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Aristote

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La compétence technique naît lorsque, d'une multitude de notions d'expérience, se dégage un unique jugement universel, applicable à tous les cas semblables. En effet, former le jugement que tel remède a soulagé Callias, atteint de telle maladie, puis Socrate, puis plusieurs autres pris individuellement, c'est l'affaire de l'expérience; mais juger que tel remède a soulagé tous les individus de telle constitution, rentrant dans les limites d'une classe déterminée, atteints de telle maladie, comme par exemple, les phlegmatiques, les bilieux ou les fiévreux, cela relève de la compétence technique. Ceci dit, au regard de la pratique, l'expérience ne semble en rien différer de la compétence technique ; et même nous voyons les hommes d'expérience obtenir plus de succès que ceux qui possèdent une notion (logos) sans l'expérience. La cause en est que l'expérience est une connaissance de l'individuel, et la compétence technique, de l'universel. [...] Si donc on possède la notion sans l'expérience, et que, connaissant l'universel, on ignore l'individuel auquel il s'applique, on commettra souvent des erreurs de traitement, car ce qu'il faut guérir c'est l'individu. Il n'en est pas moins vrai que nous pensons d'ordinaire que le savoir et la faculté de comprendre appartiennent plutôt à la compétence technique qu'à l'expérience, et que nous jugeons les techniciens supérieurs aux hommes d'expérience, dans l'idée que la sagesse, chez tous les hommes accompagne plutôt le savoir [que la simple routine] : et cela, parce que les uns connaissent la cause et que les autres ne la connaissent pas. En effet, les hommes d'expérience savent bien qu'une chose est, mais ils ignorent le pourquoi, tandis que les techniciens connaissent le pourquoi et la cause. Aristote

« "La compétence technique naît lorsque, d'une multitude de notions d'expérience, se dégage un unique jugement universel, applicable à tous les cas semblables.

En effet, former le jugement que tel remède a soulagé Callias, atteint de telle maladie, puis Socrate, puis plusieurs autres pris individuellement, c'est l'affaire de l'expérience; mais juger que tel remède a soulagé tous les individus de telle constitution, rentrant dans les limites d'une classe déterminée, atteints de telle maladie, comme par exemple, les phlegmatiques, les bilieux ou les fiévreux, cela relève de la compétence technique. Ceci dit, au regard de la pratique, l'expérience ne semble en rien différer de la compétence technique ; et même nous voyons les hommes d'expérience obtenir plus de succès que ceux qui possèdent une notion (logos) sans l'expérience.

La cause en est que l'expérience est une connaissance de l'individuel, et la compétence technique, de l'universel. [...] Si donc on possède la notion sans l'expérience, et que, connaissant l'universel, on ignore l'individuel auquel il s'applique, on commettra souvent des erreurs de traitement, car ce qu'il faut guérir c'est l'individu. Il n'en est pas moins vrai que nous pensons d'ordinaire que le savoir et la faculté de comprendre appartiennent plutôt à la compétence technique qu'à l'expérience, et que nous jugeons les techniciens supérieurs aux hommes d'expérience, dans l'idée que la sagesse, chez tous les hommes accompagne plutôt le savoir [que la simple routine] : et cela, parce que les uns connaissent la cause et que les autres ne la connaissent pas.

En effet, les hommes d'expérience savent bien qu'une chose est, mais ils ignorent le pourquoi, tandis que les techniciens connaissent le pourquoi et la cause." ARISTOTE. Aristote oppose, aux animaux dont l'intelligence est « réduite aux images et aux souvenirs », le genre humain, qui, à partir de l'expérience, est capable de « s'élever jusqu'à la compétence technique et aux raisonnements ». Au commencement de sa Métaphysique, Aristote définit la sagesse (sophia) comme une science des premiers principes et des premières causes.

Pour caractériser la philosophie, qui est l'étude de cette sagesse, Aristote procède à une description graduelle des facultés de l'âme : sensation, expérience, compétence technique, science, sagesse.

A mesure qu'on s'élève dans cette échelle des facultés, on accède davantage à une connaissance du pourquoi des choses.

C'est chez l'homme (seul animal doué de langage, selon Aristote) que se révèle l'aptitude à un jugement universel, qui lui permet de dépasser l'accumulation routinière des images, des souvenirs et de l'habitude pour formuler des explications générales.

Si cette compétence technique ne s'appuie pas encore sur les démonstrations de la science, qui représente le stade suivant, elle met déjà en oeuvre, à travers ses jugements, la raison que l'on peut définir comme la faculté du pourquoi. Le texte repose sur l'opposition de deux termes : expérience (empeiria, qui a donné empirique) et compétence technique (téchnê, souvent traduit, de façon ambiguë, par art : on peut l'entendre au sens d'arts et métiers). L'expérience est, d'après Aristote, « constituée par une multiplicité de souvenirs de la même chose ».

C'est la récapitulation par la mémoire d'observations accumulées.

En d'autre termes, ce qu'on appelle avoir du métier.

Mais l'expérience reste cantonnée à l'individuel.

Toutefois, à ce titre, elle reste une étape qu'il ne faut pas brûler, sous peine de jongler avec des recettes générales inapplicables.

La compétence technique, si elle apporte une dimension proprement rationnelle, ne doit pas renier ses origines empiriques.

Autrement, elle restera un logos (une notion générale) vide.

L'exemple de la compétence médicale est particulièrement éclairant : combien de jeunes et brillants internes en chirurgie se croient savants sans avoir opéré ! Dans la compétence technique, la raison s'oppose à l'expérience, mais elle ne la supprime pas : elle la suppose constamment, parce qu'elle en formule l'explication, elle en donne la raison. Remarquons pour finir que la compétence technique prélude à la formalisation du raisonnement ou syllogisme, dans lequel le moyen terme exprime la cause ou la raison qui réunit le grand au petit.

Tout homme est un animal, tout animal est mortel, tout homme est mortel.

C'est parce qu'il est un animal (=moyen terme) que l'homme est mortel.. »

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