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Auguste COMTE

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Les gouvernants voudraient faire admettre la maxime qu'eux seuls sont susceptibles de voir juste en politique, et que par conséquent il n'appartient qu'à eux d'avoir une opinion à ce sujet. Ils ont bien leurs raisons pour parler ainsi, et les gouvernés ont eux aussi les leurs, qui sont précisément les mêmes, pour refuser d'admettre ce principe, qui, effectivement, considéré en lui-même, et sans aucun préjugé, soit de gouvernant, soit de gouverné, est tout à fait absurde. Car, les gouvernants sont, au contraire, par leur position, même en les supposant honnêtes, les plus incapables d'avoir une opinion juste et élevée sur la politique générale ; puisque plus on est enfoncé dans la pratique, moins on doit voir juste sur la théorie. Une condition capitale pour un publiciste * qui veut se faire des idées politiques larges, est de s'abstenir rigoureusement de tout emploi ou fonction publique : comment pourrait-il être à la fois acteur et spectateur ? Mais on est tombé, à cet égard, d'un excès dans un autre. En combattant la prétention ridicule du savoir politique exclusif des gouvernants, on a engendré, dans les gouvernés, le préjugé, non moins ridicule, quoique moins dangereux, que tout homme est apte à se former, par le seul instinct, une opinion juste sur le système politique, et chacun a prétendu devoir s'ériger en législateur. * celui qui écrit sur la vie politique Auguste COMTE

« "Les gouvernants voudraient faire admettre la maxime qu'eux seuls sont susceptibles de voir juste en politique, et que par conséquent il n'appartient qu'à eux d'avoir une opinion à ce sujet.

Ils ont bien leurs raisons pour parler ainsi, et les gouvernés ont eux aussi les leurs, qui sont précisément les mêmes, pour refuser d'admettre ce principe, qui, effectivement, considéré en lui-même, et sans aucun préjugé, soit de gouvernant, soit de gouverné, est tout à fait absurde.

Car, les gouvernants sont, au contraire, par leur position, même en les supposant honnêtes, les plus incapables d'avoir une opinion juste et élevée sur la politique générale ; puisque plus on est enfoncé dans la pratique, moins on doit voir juste sur la théorie.

Une condition capitale pour un publiciste * qui veut se faire des idées politiques larges, est de s'abstenir rigoureusement de tout emploi ou fonction publique : comment pourrait-il être à la fois acteur et spectateur ? Mais on est tombé, à cet égard, d'un excès dans un autre.

En combattant la prétention ridicule du savoir politique exclusif des gouvernants, on a engendré, dans les gouvernés, le préjugé, non moins ridicule, quoique moins dangereux, que tout homme est apte à se former, par le seul instinct, une opinion juste sur le système politique, et chacun a prétendu devoir s'ériger en législateur." COMTE. * celui qui écrit sur la vie politique POUR DÉMARRER Ni les gouvernants, ni les gouvernés, ne peuvent avoir une compétence exclusive en politique : telle est l'idée que nous expose ici A.

Comte.

Les uns manquent de recul, les autres de connaissances réelles.

En vérité, Comte veut faire apparaître que les uns et les autres ne peuvent prétendre à la véritable connaissance politique, car ils n'ont aucune théorie générale qui permettrait de les guider : c'est en ceci que réside d'ailleurs l'intérêt philosophique du texte. CONSEILS PRATIQUES Méfiez-vous de l'organisation apparente du texte, qui contient en réalité trois parties : le premier paragraphe est en effet divisé en deux par le raisonnement de Comte, qui expose d'abord son idée, avant de dire pourquoi les gouvernants n'ont pas compétence en ce qui concerne la possession d'une opinion juste dans la sphère politique. BIBLIOGRAPHIE A.

COMTE, Système de politique positive, éd.

Société positiviste, 1929. J.-J.

RoussEAU, Du Contrat social, Bordas. I - QUELLE ANALYSE POUR CE SUJET ? L'objet de ce texte est la description critique d'un état de fait lié à la considération de la réalité politique. L'auteur se livre à une analyse du phénomène de l'opinion politique sous le double point de vue des gouvernants et des gouvernés.

Il vise à montrer les limites et les dérives dans le champ de l'opinion politique. II - UNE DÉMARCHE POSSIBLE. A - LES GOUVERNEMENTS ET LE MONOPOLE DE LA VERITE POLITIQUE. C'est une tendance irrésistible des gouvernants que de s'arroger le monopole de la validité en matière d'opinion politique. Leurs fonctions les portent tout naturellement à se présenter comme les meilleurs juges et interprètes de la chose publique.

Ce préjugé tient à une forme d'appropriation de la politique par ceux qui en sont les praticiens. L'auteur dénonce une confusion entre la théorie et la pratique.

Les gouvernants se posent juges suprêmes sans voir que la théorie politique ne se réduit pas à l'exercice de fonctions publiques et que la compétence pratique ne permet pas nécessairement une évaluation correcte des principes supérieurs et des finalités ultimes de la politique. De plus, en adoptant cette position, les gouvernants excluent les gouvernés, disqualifiant par avance leur jugement, ce qui dénote une approche étroite et dangereuse de la vie politique. Les gouvernés sont, en effet, partie prenante du champ politique, et ne doivent pas en être exclus par les spécialistes de sa pratique. B - LA PRATIQUE, OBSTACLE A LA THÉORIE. L'argument utilisé dans la deuxième partie pour réfuter l'opinion des gouvernants est précisément constitué par leur approche pratique de la dimension politique : occupés par des circonstances étroites et particulières, ils ne sont pas les plus à même de se prononcer sur la politique générale. Etant des acteurs sur la scène de la vie publique, les gouvernants ne peuvent se convertir en observateurs neutres disposant du recul suffisant pour traiter des questions politiques au niveau le plus élevé. C - ÉLOGE DE LA COMPÉTENCE POLITIQUE. La troisième partie du texte répond à un souci d'équilibre et d'équité dans le jugement porté respectivement, sur les gouvernants et sur les gouvernés.

Ces derniers peuvent penser que nulle connaissance n'est nécessaire pour bien juger politiquement parlant. L'auteur récuse donc la spontanéité en matière de jugement politique : un savoir, une réflexion, une connaissance pratique sont nécessaires pour nourrir et affermir l'opinion politique, pour éviter de réduire celle-ci à une opinion subjective et ignorante de ses propres limites. En somme, l'opinion politique doit se constituer autour d'un juste milieu situé à égale distance de la spécialisation excessive et de l'ignorance du nonpraticien de la vie publique. III - LES REFERENCES UTILES. Spinoza : Traité Politique. Platon : La République. Rousseau : Du Contrat Social. IV - LES FAUSSES PISTES. Ne pas oublier de souligner l'intérêt du texte, son souci de justesse dans l'appréciation des gouvernants et des gouvernés, sa réhabilitation de la philosophie politique et la nécessité d'une science politique qui ne soit pas le pur reflet de la pratique. Il convenait, dans cet exercice de garder un regard critique sur la pensée de l'auteur pour montrer par exemple, que la séparation entre gouvernants et gouvernés était trop caricaturale et menait à une simplification artificielle.. »

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