Le comique dans Le Malade imaginaire
Publié le 14/05/2023
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Le comique dans Le Malade imaginaire
Le but premier de Molière est bien de provoquer le rire, et, pour cela, il dispose d’un double héritage, venu de
l’antiquité romaine, elle-même héritière de la comédie grecque.
D’un côté, il y a Plaute, qui, après Aristophane, privilégie les procédés de la farce, jeux cocasses sur les mots, gestes
excessifs, jusqu’à la grossièreté parfois.
Cette tendance est renforcée, chez Molière, par sa collaboration avec les
Comédiens italiens qui mettent en scène la commedia dell’arte.
De l’autre côté, il y a Térence qui, après Ménandre, veut surtout mettre en évidence le ridicule des caractères et des
mœurs en élaborant des situations plus complexes.
En unissant ces deux tendances, Molière parvient ainsi à toucher aussi bien le public populaire, celui du « parterre »,
que les spectateurs plus raffinés, même si certains se montrent choqués par des effets comiques jugés de « bas
niveau ».
Mais surtout il s’agit pour lui de critiquer les mœurs de ceux qui ne sont guidés que par une obsession, qu’il
ridiculise à plaisir, et de dénoncer certains abus de la société de son temps.
Comique de mots
Répétitions, jeu sur les mots, leurs sonorités, leurs ambiguïtés, les niveaux de langue, les
interruptions, mots inventés, déformés, accents, patois...
Le décalage
Tout comme le comique de gestes le comique de mots peut reposer sur des procédés simples, hérités du théâtre
antique, tels les jeux sonores, les cris et les insultes, surtout quand ils s’enchaînent, comme le fait Argan face à
Toinette.
Mais l’on rit encore davantage quand le langage de la servante, insolente, vise celui qui est d’un statut
social supérieur, ou quand elle joue de l’hypocrisie pour mieux duper son maître.
CLÉANTE.- Monsieur, je suis ravi de vous trouver debout et de voir que vous vous portez mieux.
TOINETTE, feignant d’être en colère.- Comment "qu’il se porte mieux" ? Cela est faux, Monsieur se porte toujours mal.
CLÉANTE.- J’ai ouï dire que Monsieur était mieux, et je lui trouve bon visage.
TOINETTE.- Que voulez-vous dire avec votre bon visage ? Monsieur l’a fort mauvais, et ce sont des impertinents qui vous ont
dit qu’il était mieux.
Il ne s’est jamais si mal porté.
ARGAN.- Elle a raison.
TOINETTE.- Il marche, dort, mange, et boit tout comme les autres ; mais cela n’empêche pas qu’il ne soit fort malade.
(II,2)
C’est le décalage, en effet, qui provoque le rire du public, comme l’explique Bergson dans Le Rire.
On notera, par
exemple, le décalage entre le latin, adopté par les Diafoirus, et le langage courant d’Argan, quand, s’opposant aux
Diafoirus, « Monsieur Purgon dit que c’est mon foie qui est malade », il reçoit comme réponse « Eh oui, qui dit
parenchyme, dit l’un et l’autre, à cause de l’étroite sympathie qu’ils ont ensemble, par le moyen du vas breve du
pylore, et souvent des méats cholidoques ».
Vers l'absurde
Mais le langage se vide alors de sens.
C’est ce que souligne, notamment, le comique de répétition, depuis
l’interjection « Ah ! » (I, 2), reprise six fois par Toinette, jusqu’à son diagnostic « Le poumon » ou sa critique de
monsieur Purgon, « Ignorant », avec son apogée en latin « Ignorantus, ignoranta, ignorantum ».
Comparé par
Bergson au « diable à ressort », sortant incessamment de sa boîte, le procédé met en évidence l’insolence de la
servante dénonçant ainsi l’obsession de son maître.
Dans de telles conditions, le langage ne peut plus, en effet, jouer son rôle, permettre de communiquer, et touche
alors à l’absurde.
C’est également le cas quand les personnages s’interrompent, empêchant la parole de circuler,
comme lors de l’entrée en scène de Monsieur Diafoirus face à Argan : « Ils parlent tous deux en même temps,
s’interrompent et se confondent.
»
Langage et mensonge
Mais, plus grave encore, il se fait mensonge, lorsque ceux-ci s’en servent comme d’un masque.
Tout le théâtre de
Molière s’emploie ainsi à faire tomber ces masques, à rendre évident aux yeux du public la vérité profonde des
êtres.
Or, dans la pièce, tous les personnages savent user de ce langage mensonger, depuis les médecins
qui, comme Monsieur Diafoirus ou son fils Thomas, masquent sous leur langage appris de l’école leur
incompétence, et, pire encore, leur cynisme, ou Angélique, qui invoque un « songe » quand elle reconnaît Cléante
dans ce prétendu maître de musique, jusqu’à la petite Louison, niant obstinément avoir « vu » quoi que ce soit…
Bien sûr ,Toinette aussi ment à la perfection, en feignant de donner raison à Béline, en présence du notaire, puis en
annonçant la mort de son maître, et même Béralde sait mentir pour ne pas heurter de front son frère, affirmant le
contraire de sa pensée : « c’est une femme qui a les meilleures intentions du monde pour votre famille, et qui est
détachée de toute sorte d’intérêt ; qui a pour vous une tendresse merveilleuse, et qui montre pour vos enfants,
une affection et une bonté, qui n’est pas concevable, cela est certain.
» (III, 3) En fait, le comique fait alors rire des
mots pour mieux en révéler le dangereux pouvoir.
Les pantomimes, les coups de bâton, gifles, poursuites, jeux de scène, déplacements, déguisements
Comique de gestes
Le rôle des didascalies
On reconnaîtra d'abord le comique né des gestes, des mouvements, des mimiques, explicitement signalés dans
les didascalies.
Comme souvent, il se manifeste à travers le jeu bouffon de la servante Toinette, notamment face à
son maître.
Son entrée en scène, « faisant semblant de s’être cogné la tête » (I,2), fait sourire par le contraste entre
ses plaintes, ce « Ah ! » répété, et les reproches lancés par Argan.
La dispute entre le maître et la servante provoque le rire quand elle se transforme en une poursuite, « ARGAN
court après Toinette », « TOINETTE se sauve de lui », puis s’accélère encore en un jeu de cache-cache : « ARGAN, en
colère, court après elle autour de sa chaise, son bâton à la main.
», « TOINETTE, courant, et se sauvant du côté de la
chaise où n’est pas Argan.
» (I, 5) Enfin, le public ne peut que rire quand la colère d’Argan se change, dans la scène
suivante, en une bataille à coups d’oreillers : « TOINETTE, lui mettant rudement un oreiller sur la tête, et puis
fuyant.
», « ARGAN, se lève en colère, et jette tous les oreillers à Toinette.
»
Le jeu d'acteur
Il faut aussi imaginer les gestes et les mouvements nés du texte, que l'acteur, guidé par son metteur en scène, va
créer librement.
Ainsi, une seule didascalie présente Thomas Diafoirus, « un grand benêt nouvellement sorti des
Écoles, qui fait toutes choses de mauvaise grâce, et à contretemps », permet au comédien de surjouer sa
maladresse et ses discours ridicules, jusqu’à la caricature, par exemple lors de la consultation où, tandis que son
père attrape un bras pour tâter le pouls d’Argan, il s’empare de l’autre pour exprimer son diagnostic, approuvé par
son père.
Nous pouvons aisément imaginer les mimiques et les regards d’Argan, alternant de l’un à l’autre.
Ce sont
aussi ses....
»
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