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Rousseau, la perfectibilité

Publié le 08/11/2023

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« Explication de texte : Rousseau, Second Discours, première partie, sur la « perfectibilité » Mais quand les difficultés qui environnent toutes ces questions laisseraient quelque lieu de disputer sur cette différence de l'homme et de l'animal, il y a une autre qualité très spécifique qui les distingue, et sur laquelle il ne peut y avoir de contestation, c'est la faculté de se perfectionner, faculté, qui, à l'aide des circonstances, développe successivement toutes les autres, et réside parmi nous, tant dans l'espèce que dans l'individu ; au lieu qu'un animal est au bout de quelques mois ce qu'il sera toute sa vie, et son espèce au bout de mille ans ce qu'elle était la première année de ces mille ans.

Pourquoi l'homme seul est il sujet à devenir imbécile? N'est ce pas qu'il retourne ainsi dans son état primitif, et que, tandis que la bête, qui n'a rien acquis et qui n'a rien non plus à perdre, reste toujours avec son instinct, l'homme, reperdant par la vieillesse ou d'autres accidents tout ce que sa perfectibilité lui avait fait acquérir, retombe ainsi plus bas que la bête même? Il serait triste pour nous d'être forcés de convenir que cette faculté distinctive et presque illimitée est la source de tous les malheurs de l'homme ; que c'est elle qui le tire à force de temps de cette condition originaire dans laquelle il coulait des jours tranquilles et innocents ; que c'est elle qui, faisant éclore avec les siècles ses lumières et ses erreurs, ses vices et ses vertus, le rend à la longue tyran de lui même et de la nature. Rousseau, Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes Thème et thèse Rousseau soutient, dans cet extrait du Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes, que seule la perfectibilité, faculté conformément à laquelle l'homme est capable de changer indéfiniment, permet d'établir un critère certain de la différence anthropologique.

Mais, souligne-t-il, les produits de cette faculté par laquelle la nature en l'homme se dépasse en direction de la raison cultivée, s'élevant ainsi bien au-dessus du règne animal, n'en sont pas moins affectés d'une essentielle ambiguïté. Problématisation La raison est-elle la faculté par laquelle l'homme se distingue de l'animal, ou suppose-t-elle une faculté à la fois plus originaire et plus propre à marquer l'humanité en sa spécificité ? Plan Le premier moment du texte est consacré à la présentation du concept de perfectibilité.

Le second moment en tire les conséquences. Plan du commentaire I- La perfectibilité comme propre de l'homme 1) La question de la différence anthropologique 2) La perfectibilité 3) Historicité de l'homme II- Conséquences de la perfectibilité : la fragilité de l'humanité 1) Précarité et régressivité 2) L'infini comme horizon 3) Le paradoxe de la perfectibilité Conclusion : la perfectibilité comme figure rousseauiste de la liberté I – La perfectibilité comme propre de l'homme 1) Le problème du propre de l'homme « quand les difficultés etc.

[…] sur laquelle il ne saurait y avoir de contestation»: Rousseau présente la thèse qu'il s'apprête à défendre comme une variation philosophique sur le thème traditionnel de la différence spécifique de l'homme et de l'animal.

Or il nie que la raison, comprise comme tendance à combiner les idées (c'est-à-dire en réalité les « représentations » mentales) entre elles, soit la propriété exclusive de l'homme.

Il n' y a en effet, selon lui, entre la raison humaine et la raison des bêtes qu'une différence de degré.

Quant à la liberté, quoiqu'elle constitue assurément pour Rousseau le critère décisif, s'il est vrai que "la nature commande tout à l'animal, et [que] la bête obéit; [...] [que] la nature seule fait tout dans les opérations de la bête, au lieu que l’homme concourt aux siennes en qualité d’agent libre", son inscription au cœur de la conscience, en elle même caractéristique de la Modernité, a échoué à en manifester l'évidence.

Le problème philosophique du texte s'inscrit ainsi au point d'échec, en même temps qu'en dépassement, de cet abord cartésien de la liberté : la thèse de Rousseau en constitue à bien des égards la relève.

Il s'agit bien, en effet, pour l'auteur du Second Discours, de rendre à l'intelligence de la liberté l'évidence (videre = voir) que l'analyse cartésienne du cogito avait involontairement contribué à estomper.

Il s'agira donc de dégager, pour la liberté, le sol d'évidence naturelle depuis lequel celle-ci sera susceptible d'apparaître dans son être comme liberté.

Sur quel terrain cependant la pensée doit-elle s'installer pour restituer à la liberté son évidence, et ce faisant, fournir à la connaissance de l'homme son principe d'intelligibilité en même temps que son fondement ontologiquement indubitable ? 2) La perfectibilité "c'est la faculté de se perfectionner, faculté qui [...] développe successivement toutes les autres " En ce début de texte, le mot « perfectibilité » ne figure pas encore.

Pourtant le concept est bien là, sous la forme canonique de la définition, preuve qu'un concept ne saurait se réduire au mot qui l'exprime.

Qu'est-ce cependant que la perfectibilité ? C'est une faculté.

La perfectibilité n'est pas ni un désir, ni une volonté de perfectionnement.

Le suffixe «bilité » se dit de ce qui susceptible de, autrement dit de ce qui a en soi la possibilité/la puissance de.

La conséquenceà en tirer est que la perfectibilité est une disposition, une virtualité inhérente à la réalité humaine. La perfectibilité comme faculté peut-elle cependant être pensée sur le modèle des facultés en général, comme l'imagination ou la raison ? Deux raisons s'y opposent : La perfectibilité comme condition de possibilité de toutes les facultés Elle possède un statut particulier par rapport aux autres facultés (raison/volonté etc.) : elle est leur condition de possibilité.

Elle revêt, en ce sens, une dimension transcendantale (le transcendantal est depuis Kant l'ordre des conditions de possibilité de la connaissance et de l'expérience). La perfectibilité comme indétermination Ce statut particulier se révèle dans le fait qu'elle n'est pas, contrairement aux autres facultés humaines, orientée, ni déterminée.

En effet, la perfectibilité est la faculté de toutes les facultés mais d'aucune faculté en particulier.

On dira d'elle, en ce sens qu'elle n'est autre que la possibilité pure pour l'homme d'avoir à être ce qu'il est, ce qui signifie que cet être de l'homme doit demeurer, en soi, indéterminé, puisqu'il se réduit alors à la série ouverte et infinie de ses transformations et de ses transfigurations (=l'homme n'est rien d'autre que ce qu'il devient mais on ne peut pas dire ce qu'il est a priori).

Ainsi tout se passe ici comme si cette extension infinie n'était que l'autre face d'un vide essentiel avec lequel Rousseau faisait coïncider la réalité humaine sinon dans sa nature, du moins dans sa spécificité : la perfectibilité manifeste, de manière sensible et profuse, l'indétermination originaire de l'homme . Comment cependant la vacuité par laquelle l'homme échappe au pouvoir déterminant de la nature peut-elle s'actualiser comme richesse et profusion? La dialectique du vide et du plein La perfectibilité est ce qu'elle est, c'est à dire condition de développement infini de toutes les facultés mais d'aucune en particulier, parce qu'elle se substitue en l'homme à la naturalité.

Avec elle l'homme s'affranchit, en effet, de ses déterminations naturelles, et ne les retrouve en lui que comme les produits de sa liberté, et non sous l'espèce d'une nature irréductible qui le précéderait et le déterminerait toujours déjà.

Autrement dit c'est parce qu'elle n'est aucune faculté particulière qu'elle est cette puissance de tout devenir.

En un mot, c'est en mettant en échec le pouvoir déterminant de l'instinct, et donc de la nature, que l'homme peut, grâce à la perfectibilité, repousser indéfiniment les bornes de sa nature immédiate.

C'est parce que l'homme n'est rien qu'il peut tout devenir. Le caractère paradoxal de la perfectibilité consiste alors dans ce qu'elle est ce qui de la nature dépasse la nature vers son autre, en orchestrant ainsi la sortie de l'homme hors de la nature. 3) Historicité de l'homme "Qui, à l'aide des circonstances" : On notera que la logique qui préside à l'émergence et au développement d'une faculté demeure fondamentalement contingente chez Rousseau : les facultés auraient pu très bien ne pas se développer. L'homme ne développe ses facultés que sous la pression du besoin et de la nécessité.

Autrement dit, quand il n'a plus la possibilité de faire autrement.

L'homme n'a pas de conscience thématique des fins (au sens de but) dans l'état de nature, et par suite, il n'a pas non plus possibilité de les viser comme fin morales.

Ainsi Rousseau écrit-il : "Ce fut par une providence très sage que les facultés qu’il avait en puissance ne devaient se développer qu’avec les occasions de les exercer, afin qu’elles ne lui fussent ni superflues et à charge avant le temps, ni tardives et inutiles au besoin.

Il avait dans le seul instinct tout ce qu’il fallait pour vivre dans l’état de nature ; il n’a dans une raison cultivée que ce qu’il lui faut pour vivre en société.".

La perfectibilité n'est pas un perfectionnisme, c’est-à-dire le souci qu'à.... »

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