Aide en Philo

Prologue Juste la fin du monde

Publié le 12/02/2024

Extrait du document

« Juste la fin du monde / Prologue Etude linéaire 1 Situation de l’extrait, problématique et mouvements du texte : voir prise de notes. L’étude linéaire proprement dite est à compléter avec vos notes personnelles I. [ De «Plus tard» à «l’année d’après» ( l.1 à précédant son retour 20) ] : l’état d’esprit de Louis 1.

Ce prologue, fidèle à la tradition de la tragédie grecque qui veut qu’un personnage expose directement au public la situation et les enjeux de l’intrigue, frappe d’emblée le spectateur par une information essentielle : Louis annonce au spectateur sa propre mort dès la deuxième ligne.

Le caractère inévitable de celle-ci est renforcé par la répétition par deux fois du verbe mourir : «j’allais mourir» et «je mourrai» (futur de la certitude).

La jeunesse du personnage (34 ans) suscite la gravité et semble inscrire la pièce dans un registre tragique. 2.

Le premier vers « Plus tard, l’année d’après » semble renvoyer à un « avant » qui reste et restera mystérieux : un événement originel qui initie le processus par lequel Louis se mettra en mouvement et prendra l’initiative de revenir auprès des siens.

L’expression « à mon tour » (l.2) associée au verbe mourir semble faire référence implicitement à un décès (= je mourrai après sa mort). Le père ? En réalité dans Le Pays lointain, pièce écrite plus tard et présentant une version amplifiée et enrichie de Juste la fin du monde, cet événement auquel se réfèrent les premiers mots de la pièce semble être la mort de l’ami, de l’amant de Louis (« l’Amant mort déjà »).

Un décès déterminant marquant une rupture décisive… 3.

D’emblée apparaît un élément original : le spectateur se demande d’où parle le personnage : la mention très précise de l’âge, 34 ans et la certitude de l’affirmation, soulignée par la construction emphatique (« c’est… que… »), «C’est à cet âge que je mourrai» amène le lecteur à s’interroger: Louis est-il déjà mort pour être si sûr de la date de sa mort? Est-ce une voix d’outretombe? Cette hypothèse est confirmée par un réel brouillage temporel : - dans les deux premières lignes, il évoque sa mort grâce au futur dans le passé « j’allais mourir », comme s’il se situait dans une temporalité postérieure à sa propre mort ; - informations qui sont ensuite reprises aux l.3 et 4 , mais au présent d’énonciation (« j’ai près de 34 ans ») et au futur simple ( « et c’est à cet âge que je mourrai ») , comme s’il parlait cette fois à partir du dimanche de la visite mais en ayant la certitude de mourir dans l’année… = Le personnage en scène est-il donc vivant (l.

3 et 4)? mort (l.

1 et 2) ? Sommes-nous avant l’action ? après elle ? On peut émettre l’hypothèse que dans ce prologue Louis parle depuis un autre espace-temps que celui de l’action, comme s’il parlait d’abord après sa mort (l.

1 et 2) , puis au présent de l’action théâtrale ( l.

3 et suivantes), et finalement comme si d’outre-tombe il faisait surgir devant nous, spectateurs, d’abord dans la prologue, le moment où il a décidé de rendre visite à sa famille, puis, dans la suite de la pièce, la visite en elle-même.

= un espace mental, mémoriel, qui recompose cette journée et la fait revivre. Ce brouillage est presque renforcé dès la ligne 5 où revient l’expression « l’année d’après » - qui sera constamment relancée tel un refrain lyrique, rythmant la 1ère partie du prologue… Les premiers mots de la pièce déroutent donc délibérément le spectateur en mettant en place une temporalité incertaine et mouvante à l’intérieur de laquelle plusieurs périodes se superposent… = la suite du texte évoque l’état d’esprit du personnage durant la période intermédiaire entre l’événement originel et la décision de départ.

La répétition lyrique de «l’année d’après» (5 fois) apparaît ainsi comme une formule qui marque le passage du temps mais aussi la pesanteur obsédante de cette durée marquée par une mort récente. 1) Louis a adopté d’abord une attitude passive (l.

6 à 14), caractérisée par l’attente («j’attendais» x 2), l’immobilité, la paralysie soulignées par les expressions négatives («ne rien faire», «ne plus savoir») et même le mensonge (« tricher »), ce que l’épanorthose précise finalement comme la seule attente de la mort, soulignée par l’euphémisme «j’attendais d’en avoir fini» (l.8) L’épanorthose a donc pour rôle de préciser la pensée, en la reformulant : en la corrigeant sans cesse on arrive au plus près de ce que l’on ressent, sans toujours vouloir se l’avouer. Par son manque de courage, par sa tendance à dissimuler, à mentir aux autres et surtout à lui-même, Louis propose une image peu valorisante de lui dans un premier temps, ou en tout cas il offre l’image d’un héros désarmé et en pleine crise personnelle : « ne plus savoir » : il ne sait plus où il en est. Cela est confirmé par sa crainte, évoquée à travers la comparaison filée des l.

10 à 14 : celle d’une bataille, d’un combat face à un adversaire redoutable que l’on n’ose affronter, dont on se cache… Le vocabulaire épique à travers les termes « danger extrême » », « violent », « l’ennemi », « détruirait », se développe associé à celui de la discrétion et de la dissimulation : « à peine », « imperceptiblement », « sans vouloir faire de bruit »..

Louis n’ose bouger de peur d’être vu par un « ennemi » bien plus fort que lui : sans doute la Maladie et la Mort, dont il joue à croire qu’il peut s’en faire oublier s’il ne remue pas.

Son attitude apparaît comme très humaine, à travers sa crainte elle-même. 2) Mais cet état de crise l’a profondément modifié et ce personnage d’abord craintif et comme tétanisé annonce avoir surmonté sa peur et semble se transformer en homme audacieux, en héros peut-être dans les lignes 15 à 22. Passage de l’inertie au courage, de la passivité au mouvement, souligné par l’expression « malgré tout » (= malgré le danger).

Isolées, ces quelques lignes (de 15 à 20 ) se lisent presque comme un ensemble autonome de 6 vers : encadré par « l’année d’après » (15 et 20) qui forme une double anaphore lyrique avec « malgré tout » (16 et 19) et une sorte de construction en miroir, mettant l’accent sur tout ce qu’il doit surmonter pour agir et qui met en relief les deux vers (17 et 18) au centre : - la brièveté frappante de l’expression «la peur» - - et à l’inverse la longueur du v.18 qui traduit l’énergie d’une résolution prise envers et contre tout : «prenant ce risque et sans espoir jamais de survivre» ; il surmonte donc « la peur » pour « prendre un risque ».

Il se comporte donc finalement en héros, qui tente de vaincre ses craintes.

La violence de l’enjeu se manifeste dans le choix du vocabulaire : «peur», «risque», «survivre» ainsi que la double négation «sans espoir jamais».

) = lucidité et courage d’un homme qui regarde sa situation en face, sans aucune illusion sur l’issue finale. II. [ de « je décidai… » à « … faire le voyage, » (l.

21-22) ] : la résolution de Louis La décision de Louis apparaît enfin après un long préambule : « je décidai de retourner les voir » qui est le résumé de l’action de la pièce.

A la lenteur et l’hésitation des 20 lignes précédentes s’oppose ici la rapidité des quatre verbes d’action : «retourner», «revenir», «aller», «faire le voyage».

Des verbes de mouvements dont la signification est à la fois spatiale et temporelle.

Ils évoquent pour Louis autant le retour à la maison familiale que le retour sur son passé comme le soulignent les deux verbes fondés sur le préfixe -re, tandis que les métaphores de la marche (« mes «pas», «mes traces») indiquent un trajet déjà parcouru.

La dernière expression cependant, «faire le voyage», implique davantage un départ vers quelque chose d’inconnu, comme si l’issue même de ce retour restait tout de même incertaine (un « voyage » vers lui-même.... »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles