Aimer est-ce se soumettre a soi-même ou a autrui ?
Extrait du document
«
Aimer c'est éprouver un sentiment fort pour un autre que moi, il implique le désir de l'autre, le besoin d'être avec la
personne afin de ne plus être deux personnes mais une seule et unique personne.
Pour Hegel : « l'amour signifie
d'une façon générale la conscience de mon unité avec un autre ; si bien que je ne suis pas isolé pour moi, mais
que je conquiers ma conscience seulement en tant que renoncement à mon être pour soi en tant que savoir de
mon unité avec un autre et de l'autre avec moi ».
Aimer suppose un état de dépendance puisque sans l'autre mon
bonheur n'est pas complet et un manque s'installe.
On peut alors parler de soumission, puisque l'existence de l'autre
d'éprouver un sentiment d'existence : l'existence d'autrui est constitutive à ma propre existence.
D'un côté, aimer
c'est se donner à autrui mais c'est aussi apprendre à lutter avec cette passion déterminante de mon être afin de ne
pas annihiler ma liberté et mon rapport avec l'altérité.
On alors se demander si aimer n'est pas un don de soi pour
l'autre en niant notre propre existence ou si au contraire, aimer est une forme de soumission à soi.
En d'autres
termes, aimer est ce se soumettre à soi-même ou à autrui ?
I : Aimer ou l'expérience de la soumission à soi-même :
Tomber amoureux ne suppose pas de règles, cet état peut surgir à la suite de ce qu'on appelle « un coup de foudre
», un amour qui s'installe petit à petit en apprenant à connaître l'autre, la dérivation d'une amitié…Mais, aimer
engendre le désir.
Et, le désir c'est l'envie de l'autre.
C'est vouloir être avec l'autre.
Mais lorsqu'on est amoureux on
chercher à assouvir son propre besoin avant tout et on trouve cet assouvissement par l'autre.
Aimer n'est pas une
contrainte, mais on peut tomber dans un état de dépendance sentimentale qui peut être au détriment de soi.
Car,
lorsqu'on aime on pense à l'autre mais pense-t-on encore à soi ? Par les serments de fidélité, on cherche à garder
l'autre sous prétexte d'une liberté mais on efface sa propre liberté, on devient enchaîné à l'autre.
Pour Tolstoï, « le
véritable amour a toujours pour base le renoncement au bien individuel ».
Aimer est-ce donc renoncer à soi ? Si en
trouvant l'être aimé on trouve la réponse à notre besoin c'est dans un souci de combler un manque ; on pense donc
d'abord à soi.
Mais en présence de l'être aimé on doit apprendre à doser cet amour : on s'astreint des obligations
face à l'autre.
Car l'amour n'est pas un acte solitaire, même si c'est ma personne qui vit cette expérience elle
suppose l'autre.
Bien que je soi le seul à pouvoir canaliser cette dépendance affective qui me tient, je suis
dépendant d'autrui car sans lui mon amour n'est plus et mon bonheur s'effondre.
II : aimer c'est se soumettre à autrui :
Comme nous l'avons dit, l'amour est une attirance, une inclination vers une personne.
Cet amour est vécu
pleinement lorsqu'il est réciproque.
Sans cette réciprocité l'être est en état de souffrance comme le serait l'affamé
devant un plat exquis qu'il ne peut toucher.
Cette base qui peut paraître futile à rappeler est pourtant nécessaire et
atteste déjà une dépendance du sentiment de l'autre.
Nos actes, nos faits sont donc orientés vers l'autre afin de
susciter son amour : nous cherchons à aimer ce que la personne aimée aime, nous cherchons à la comprendre…Nous
ne pensons plus en terme d'unicité mais de couple.
Car si désirer relève du besoin, il n'est pas du même ordre que
celui de dormir.
En effet, je peux très bien décider de dormir selon ma propre volonté.
Or, je ne vais pas choisir
d'aimer ou d'être aimer par rapport à moi seul.
Il y a une projection vers l'autre : c'est l'autre qui va accepter ou non
de combler notre besoin.
De plus, si l'amoureux ne vit plus son existence avec le seul souci de lui-même, il doit faire
des concessions pour apprendre à être avec l'autre.
Ces concessions sont acceptées par le fait même qu'il y a
l'amour entre les êtres.
III : Aimer c'est à la fois être soumis à soi même et à autrui :
Dans son livre « Belle du Seigneur », Albert Cohen décrit l'amour par la voix d'Héphaïstos en posant à l'homme la
question suivante : « Hommes, que voulez-vous l'un de l'autre ?(…) Votre désir n'est-il pas de vous identifier l'un à
l'autre autant qu'il est possible, de manière à ne vous quitter ni la nuit ni le jour ? Si tel est votre désir je veux bien
vous fondre ensemble et vous souder l'un à l'autre au souffle de ma forge, en sorte que de deux vous ne fassiez
qu'un seul et que toute votre vie vous viviez tous deux comme si vous n'étiez qu'un, et qu'après la mort, là-bas
chez Hadès, vous ne soyez pas deux, mais un seul, dans une mort commune ».
Cette citation montre bien qu'aimer
est un acte qui se fait dans l'acceptation.
Acceptation de la passion qui envahit l'homme et qui pousse à aller vers
l'autre et à l'envisager comme étant complémentaire à soi.
Pour atteindre cette complémentarité, il faut
effectivement passer par des concessions de part et d'autre.
Il faut donc à la fois apprendre à connaître son besoin
de l'autre et apprendre à reconnaître l'autre comme étant une partie de soi.
L'autre n'est pas un objet et lui aussi
doit comprendre cette dépendance qui le lie soudainement à soi.
Aimer c'est donc vivre le sentiment d'affection
pleinement par rapport à l'autre et apprendre à ne pas mettre de côté sa propre liberté.
Car ne faire qu'un certes,
mais ne pas oublier sa partie qui est propre à chacun.
Conclusion :
Le thème de l'amour a donné lieu à de nombreux mythes, à de nombreuses histoires toutes les plus romantiques les
unes que les autres.
Parmi ces mythes, nous pouvons retenir celui d'Aristophane, pour qui les hommes auraient été
divisé en deux, châtiment de Zeus pour punir les hommes d'avoir tenté d'escalader le ciel.
Depuis ce jour, chaque
moitié essaie de retrouver son autre moitié.
Aimer c'est se trouver à travers l'autre, c'est exister par l'autre, pour
l'autre et à travers l'autre.
Mais, il ne faut pas que cette soumission à l'autre dépasse les limites de la liberté
personnelle.
Car même si on garde l'image du mythe d'Aristophane, chaque moitié avant d'être avec l'autre était,
existait pleinement.
Etre avec autrui ne doit pas déteindre sur ma liberté, au contraire cette expérience doit être
considérée comme une extension de liberté sur le monde ; car grâce à l'autre, soi ne fait plus qu'un et gagne en.
»
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