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Le travail est-il nécessairement contraire à la liberté ?

Publié le 11/03/2024

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« Le travail est-il nécessairement contraire à la liberté ? Introduction [Intérêt du sujet] Tous les hommes, probablement, aspirent à mener une vie libre.

Or, l’un des obstacles majeurs à cette liberté est la nécessité de travailler.

Il serait donc intéressant de se demander si le travail est nécessairement, c’est-à-dire par définition, contraire à la liberté. [Réponse apparemment évidente] À première vue, il est évident que les deux termes sont radicalement opposés.

Le travail, en effet, est une activité qui n’est pas naturelle, qui ne se fait pas toute seule.

Travailler, c’est accomplir un effort de volonté pour réaliser un objectif plus ou moins lointain, qu’on s’imagine à l’avance.

L’objectif, une fois atteint, pourra peut-être nous procurer du plaisir mais le travail en lui-même n’est guère satisfaisant.

C’est une activité pénible, qu’on n’accomplit pas spontanément, mais poussé par une contrainte sociale ou naturelle : on travaille pour gagner son pain, ou pour être intégré à la société.

D’ailleurs, de par son étymologie, le mot « travail » rappelle le « tripalium », qui était un instrument de torture.

Il semble donc que le travail soit radicalement opposé à la liberté.

Celle-ci, en effet, est le pouvoir d’agir en fonction de ses propres buts, et non poussé par une cause extérieure.

Si nous n’agissons pas spontanément, mais poussés par une contrainte naturelle ou sociale, comment pourrions-nous être libres ? [Objection à cette réponse.

Annonce de la 1 e partie] D’un autre côté, comme on le verra dans la première partie de cette réflexion, le fait même que le travail ne soit pas une activité naturelle indique qu’il pourrait être un facteur de liberté.

Au lieu d’être esclave de son instinct, en effet, un travailleur agit consciemment, volontairement, et même intelligemment : en général, il utilise une technique, c’est-à-dire un savoir-faire inventé par des êtres intelligents et transmissible par un enseignement.

Grâce à cette technique, il peut réaliser efficacement ses objectifs, donc être libre, puisque la liberté est le pouvoir de réaliser ses propres buts. [Objection à cette réponse.

Annonce de la 2 e partie] Mais travailler, est-ce vraiment réaliser ses propres buts ? Comme on le verra dans le second temps de cette réflexion, le travail est une activité sociale.

Il semble donc qu’on soit toujours contraint de travailler pour d’autres que soi-même.

Mais alors, comment pourrait-on être libre en travaillant ? [Objection à cette réponse.

Annonce de la 3 e partie] Cependant, la vie sociale est-elle nécessairement contraire à la liberté ? N’est-il pas possible d’envisager des manières d’organiser le travail de manière à ce que celui-ci soit davantage une activité épanouissante qu’une contrainte ? C’est ce que nous tâcherons de voir dans le dernier moment de notre réflexion. I.

Le travail nous libère des contraintes naturelles I.

Le travail nous libère des contraintes naturelles 1.

Il nous permet de surmonter un grand nombre d’obstacles naturels Si l’homme a dû très tôt travailler, c’est sans doute que c’était nécessaire pour sa survie.

Il lui a fallu, notamment, inventer des outils et fabriquer des objets pour chasser, se défendre contre les bêtes sauvages, se protéger du froid, etc.

De ce point de vue, il était défavorisé par rapport à d’autres animaux qui étaient pourvus d’outils ou de protections naturels pour se prémunir contre ces dangers (griffes, dents pointues, fourrures, etc.). Cependant, comme l’explique Aristote, ce désavantage n’était qu’apparent.

Certes, l’homme n’a, pour l’essentiel, qu’un seul outil naturel : la main.

Mais cette main, animée par l’intelligence humaine, est un outil qui permet de fabriquer et d’utiliser un grand nombre d’outils artificiels.

Grâce à ses techniques, l’homme a pu se protéger efficacement contre les menaces extérieures, mais aussi acquérir une liberté dont les autres animaux sont dépourvus.

En effet, il peut changer d’outil en fonction de ses désirs, adapter à chaque fois les moyens dont il dispose aux fins qu’il se propose de réaliser.

Sa main peut tenir un marteau, la bride d’un cheval, une épée, etc.

Les animaux n’ont pas la même souplesse : ils sont obligés de garder en permanence leurs outils naturels (cornes, dents, griffes, etc.) et ont donc des moyens beaucoup plus limités. Le travail – en tant qu’activité technique – est donc un important facteur de liberté.

Ici, il faudrait brièvement définir ce qu’est une technique, afin de montrer en quoi elle est liée au travail et à la liberté.

Une technique est un savoir-faire inventé par l’intelligence humaine, transmissible par un enseignement, et qui permet de réaliser efficacement un but.

On voit ici en quoi l’acquisition et l’utilisation d’une technique est un travail : ce n’est pas quelque chose d’instinctif, il faut toujours un certain effort volontaire pour assimiler une technique.

Inversement, la plupart des travaux sont des activités techniques : un travail est d’autant plus efficace qu’il est réalisé méthodiquement, selon des gestes intelligents et avec des outils adaptés.

Cette remarque nous permet d’ailleurs de comprendre le lien entre travail, technique et liberté : nous sommes d’autant plus libres que nous avons le pouvoir de réaliser efficacement nos propres buts.

Et le travail, lorsqu’il est fait selon une certaine technique, nous donne justement cette efficacité. Comme nous venons de le voir, le travail nous permet de transformer l’environnement naturel de manière à ce que celui-ci corresponde à nos buts.

C’est ainsi que nous avons domestiqué certains animaux, construit des maisons, des armes pour nous protéger des prédateurs, des outils pour cultiver la terre, des routes, des véhicules, etc.

Au lieu d’être dominés par les forces naturelles, les hommes ont ainsi acquis une (relative) maîtrise de la nature. Tout cela a permis à l’homme de ne plus être sans cesse occupé de sa survie.

Ainsi, il a pu se consacrer à des tâches plus intéressantes : activités artistiques, inventions de nouvelles techniques, fêtes, divertissements, etc.

Ainsi, paradoxalement, le temps consacré au travail a permis à l’homme de dégager du temps libre, notamment grâce au progrès technique. I.

Le travail nous libère des contraintes naturelles 2.

Le travail libère l’homme de son animalité Nous venons de voir le travail en tant qu’activité tournée vers le dehors, comme transformation de l’environnement naturel.

Mais le travail est aussi une transformation de l’homme par lui-même.

Comme l’explique Kant, l’homme a pu développer grâce au travail des facultés qui seraient autrement restées endormies : intelligence, habileté technique, créativité, qualités morales.

Comme Aristote, Kant pense que la nature a favorisé l’homme en lui donnant peu d’outils naturels pour survivre.

Ainsi l’homme a été contraint de s’arracher à son instinct animal et à agir selon des buts qu’il se donnait à luimême.

Paradoxalement, la contrainte (nécessité de survivre) a donc permis l’accomplissement de la liberté.

Car pour être libre, il ne suffit pas d’avoir à ses dispositions des moyens (naturels ou techniques) : il faut ici se donner à soi-même des buts.

Or l’homme n’aurait jamais pu faire une telle chose s’il avait reçu de la nature tous les moyens nécessaires pour survivre.

Son intelligence, sa conscience, sa volonté propre n’auraient pu s’éveiller.

Programmé par la nature comme un automate, il n’aurait pu décider librement de sa vie.

Ainsi, grâce à son travail, l’homme s’est en grande partie fait lui-même.

S’il est véritablement libre, c’est parce qu’il est le résultat de sa propre activité. Objection (Transition) Jusqu’à présent, nous avons envisagé le travail en lui-même, en faisant abstraction de son caractère social.

De ce point de vue, cette activité peut en effet être épanouissante.

Mais ce point de vue ne correspond guère à la réalité, car on ne travaille jamais seulement pour soi.

On est toujours dépendant du reste de la société.

Cela vient, notamment de ce que les tâches – pour être effectuées efficacement – sont réparties entre les différents membres de la société, de sorte que personne ne peut subvenir seul à ses propres besoins.

On peut donc se demander si le travail n’est pas plus asservissant que libérateur. II.

Le travail, en tant qu’activité sociale, restreint ou détruit notre liberté Même si le travail comporte parfois des côtés intéressants, voire épanouissants, il n’en demeure pas moins contraignant et ennuyeux, et c’est pourquoi les hommes ne s’y adonnent pas spontanément.

Si nous allons travailler, c’est donc en grande partie parce que la société nous y pousse.

Seulement, le type de contrainte sociale varie beaucoup suivant les époques et les endroits.

Schématiquement, on peut distinguer deux sortes de contraintes, qui peuvent d’ailleurs coexister dans une même société : - la contrainte physique, celle qui est imposée par certains hommes à d’autres hommes ; - la contrainte économique, liée à la division du travail. 1.

Le travail forcé À une époque inconnue (peut-être la fin de la préhistoire) certains hommes ont cherché à échapper aux travaux les plus pénibles en contraignant leurs semblables à travailler pour eux.

Grâce à l’invention de certaines techniques (habileté à monter à cheval, à se servir des armes, etc.), ils sont devenus assez puissants pour mener une vie oisive.

Depuis le Néolithique jusqu’à la fin de l’Ancien Régime, de nombreuses civilisations humaines ont donc connu la domination d’une caste.... »

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