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Alain et l'erreur

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«Quiconque pense commence toujours par se tromper. L'esprit juste se trompe d'abord tout autant qu'un autre ; son travail propre est de revenir, de ne point s'obstiner, de corriger selon l'objet la première esquisse. Mais il faut une première esquisse ; il faut un contour fermé. L'abstrait est défini par là. Toutes nos erreurs sont des jugements téméraires, et toutes nos vérités, sans exception, sont des erreurs redressées. On comprend que le liseur ne regarde pas à une lettre, et que, par un fort préjugé, il croit toujours l'avoir lue, même quand il n'a pas pu la lire ; et, si elle manque, il n'a pas pu la lire. Descartes disait bien que c'est notre amour de la vérité qui nous trompe principalement, par cette précipitation, par cet élan, par ce mépris des détails, qui est la grandeur même. Cette vue est elle-même généreuse; elle va à pardonner l'erreur; et il est vrai qu'à considérer les choses humainement, toute erreur est belle. Selon mon opinion, un sot n'est point tant un homme qui se trompe qu'un homme qui répète des vérités, sans s'être trompé d'abord comme ont fait ceux qui les ont trouvées. » Alain.

Alain, dans ces textes, comme dans d’autres, ramène le bon sens à la philosophie, et explique avec des mots simples ce que signifient la vérité et l’erreur. Pour lui la vérité n’est qu’une erreur rectifiée ; que la rectification elle-même apporte plus de vérité, que la vérité n’est en rien quelque chose d’intangible, d’inchangée en décrivant finalement le cheminement normal d’un esprit qui désire trouver la vérité. Quelle est la place de l’erreur dans la recherche de la vérité ? Aussi, ce texte ouvre les portes de la réflexion philosophique en définissant les contours de notions importantes : la vérité, l’erreur, l’opinion, le préjugé. Au travers du prisme de la philosophie française : Descartes, Bergson, Bachelard, il s’agira de percevoir l’idéal du savoir scientifique.

 

« Commentaire de texte Alain. «Quiconque pense commence toujours par se tromper.

L'esprit juste se trompe d'abord tout autant qu'un autre ; son travail propre est de revenir, de ne point s'obstiner, de corriger selon l'objet la première esquisse.

Mais il faut une première esquisse ; il faut un contour fermé.

L'abstrait est défini par là.

Toutes nos erreurs sont des jugements téméraires, et toutes nos vérités, sans exception, sont des erreurs redressées.

On comprend que le liseur ne regarde pas à une lettre, et que, par un fort préjugé, il croit toujours l'avoir lue, même quand il n'a pas pu la lire ; et, si elle manque, il n'a pas pu la lire.

Descartes disait bien que c'est notre amour de la vérité qui nous trompe principalement, par cette précipitation, par cet élan, par ce mépris des détails, qui est la grandeur même.

Cette vue est elle-même généreuse ; elle va à pardonner l'erreur ; et il est vrai qu'à considérer les choses humainement, toute erreur est belle.

Selon mon opinion, un sot n'est point tant un homme qui se trompe qu'un homme qui répète des vérités, sans s'être trompé d'abord comme ont fait ceux qui les ont trouvées.

» Alain. Alain, dans ces textes, comme dans d'autres, ramène le bon sens à la philosophie, et explique avec des mots simples ce que signifient la vérité et l'erreur.

Pour lui la vérité n'est qu'une erreur rectifiée ; que la rectification elle-même apporte plus de vérité, que la vérité n'est en rien quelque chose d'intangible, d'inchangée en décrivant finalement le cheminement normal d'un esprit qui désire trouver la vérité. Quelle est la place de l'erreur dans la recherche de la vérité ? Aussi, ce texte ouvre les portes de la réflexion philosophique en définissant les contours de notions importantes : la vérité, l'erreur, l'opinion, le préjugé.

Au travers du prisme de la philosophie française : Descartes, Bergson, Bachelard, il s'agira de percevoir l'idéal du savoir scientifique. «Quiconque pense commence toujours par se tromper.

L'esprit juste se trompe d'abord tout autant qu'un autre ; son travail propre est de revenir, de ne point s'obstiner, de corriger selon l'objet la première esquisse.

» La mention de Descartes dans la suite du texte n'est pas anodine, et à la lumière de cette phrase, on comprend qu'Alain conçoit la vérité comme un cheminement, comme un travail, comme le résultat d'un travail et non comme une évidence.

N'oublions pas que pour Descartes, chercher la vérité c'est d'abord éviter l'erreur.

La méthode cartésienne peut être considérée sous deux aspects.

Sous son aspect critique, elle est le fruit d'un effort de la volonté grâce auquel, résistant à notre penchant à juger vite, nous refusons notre assentiment à tout ce qui n'est pas clair et distinct.

Est claire l'idée qui est immédiatement présente à l'esprit, qui se manifeste à lui au sein d'une intuition directe.

Est distincte l'idée dont le contenu nous apparaît de façon assez nette pour que nous puissions séparer aisément ce qui lui appartient et ce qui ne lui appartient pas, autrement dit pour que nous puissions séparer l'idée elle-même de toutes les autres.

Sources d'erreur, la prévention (c'est-à-dire l'ensemble de nos préjugés) et la précipitation nous amènent à juger sans avoir d'idées claires et distinctes.

Le propre de la méthode est au contraire de ne juger que lorsque notre volonté sera sollicitée par de telles idées.

D'où la première règle formulée dans le Discours : « ne recevoir jamais aucune chose pour vraie, que je ne la connusse évidemment être telle : c'est-à-dire [...] éviter soigneusement la précipitation et la prévention, et [...] ne comprendre rien d e plus e n m e s jugements que ce qui se présenterait si clairement et si distinctement à mon esprit, que je n'eusse aucune occasion de le mettre en doute.

» Aussi, la suite du texte confirme ces idées cartésiennes.

« Toutes nos erreurs sont des jugements téméraires, et toutes nos vérités, sans exception, sont des erreurs redressées.

» Le chemin qui mène à la vérité consiste à réprimer ce penchant premier de l'esprit à juger rapidement, en s o m m e à pré-juger, à juger à l'avance d e manière précipité sans avoir examiner les tenants et les aboutissants d'un problème.

Descartes, donne non pas seulement des règles pour éviter l'erreur mais pour chercher la vérité.

« Quel que soit le problème, nous examinerons d'abord son énoncé pour dénombrer ses différentes données, pour séparer le connu de l'inconnu.

Nous désignerons chaque quantité par un caractère invariable.

Nous mettrons les termes en ordre, en nous efforçant de découvrir la raison de leur série, c'est-à-dire le rapport constant de chaque terme avec celui qui le suit.

Nous les disposerons de telle sorte qu'en connaissant le premier terme d e la série nous puissions reconstituer la série tout entière.

Nous ramènerons graduellement les propositions compliquées et obscures aux plus simples, et tenterons ensuite, en partant de l'intuition des plus simples, de nous élever, par degrés, à la connaissance de toutes les autres.

» Voir les Règles pour la direction de l'esprit. O n comprend pourquoi, ne pas faire l'effort d e dénombrer exactement ce qui a été perçu ou non, on risque par la précipitation, de commettre des erreurs.

« On comprend que le liseur ne regarde pas à une lettre, et que, par un fort préjugé, il croit toujours l'avoir lue, même quand il n'a pas pu la lire ; et, si elle manque, il n'a pas pu la lire.

Descartes disait bien que c'est notre amour de la vérité qui nous trompe principalement, par cette précipitation, par cet élan, par ce mépris des détails, qui est la grandeur même.

» La démarche cartésienne vise justement à ne pas ignorer les détails, à ne rien omettre, et à ne rien faire dans la précipitation.

Dans le Discours, ces préceptes multiples seront ramenés à trois : « diviser chacune des difficultés que j'examinerais en autant de parcelles qu'il se pourrait, et qu'il serait requis pour les mieux résoudre » ; « conduire par ordre mes pensées, en commençant par les objets les plus simples et les plus aisés à connaître, pour remonter peu à peu, comme par degrés, jusques à la connaissance des plus composés [...] » ; « faire partout des dénombrements si entiers, et des revues si générales, que je fusse assuré d e ne rien omettre ».

Telles sont les règles dites de l'analyse, de la synthèse, et du dénombrement. « Cette vue est elle-même généreuse ; elle va à pardonner l'erreur ; et il est vrai qu'à considérer les choses humainement, toute erreur est belle.

Selon mon opinion, un sot n'est point tant un homme qui se trompe qu'un homme qui répète des vérités, sans s'être trompé d'abord comme ont fait ceux qui les ont trouvées.

» Aussi, c'est une véritable philosophie de la connaissance quasi scientifique qu'offre Alain, qui n'est pas sans rappeler celle de Bachelard, et la Formation de l'esprit scientifique, qui considère la science comme un obstacle surmonté, comme une erreur surmontée.

Face au réel, ce qu'on croit savoir clairement offusque ce qu'on devrait savoir.

« Quand il se présente à la culture scientifique, l'esprit n'est jamais jeune.

Il est même très vieux, car il a l'âge de ses préjugés.

Accéder à la science, c'est, spirituellement, rajeunir, c'est accepter une mutation brusque qui doit contredire un passé.

» Et : « Un obstacle épistémologique s'incruste sur la connaissance non questionnée.

Des habitudes intellectuelles qui furent utiles et saines peuvent, à la longue, entraver la recherche.

« Notre esprit, dit justement M.

Bergson a une irrésistible tendance à considérer comme plus claire l'idée qui lui sert le plus souvent.

» L'idée gagne ainsi une clarté intrinsèque abusive.

A l'usage, les idées se valorisent indûment.

Une valeur en soi s'oppose à la circulation des valeurs, C'est un facteur d'inertie pour l'esprit.

» Cette opinion est formé par l'habitude, l'éducation, elle est renforcée par la facilité. Or la science n'a rien de facile et d'immédiat car elle est construite, rien ne nous ait donné dans une première expérience.

La pensée scientifique est une difficulté vaincue, un obstacle surmontée.

Le raisonnement scientifique, comme le raisonnement ordinaire, se doit de passer par un travail de l'élimination de l'erreur, la surmonter pour enfin construire une vérité. Conclusion. Au travers ce texte de philosophie de tradition française, on perçoit les influences antérieures et postérieures de la philosophie d'Alain simple en apparence mais subtile et discrète dans ses références, qu'il faut reconstruire entre les lignes pour saisir l'importance du positionnement qu'il prend sur la vérité.

La vérité n'est pas l'évidence, il n'est pas ce qui va de soi aux premiers abords, elle est construite par le raisonnement, élaborée par la réflexion, c'est une erreur rectifiée.

Un esprit qui est dans la vérité est un esprit qui doute et qui se remet en question, qui ne prend rien pour acquis.

Cet état d'esprit est celui de l'esprit scientifique.

Esprit qui a vu sa promotion à l'époque d'Alain durant la III e république, idéal de scientificité, de laïcité, de progrès, d'ordre d'origine cartésienne, et finalement très française et républicaine.. »

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