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À QUOI SERT LA PHILOSOPHIE ?

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« La question «À quoi sert la philosophie?» est fréquemment celle que pose le débutant ou l'ignorant.

Ce simple fait signale l'originalité de la réflexion philosophique: contrairement aux autres disciplines ou formes du savoir, elle paraît d'abord ne pas avoir d'utilité, être une réflexion sans but ou sans finalité.

En effet, l'utilité de la physique ou de la biologie semble aller de soi tant il est vrai que dans la vie quotidienne nous en utilisons des applications techniques. Mais soulignons que la philosophie est aussi la seule capable de poser cette question à son propos — et, peut-être, d'y répondre. L'étymologie enseigne que la philosophie serait amour (phlien, philia) de la sagesse (sophia) », et Platon et Aristote dit qu'elle est une activité qui, «fille de l'étonnement». C'est l'étonnement qui a poussé les premiers penseurs aux spéculations philosophiques et qui motive toujours la quête de savoir.

L'humanité a commencé à penser lorsqu'elle s'est heurtée aux premières difficultés de la vie ordinaire, et c'est progressivement que sa recherche s'est étendue à des problèmes plus importants, tels que la raison de la course des étoiles dans le ciel, ou celui de l'origine de l'univers.

S'étonner face à un problème, c'est reconnaître sa propre ignorance, et le philosophe qui cherche à dissiper cette ignorance en proposant des réponses qui ne soient ni fables, ni mythes, est en quête d'un savoir et d'une connaissance vraie.

La connaissance philosophique est désintéressée, car elle est visée pour elle-même et non en vue d'une immédiate et concrète utilité.

La philosophie n'a pu apparaître que lorsque toutes les choses qui intéressent les nécessités concrètes de la vie ainsi que le bien-être ont pu trouver satisfaction.

Seule et unique science qui est à elle-même sa propre fin, elle ne se pratique pas en vue d'un autre intérêt que celui qu'elle trouve en elle-même : elle est la seule discipline de l'esprit réellement libre.

Elle nous affranchit avant tout de la dépendance primitive qu'est l'ignorance.

La connaissance scientifique libère de la contrainte naturelle, l'effort de philosopher libère de l'asservissement à un monde qui nous paraît de prime abord étranger et tout puissant.

S'il y a "nécessité" à philosopher, c'est qu'est nécessaire aussi ce sans quoi le bien ne peut ni être ni se produire, ou ce sans quoi on ne peut ni rejeter, ni éviter le mal". Du même point de vue général, on soulignera sa portée critique: méfiante à l'égard de l'opinion (doxa), elle oppose à ce qui est (plus ou moins fondé) ce qui doit ou devrait être.

En effet, de Platon à Bachelard, les philosophes n'ont cessé de lutter contre l'opinion.

Platon, dans La République, distingue les différents niveaux de connaissance.

Tout en bas de l'échelle, il y a les simples impressions sensibles.

Ensuite viennent les opinions établies.

Puis la pensée déductive, qui procède par déduction logique.

Enfin, la pensée intuitive, qui permet de contempler directement la vérité.

Par opinion (doxa), il faut entendre les idées communes, les préjugés, tous les avis qui se fondent sur les apparences.

L'opinion ne pense pas ce qu'elle pense.

Ainsi, l'opinion publique d'Athènes a condamné Socrate à mort parce qu'elle le considérait comme un impie, un rebelle et un corrupteur de la jeunesse, alors que c'était le plus sage et le plus intelligent des hommes.

L'opinion est incapable de voir la vérité parce qu'elle est bête.

En épistémologie, Bachelard dira que: "L'opinion a, en droit, toujours tort." Bachelard, La Formation de l'esprit scientifique, 1938. La science n'a rien de commun avec l'opinion, l'accord entre la science et l'opinion ne peut porter que sur une question de détail car la science construit une vision du monde totalement fondée sur des principes rationnels. L'opinion est surgissement spontané d'idée ; elle n'est pas le résultat d'un processus conscient de réflexion.

C'est la conscience spontanée qui a des opinions, seule la conscience réfléchie peut passer de l'opinion à la connaissance. D'un tel point de vue global, on affirmerait donc que la philosophie sert à comprendre autrement, ou mieux, ce qui paraît aller de soi pour le non philosophe.

Qu'elle vise la sagesse sans être jamais certaine de l'atteindre.

Le philosophe est un ami de la sagesse et ne prétend pas la posséder comme un dogmatique est certain de posséder la vérité.

Qu'elle encourage à la lucidité, à la prise de conscience la plus développée.

Que même elle peut proposer — que l'on pense à Kant — une conception particulièrement rigoureuse de la moralité, et ainsi «servir à» mieux se conduire.

Car, telle est l'utilité de la philosophie, celle de se conduire moralement pour accéder au bonheur.

Que l'on songe ici aussi aux grandes sagesse antiques que sont les stoïcisme et l'épicurisme. On constate ainsi que son utilité est d'un ordre très différent de celle que l'on peut rencontrer dans les autres domaines intellectuels: il s'agirait d'une utilité sans rapport avec l'intérêt pratique où économique, purement intellectuelle — mais s'accompagnant éventuellement d'un sentiment de satisfaction : philosopher servirait ainsi à mieux vivre sa vie, et à trouver des règles morales susceptibles de rendre la vie des hommes meilleure.

Descartes dira: "C'est proprement avoir les yeux fermés, sans tâcher jamais de les ouvrir, que de vivre sans philosopher; et le plaisir de voir toutes les choses que notre vue découvre n'est point comparable à la satisfaction que donne la connaissance de celles qu'on trouve par la philosophie; et enfin, cette étude est plus nécessaire pour régler nos moeurs et nous conduire en cette vie, que n'est l'usage de nos yeux pour guider nos pas.

Les bêtes brutes, qui n'ont que leur corps à conserver, s'occupent continuellement à chercher de quoi le nourrir; mais les hommes, dont la principale partie est l'esprit, devraient employer leurs principaux soins à la recherche de la sagesse, qui en est la vraie nourriture; et je m'assure aussi qu'il y en a plusieurs qui n'y manqueraient pas, s'ils avaient espérance d'y réussir, et qu'ils sussent combien ils en sont capables.

Il n'y a point d'âme tant soit peu noble qui demeure si fort attachée aux objets des sens qu'elle ne s'en détourne quelquefois pour souhaiter quelque autre plus grand bien, bien qu'elle ignore souvent en quoi il consiste...

" Ce faisant, on considère toutefois la philosophie indépendamment de son histoire — comme si elle demeurait indéfiniment semblable à elle-même.

Rien n'est moins sûr. C'est sans doute dans sa version hégélienne que le système philosophique trouve sa réalisation la plus aboutie: l'ambition de comprendre s'y affirme aux dimensions de l'histoire entière de l'humanité et de l'Esprit.

Philosopher y a. »

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