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Aie le courage de te servir de ton propre entendement

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« [1] "Les Lumières sont la sortie de l'homme de la minorité où il est par sa propre faute.

La minorité est l'incapacité de se servir de son entendement sans la direction d'autrui.

Cette minorité, nous la devons à notre propre faute lorsqu'elle n'a pas pour cause un manque d'entendement, mais un manque de décision et de courage pour se servir de son entendement sans la direction d'autrui.

Sapere aude! Aie le courage de te servir de ton propre entendement ! Telle est donc la devise des Lumières." DÉFINITION DES LUMIÈRES Kant définit les "Lumières" comme un processus par lequel l'homme, progressivement, s'arrache de la "minorité".

L'état de "minorité" est un état de dépendance, d'hétéronomie (1).

Dans un tel état l'homme n'obéit point à la loi qu'il s'est lui-même prescrite mais au contraire vit sous la tutelle d'autrui.

Altérité aliénante empêchant l'individu de se servir de son propre entendement.

Autrement dit, le principe d'action subjectif de l'individu n'est plus sa propriété, son oeuvre propre mais l'oeuvre d'un autre.

Que l'on songe ici aux implications politiques d'un tel renoncement à la pensée et à l'action.

Tous les despotismes n'ont-ils pas pour soubassement l'abdication des sujets soumis? Et à Kant d'imputer la "faute" (morale) et non l'erreur (épistémologique) que constitue l'état de minorité non point aux oppresseurs (de quelque nature fussent-ils) mais à ceux qui consentent à leur autorité, à ceux qui par lâcheté, par "manque de décision et de courage" laissent leur entendement sous la direction de maîtres, de tuteurs.

Ici, Kant rejoint Rousseau et sa scandaleuse affirmation au chapitre 2 du "Contrat social": "Aristote avait raison, mais il prenait l'effet pour la cause.

Tout homme né dans l'esclavage naît pour l'esclavage, rien n'est plus certain.

Les esclaves perdent tout dans leurs fers, jusqu'au désir d'en sortir; ils aiment leur servitude comme les compagnons d'Ulysse aimaient leur abrutissement.

S'il y a donc des esclaves par nature, c'est parce qu'il y a eu des esclaves contre nature.

La force a fait les premiers esclaves, leur lâcheté les a perpétués." Mais ne nous y trompons point, il ne s'agit , ni pour Rousseau, ni pour Kant, de légitimer le fait de l' "esclavage" ou de la "minorité", mais, de reveiller les consciences de leur somnambulisme du renoncement, de leur léthargie de l'acceptation de l'inacceptable. On l'aura compris la maxime (2) des Lumières est de susciter cette reprise en mains de soi par soi, et ce, en accomplissant cet acte de courage de penser par soi-même en toutes les circonstances de l'existence: "Sapere aude !", "Ose te servir de ton entendement ! ". En effet, qu'est-ce que l'entendement sinon cette faculté de connaissance, capable de juger le vrai du faux, le bien du mal et de se positionner par rapport à eux.

L'entendement, capable d'activité, de délibération fonde au plus haut point notre humanité et indissociablement notre dignité (3): " Or je dis : l'homme, et en général tout être raisonnable, existe comme fin en soi, et non pas simplement comme moyen dont telle ou telle volonté puisse user à son gré ; dans toutes ces actions, aussi bien dans celles qui le concernent lui-même que dans celles qui concernent d'autres êtres raisonnables, il doit toujours être considéré en même temps comme un fin.

Tous les objets des inclinations n'ont qu'une valeur conditionnelle ; car, si les inclinations et les besoins qui en dérivent n'existaient pas, leur objet serait sans valeur.

Mais les inclinations mêmes, comme sources du besoin, ont si peu une valeur absolue qui leur donne le droit d'être désirées pour elles-mêmes, que, bien plutôt, en être pleinement affranchi doit être le souhait universel de tout être raisonnable.

Ainsi la valeur de tous les objets à acquérir par notre action est toujours conditionnelle.

Les êtres dont l'existence dépend, à vrai dire, non pas de notre volonté, mais de la nature, n'ont cependant, quand ce sont des êtres dépourvus de raison, qu'une valeur relative, celle de moyens, et voilà pourquoi on les nomme des choses ; au contraire, les êtres raisonnables sont appelés des personnes, parce que leur nature les désigne déjà comme des fins en soi, c'est-à-dire comme quelque chose qui ne peut pas être employé simplement comme moyen, quelque chose qui par suite limite d'autant toute faculté d'agir comme bon nous semble (et qui est un objet de respect) ".

(" Fondements de la métaphysique des moeurs "). En sommant l'homme de sortir des nimbes d'un sommeil que l'on pourrait qualifier de dogmatique, les "Lumières" affirme le primat de la détermination pratique (5) sur le savoir théorique (5) .

Passage de la contemplation à la responsabilisation. (1) Hétéronomie: Condition d'un individu ou d'un groupe obéissant à une loi reçue de l'extérieur.

Kant nomme principes hétéronomiques de la moralité les déterminations de la volonté faisant appel à d'autres ressorts que la seule idée de loi en général: éducation, constitution civile, sentiment (physique ou moral), idée de perfection ou volonté de Dieu - tous ayant en commun de situer l'existence morale soit trop bas (épicurisme), soit trop haut (morales théologiques), mais jamais au niveau requis. (2) Principe: au sens normatif, règle ou norme d'action. (3) Dignité: En morale, caractère de la personne humaine ayant une valeur telle qu'elle doit toujours être traitée comme une fin et jamais simplement comme un moyen.

Alors que les choses n'ont qu'une valeur relative, autrement dit un prix, les personnes, qui sont supérieures à tout prix, "ont une valeur intrinsèque, cad une dignité" (Kant). (4) Pratique: est pratique tout ce qui est possible du fait de la liberté Les principes pratiques sont des propositions renfermant une détermination générale de la volonté: ils sont considérés par un sujet comme valant seulement pour sa volonté; ils sont objectifs et sont des lois pratiques, lorsqu'ils sont valables pour la volonté de tout être raisonnable.

La connaissance pratique est la connaissance par laquelle je me représente ce qui doit exister. (5) Théorique: La connaissance théorique est la connaissance non pas de ce qui doit être, mais de ce qui existe.

L'usage théorique de la raison est celui par lequel je connais a priori, nécessairement et universellement que quelque chose est.. »

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