existence en étant soumis à la bienveillance de ceux qui nous nourrissent et nous éduquent.

Et si l'on objecte à cela que la nature a voulu que l'homme soit libre en lui donnant la faculté de réfléchir et de se déterminer par lui-même, Auguste Comte aura beau jeu de répondre que voilà exactement une explication de type « métaphysique », ce qui ne. »

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