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Au nom de quoi condamne-t-on le plaisir ?

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« Analyse du sujet : · Le sujet est formulé de telle sorte que son présupposé est évident : on peut condamner le plaisir, c'est-àdire lui attribuer une valeur négative. · Tout le problème est alors de savoir « au nom de quoi » une telle sentence est possible, c'est-à-dire qu'on nous demande de dresser une liste des chefs d'accusation présidant à cette condamnation éventuelle. · Toutefois, le listing en question ne devra pas prendre la forme d'une juxtaposition de motifs ou de raison diverses mais présenter une logique suivie et argumentée.

Il faudra donc méthodiquement organiser l'analyse selon une progression allant du simple au complexe, du plus immédiat jusqu'à l'essentiel (le chef d'accusation le mieux fondé, c'est-à-dire ne prêtant quasiment plus à controverse). · Ainsi, l'une des premières raison pour lesquelles le plaisir est condamnable tient à sa dimension charnelle : le plaisir est une sensation agréable.

Or que reproche-t-on au corps ? Le corps coupable est par excellence une notion chrétienne (héritée de la critique platonicienne).

Cette notion ne va pas de soi et il semble à première vue que le plaisir serait critiquable d'un certain point de vue : celui de la religion qui voit dans le corps la source de tous nos maux. · L'analyse précise de ce présupposé pourra ainsi orienter la réflexion dans au moins deux grandes directions : § ou bien on peut critiquer cette identification du corps au mal (et de l'esprit au bien) – jusqu'à opérer un renversement de ces attributions de valeur avec Nietzsche. § ou bien on peut tâcher de dégager la pertinence de la condamnation chrétienne, mais en la modifiant, c'est-àdire en la projetant sur le seul plan de la logique de la sensibilité et en restreignant ainsi l'analyse du plaisir à sa dimension physiologique, « médicale » – on pourra ainsi dégager le type de conduite induit par le plaisir lorsqu'il est pris pour mobile de l'action et conserver l'idée nietzschéenne qu'il n'est pas à proprement parler contraire à la morale : la condamnation porterait sur les thèses qui font du plaisir un mobile de l'action morale, serait posée au nom d'une confusion possible ( = identification du plaisir au bien que condamne précisément la religion chrétienne) Problématique : Le plaisir peut à la fois être nuisible comme il peut être bon.

D'un point de vue strictement physique : le plaisir est une sensation agréable qui nous signale l'utilité d'une chose.

Toutefois cette utilité n'est pas systématique : le drogué cherche et trouve du plaisir dans la consommation de produits qui détruisent sa santé et donc menacent sa vie.

De par cette ambiguïté, le plaisir a souvent été condamné par la philosophie : il faut lui préférer le bien connu par la raison.

Toutefois, une telle condamnation du plaisir sans exception (en repos comme absence de douleur – ne pas avoir soif – en mouvement comme celui de boire) est problématique : de quel droit rejeter tous les plaisirs ? N'est-ce pas jeter le bébé avec l'eau du bain ? Au nom de quoi le plaisir serait-il condamnable ? Ne serait-ce pas au nom de présupposés arbitrairement haineux à l'égard du corps et de la chair ? Mais ne peut-on pas condamner le plaisir sans verser dans le renoncement morbide propre à l'ascèse ? Car, le plaisir pris comme fin en soi et bien suprême rend-il vraiment heureux ? Si le plaisir est condamnable, n'est-ce pas au nom de la façon dont il peut affecter l'autonomie ? 1- AU NOM DE CERTAINS PRÉSUPPOSÉS MORAUX HOSTILES À LA VIE a) qu'est-ce que le plaisir ? Le plaisir est une sensation spécifique : contraire de la douleur, il est une appréciation des modifications dont le corps peut être affecté : le plaisir désigne la façon dont le corps vivant éprouve cette modification : la sensation de plaisir est agréable.

Ainsi caractérisé, le plaisir ne paraît pas devoir faire l'objet d'un jugement moral.

Pourquoi dès lors serait-il condamnable ? Telle est la question à laquelle Nietzsche répond en dégageant le type de volonté à l'origine de tout jugement moral. b) Le plaisir : « par delà bien et mal » La distinction entre le bien et le mal opère une séparation au sein de l'être : comme si la valeur de la vie n'allait pas de soi, le philosophe, selon Nietzsche, éprouve le besoin de l'apprécier en référence à des normes qui la dépasse.

Or cette distinction entre le bien et le mal, entre ce qui est louable et ce qui est condamnable, est une mise en question de la valeur de la vie irrecevable : au nom de quoi juger ce qui n'a aucun terme supérieur ?? Du coup, assigner une valeur au plaisir, émettre un jugement normatif, n'a pas de sens : « Des jugements, des appréciations de la vie, pour ou contre, ne peuvent en dernière instance jamais être vraies […] la valeur de la vie ne peut pas être appréciée » (Crépuscule des idoles). Ainsi la condamnation du plaisir n'a, comme tout jugement de valeur, pas d'autre signification que d'être un symptôme. c) La condamnation du plaisir : une ruse de la faiblesse La condamnation du plaisir témoigne ainsi d'un certaine lassitude de vivre, d'une vitalité décadente.

Tel est le cas de Socrate qui se réjouit de mourir et de tous ceux qui s'affligent du mal de la vie ici-bas ( = les chrétiens).

Le discours moralisateur condamnant le plaisir = stratégie pour dissimuler son incapacité à vivre et à prendre du plaisir. En effet, la quête du plaisir n'a en elle-même que faire de savoir si sa fin est bonne ou mauvaise.

Ce n'est que le faible, ne parvenant à se résoudre à son impuissance, qui cherche à faire croire que sa faiblesse est retenue et voulue : sa dissimulation s'appuie sur l'idée qu'il s'abstient de manifester sa force au nom du bien : « Lorsque les opprimés, les écrasés, les asservis, sous l'empire de la ruse vindicative de l'impuissance, se mettent à dire : « soyons le contraire des méchants, c'est-à-dire bons ! » […] Tout cela veut dire en comme, à l'écouter. »

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