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Aristote

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C'est, en effet, l'étonnement qui poussa, comme aujourd'hui, les premiers penseurs aux spéculations philosophiques. Au début, leur étonnement porta sur les difficultés qui se présentaient les premières à l'esprit ; puis, s'avançant ainsi peu à peu, ils étendirent leur exploration à des problèmes plus importants, tels que les phénomènes de la Lune, ceux du Soleil et des Étoiles, enfin la genèse de l'Univers. Or, apercevoir une difficulté et s'étonner, c'est reconnaître sa propre ignorance [...]. Ainsi donc, si ce fut bien pour échapper à l'ignorance que les premiers philosophes se livrèrent à la philosophie, c'est qu'évidemment ils poursuivaient le savoir en vue de la seule connaissance et non pour une fin utilitaire. Et ce qui s'est passé en réalité en fournit la preuve : presque toutes les nécessités de la vie, et les choses qui intéressent son bien-être et son agrément avaient reçu satisfaction, quand on commença à rechercher une discipline de ce genre. Aristote

« Sujet 2070 Pourquoi philosophe-t-on ? "C'est, en effet, l'étonnement qui poussa, comme aujourd'hui, les premiers penseurs aux spéculations philosophiques.

Au début, leur étonnement porta sur les difficultés qui se présentaient les premières à l'esprit ; puis, s'avançant ainsi peu à peu, ils étendirent leur exploration à des problèmes plus importants, tels que les phénomènes de la Lune, ceux du Soleil et des Étoiles, enfin la genèse de l'Univers.

Or, apercevoir une difficulté et s'étonner, c'est reconnaître sa propre ignorance [...].

Ainsi donc, si ce fut bien pour échapper à l'ignorance que les premiers philosophes se livrèrent à la philosophie, c'est qu'évidemment ils poursuivaient le savoir en vue de la seule connaissance et non pour une fin utilitaire.

Et ce qui s'est passé en réalité en fournit la preuve : presque toutes les nécessités de la vie, et les choses qui intéressent son bien-être et son agrément avaient reçu satisfaction, quand on commença à rechercher une discipline de ce genre." Aristote, Métaphysique, trad.

J.

Tricot, Vrin, date? L'étonnement, origine de la philosophie Pourquoi philosophe-t-on ? Aristote suggère ici une réponse ultérieurement reconnue comme pertinente: le questionnement philosophique est déterminé par un étonnement.

Platon l'avait déjà dit : « cet état, qui consiste à s'émerveiller, est tout à fait d'un philosophe; la philosophie en effet ne débute pas autrement» (Théétète, 155d), et c'est en fait Socrate qui a montré la fécondité de cet étonnement. Objets de l'étonnement Mais de quoi s'étonner ? La réponse est simple: de n'importe quoi, et donc de tout.

On s'étonne de l'acception d'un mot, d'un désaccord sur une conduite, de la marche des étoiles, de la présence d'une chose, d'un événement.

Au-delà de ces exemples, l'étonnement concerne l'ensemble de ce qui peut exister, c'est-à-dire le tout (la totalité); il ouvre alors sur la métaphysique, qui désigne étymologiquement ce qui est au-delà (meta) des choses physiques (ta phusika) ou de la nature, en même temps que ce dont l'étude peut être entreprise après (autre sens de meta) celle des choses physiques. L'étonnement débouche ainsi sur des questions concernant le principe ultime de ce qui est, ou sur ce qui en fonde la nécessité; c'est ce que Leibniz formule de la façon suivante : « Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? » Non-savoir initial et science finale L'étonnement révèle un non-savoir, une absence d'explication ou de compréhension.

De ce point de vue, la démarche philosophique qui en résulte signifie la quête d'une science - terme devenu aujourd'hui ambigu, alors qu'il ne l'était pas pour Aristote, d'une forme de savoir qui puisse satisfaire, en partie ou en totalité, l'esprit.

Cette science ne répond qu'à un désir de compréhension; elle est ainsi satisfaisante en elle-même, et n'est soumise à aucune autre fin que son propre développement. Ce que le texte défend Aristote détermine, dans ce texte, ce qui a poussé les hommes à philosopher.

Il fait remonter l'origine de cette activité à un sentiment particulier : l'étonnement.

Mais quel genre d'étonnement ? Celui que suscite, nous dit-il, une difficulté, depuis les problèmes les plus immédiats qui se présentent à notre esprit, jusqu'à ceux concernant la nature des phénomènes célestes et l'origine de l'univers. Cette réponse peut nous sembler étrange.

Une difficulté nous irrite ou nous décourage.

Peut-elle vraiment nous étonner ? Le mot grec problema, qui signifie arrêt, obstacle, nous suggère bien pourtant cet étonnement qui saisit la pensée lorsqu'elle rencontre un obstacle qui arrête le cours de sa compréhension du monde.

Étonnement devant l'inexpliqué mais aussi devant sa propre ignorance et ce, dans un seul et même mouvement de pensée. C'est pourquoi, écrit-il, « apercevoir une difficulté et s'étonner, c'est reconnaître sa propre ignorance ».

Cette reconnaissance nous éveille au fait que le monde ne se donne jamais comme intégralement compréhensible et transparent. Le désir de percer ses secrets ou, ce qui revient au même, d'échapper à l'ignorance, est donc le moteur qui poussa les premiers penseurs à philosopher. L'étonnement n'est donc pas ici une simple surprise, mais l'éveil d'une curiosité nourrie par un sentiment d'émerveillement, car il y a du merveilleux dans le mystérieux.

Les principes cachés, qui animent la course des astres et donnent sa beauté au spectacle que nous offre la voûte céleste, conjuguent ces deux aspects. Échapper à l'ignorance et répondre à l'appel que suscite en nous cet étonnement est donc le véritable but que poursuit la philosophie.

Cette fin n'est pas utilitaire, c'est-à-dire qu'elle n'est pas destinée à satisfaire des besoins liés au corps, car cette recherche est à elle-même sa propre fin et, en ce sens, elle peut être dite libre. Ce a quoi le texte s'oppose Aristote s'oppose ici à tous ceux qui reprochent à la philosophie son inutilité, le fait qu'elle ne produise aucun objet au service des besoins du corps et de la vie matérielle.

Le boulanger produit du pain, le médecin soigne les malades, mais qu'apporte le philosophe ? Ce genre de questions, le personnage de Calliclès les posait déjà, dans le dialogue que Platon a intitulé le Gorgias.

« Il faut renoncer à la philosophie », disaitil à Socrate, car le philosophe se coupe des autres hommes, perdu dans ses réflexions, et n'est plus utile à la Cité dont il finit par ignorer les lois.

L'image du philosophe noyé dans ses pensées fut d'ailleurs répandue chez les Grecs par une anecdote : on raconte que l'un des premiers penseurs, Thalès, alors qu'il contemplait le ciel, sujet à l'étonnement, ne vit pas devant lui l'ouverture d'un puits et y tomba. Ainsi Calliclès avance-t-il que «devant un homme que je vois continuer à philosopher sans s'arrêter jamais, je me dis, Socrate, que celui-là mériterait d'être fouetté». Pour Calliclès, non seulement la philosophie ne produit pas d'objets utiles, mais elle détourne de l'action.

Elle nécessite une retraite, une mise à l'écart du monde, qui nous font oublier nos devoirs de citoyens.

C'est pourquoi Calliclès conclut sa critique en déclarant que pareil homme «devient moins qu'un homme à fuir toujours le coeur de la cité, ces assemblées où les hommes s'illustrent». L'argumentation de Calliclès, qui identifie la philosophie à un bavardage dangereux, repose sur l'idée que seul l'utile a de la valeur. C'est méconnaître là que l'homme ne possède pas qu'un seul type de rapport au monde, à savoir d'utilité et de consommation.

La connaissance est désintéressée précisément parce qu'elle vise à satisfaire notre curiosité sur le monde, et cette satisfaction n'a pas d'autre fin qu'elle-même. Que cette connaissance n'ait pas d'utilité au niveau des besoins du corps ne lui ôte pas son prix, bien au contraire.

Le temps de sa réflexion, sujet à l'étonnement et à ses spéculations, le philosophe se sent comme libéré des besoins du corps. C'est pourquoi son activité demande loisir et nous offre l'expérience d'une certaine forme de liberté.. »

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