A quoi servent les preuves ?
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Introduction
« Prouve-moi que tu m'aimes ! » Cette demande à la fois classique et absurde nous incite à nous interroger sur le
sens et la portée réelle des preuves.
À quoi servent-elles au juste ? Dans quel contexte, à quelles fins recherchonsnous des preuves ?
Nous tenterons tout d'abord de cerner avec précision le champ de pertinence des preuves en le distinguant des
domaines où les preuves sont superflues ou vaines; puis nous nous interrogerons sur le fonctionnement même des
preuves avant de considérer les limites de leur caractère « probant ».
I.
Que faut-il prouver ?
Pour savoir à quoi servent les preuves, il faut d'abord savoir dans quelles circonstances on cherche à les établir :
tout n'a pas à être prouvé, il est des domaines où les preuves ne servent à rien.
• Preuve et intuition
Étrangement, la démonstration parfaite est celle qui ne cherche pas à tout définir, ni à tout démontrer.
Or, certains
principes sont vrais sans que l'on puisse les démontrer et ce serait une erreur de raisonnement que de chercher à le
faire.
Nous savons que le tout est plus grand que la partie, ou que toute chose est égale à elle-même, sans que
nous ressentions le besoin de le démontrer.
Ce qui nous assure de la vérité de ces principes, c'est leur clarté.
Ils
sont immédiatement clairs, c'est-à-dire évidents.
Et la faculté en nous qui nous permet de saisir l'évidence des
choses n'est autre que l'intuition.
Si l'intuition est ce qui nous assure de la vérité des principes premiers de notre
démonstration, alors elle est la condition de possibilité de la démonstration elle-même.
C'est le cas par exemple des
idées dont l'évidence est tellement première et intuitive qu'aucune preuve ne pourrait en augmenter la certitude.
C'est le cas du cogito cartésien, seule affirmation absolument première et non dérivable.
Est-ce également le cas
des premiers principes mathématiques? Descartes le croyait, fidèle en cela à Euclide.
Depuis, les travaux portant sur
l'axiomatique ont permis d'affiner beaucoup l'idée d'évidence mathématique.
• Preuve et foi
Le domaine de la foi au sens le plus large, c'est-à-dire de la confiance, échappe également à la preuve.
Croire, c'est
précisément se dispenser de preuve.
La croyance est un assentiment à des affirmations dont la démonstration ou la
preuve est insuffisante.
En revanche, dans la foi, la question de l'insuffisance des preuves ne se pose pas.
Dans le christianisme, la vérité révélée oblige à distinguer entre croyance ordinaire, croyance religieuse et foi.
L'incertitude est balayée par la foi ; dans cette dernière, la confiance est absolue, et ce, sans recours aux
arguments rationnels ou aux preuves.
Si la croyance religieuse est encore habité par le doute, la foi l'évacue.
Aussi peut-on distinguer le « croire que »,
du « croire à » et du « croire en ».
Le « croire que » traduit-trahit une opinion, une conjecture.
Le « croire à »
exprime une implication plus personnelle.
Et enfin, le « croire en » manifeste une conviction, une confiance absolue.
• Le terrain de la rationalité procédurale
Les preuves ne servent donc à quelque chose que dans un contexte bien précis, celui de la rationalité procédurale,
qui procède par démonstration.
C'est le domaine dans lequel nous avons besoin d'une certitude que nous ne
pouvons obtenir par une intuition immédiate.
Tel est le domaine des sciences, mais également celui du droit : toute
enquête vise à établir des faits certains afin de ne pas laisser le crime impuni et de ne pas commettre non plus
d'erreur judiciaire.
II.
Éléments matériels, procédures rationnelles
Une preuve sert donc à établir ou étayer une certitude lorsque celle-ci n'est pas présente immédiatement à l'esprit
ou lorsque la certitude doit être partagée par tous.
On peut alors distinguer deux grands types de preuves.
• Les « pièces à conviction »
Les preuves peuvent être des éléments matériels : on parle d'établir la « matérialité des faits ».
L'actualité récente
nous a donné l'exemple du travail difficile mais essentiel de collecte de preuves visant à confirmer et à affiner des
témoignages parfois partiels ou faussés par la haine.
La preuve sert alors soit à donner du poids au témoignage, soit
à départager des dépositions contradictoires, dans tous les cas à établir les faits.
• Les procédures démonstratives
Les preuves peuvent également être simplement la conclusion d'une procédure rationnelle codifiée avec soin.
Ainsi
en mathématiques, un raisonnement conduit en suivant les règles fixées au départ apporte la preuve de la justesse
de telle ou telle proposition.
La preuve sert alors non pas seulement à affirmer la « vérité » d'un énoncé
mathématique, mais à en démontrer la « validité », à retracer rigoureusement son lien avec l'ensemble du système.
Il convient de définir l'opération de la démonstration.
Celle-ci consiste à tirer nécessairement, c'est-à-dire selon une.
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