Julien Sorel et son père
Publié le 26/10/2023
Extrait du document
«
Julien Sorel et son père.
En approchant de son usine, le père Sorel appela Julien de sa voix de stentor ; personne ne
répondit.
Il ne vit que ses fils aînés, espèce de géants qui, armés de lourdes haches, équarrissaient les
troncs de sapin, qu’ils allaient porter à la scie.
Tout occupés à suivre exactement la marque noire tracée sur
la pièce de bois, chaque coup de leur hache en séparait des copeaux énormes.
Ils n’entendirent pas la voix
de leur père.
Celui-ci se dirigea vers le hangar ; en y entrant, il chercha vainement Julien à la place qu’il
aurait dû occuper, à côté de la scie.
Il l’aperçut à cinq ou six pieds de haut, à cheval sur l’une des pièces de
la toiture.
Au lieu de surveiller attentivement l’action de tout le mécanisme, Julien lisait.
Rien n’était plus
antipathique au vieux Sorel ; il eût peut-être pardonné à Julien sa taille mince, peu propre aux travaux de
force, et si différente de celle de ses aînés ; mais cette manie de lecture lui était odieuse : il ne savait pas
lire lui-même.
Ce fut en vain qu’il appela Julien deux ou trois fois.
L’attention que le jeune homme donnait à son livre, bien
plus que le bruit de la scie, l’empêcha d’entendre la terrible voix de son père.
Enfin, malgré son âge, celui-ci
sauta lestement sur l’arbre soumis à l’action de la scie, et de là sur la poutre transversale qui soutenait le
toit.
Un coup violent fit voler dans le ruisseau le livre que tenait Julien ; un second coup aussi violent,
donné sur la tête, en forme de calotte, lui fit perdre l’équilibre.
Il allait tomber à douze ou quinze pieds plus
bas, au milieu des leviers de la machine en action, qui l’eussent brisé, mais son père le retint de la main
gauche comme il tombait.
« Eh bien, paresseux ! tu liras donc toujours tes maudits livres, pendant que tu es de garde à la scie ? Lis-les
le soir, quand tu vas perdre ton temps chez le curé, à la bonne heure.
»
Julien, quoique étourdi par la force du coup, et tout sanglant, se rapprocha de son poste officiel, à côté de
la scie.
Il avait les larmes aux yeux, moins à cause de la douleur physique, que pour la perte de son livre
qu’il adorait.
Le réalisme, mouvement littéraire du 19eme siècle, tend à retranscrire la réalité telle qu’elle est,
introduisant les enjeux d’une société en plein essor, Stendhal dans son œuvre « le rouge et le noir »,
publiée en 1830, rapporte l’histoire d’un jeune paysan dont les ambitions ne collent pas avec son milieu
social.
Dans cette extrait, le protagoniste fait face aux divergences qu’il l’oppose à son père.
Il s’agira alors de se demander en quoi ce passage brosse-t-il le portrait d’un personnage que tout
oppose à son père ?
Le portrait de julien se dévoile en deux temps : d’abord à travers une scène vivante et animée qui
révèle l’opposition entre le père et le fils (1-12) puis la peinture physique et morale qui suggère un
personnage ambigu (13-23).
1.Une scène vivante animée qui montre deux personnages que tout oppose.
A.
Une opposition théâtralisée.
_ L’action est rapide, mené par un père dominateur.
(Verbes au passe simple et l’énumération dans la 3
eme phrase.
Les verbes d’action montrent qu’il est le seul à agir).
l.3 l.6
_Le rapport de force inégal à travers le duo bourreau/victime
_Un conflit pour des valeurs différentes.
(Travail manuel/intellectuel)
_Des paroles mais pas de dialogue : le père est le seul à parler.
L.1 l.2 et l.6
_Le cadre est posé : la scierie qui est décrite dans les passages précédents, c’est un lieu de travail rude à
l’image du père et auquel julien ne peut s’adapter.
B.
L’opposition père/fils.
_Le portrait en action et en paroles qui se construit progressivement dévoile un personnage inculte et
violent face à un jeune homme passif.
_ (L1) Cette opposition est annonce dès la première phrase ou julien est introduit par l’exclamation du père
« Eh bien paresseux....
»
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