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Crise personnelle et crise familiale

Publié le 04/01/2023

Extrait du document

« Selon Michel DEUTSCH, comédien et réalisateur, « Le théâtre, s’il ne s’englue pas dans l’esthétique a toujours été par excellence l’art de la crise ».

Dans la langue française, le terme crise renvoie à des notions de rupture, de soudaineté, de trouble ou encore de conflit.

Depuis l’Antiquité, le théâtre met en scène ces notions à travers notamment des familles et des personnages qui se déchirent et s’affrontent.

La scène devient alors le lieu où se développent crises personnelles et crises familiales.

Nous pouvons donc nous demander dans quelle mesure peut-on penser que la crise familiale est plus théâtrale que la crise personnelle.

Pour se faire, nous étudierons, entre autre, la pièce de Jean-Luc Lagarce Juste la fin du monde dans laquelle Louis revient un dimanche dans sa famille pour lui annoncer sa maladie et sa mort prochaine.

Mais ce retour va provoquer chez ses proches de tels conflits personnels et familiaux qu’il n’arrivera pas à communiquer avec eux et repartira sans avoir rien dit.

Cette crise de la parole pose les jalons des crises personnelles et familiales qui secouent les personnages. Aussi, nous en venons à nous poser la question de savoir Nous montrerons dans un premier temps la théâtralité de la crise familiale puis celle de la crise personnelle.

Enfin, nous terminerons par la crise de la parole génératrice des crises familiales et personnelles. La famille a toujours été un sujet privilégié au théâtre.

Les crises qui la secouent sont spectaculaires car elles concernent plusieurs individus et ont des répercussions au sein de la famille qui devient un lieu de discorde et de violence.

Le théâtre met alors en lumière ce qui menace l’harmonie familiale.

C’est le cas pour la pièce de Jean Luc Lagarce Juste la fin du monde.

Le retour du fils ainé, Louis au sein de sa famille après une très longue absence va bouleverser l’équilibre familial.

Pour la Mère, c’est le retour du fils prodigue, écrivain, dont elle n’a pas compris le départ.

Pour Antoine, c’est le retour du frère aîné rival qui réactive les complexes et la jalousie.

Pour Catherine et Suzanne, Louis est un miroir qui leur fait voir la médiocrité et la banalité de leur vie.

La famille s’est construite sans lui et l’arrivée de Louis remet en question le rôle de chacun au sein de cette famille.

Antoine l’a bien compris et dit à Louis en parlant de sa sœur (première partie scène 9) « Elle veut avoir l’air.

C’est parce que Louis est là, c’est parce que tu es là, tu es là et elle veut avoir l’air ». Les crises familiales sont également spectaculaires car elles peuvent avoir des répercutions en dehors du cercle familial à l’image de la pièce de Shakespeare Roméo et Juliette dans laquelle deux amoureux seront sacrifiés par leurs familles en raison de la haine qui les divise. Les crises familiales sont théâtrales parce qu’elles sont violentes.

Dans Juste la fin du monde de Lagarce, cette violence se manifeste dans les rapports entre les personnages et plus particulièrement dans les dialogues entre Antoine et sa sœur Suzanne qui utilisent des mots familiers lorsqu’ils se disputent (première partie scène 7), « Ta gueule Suzanne », (première partie scène 9) « Mais merde toi à la fin », « Merde, merde et merde encore », mais aussi des menaces « tu me touches : je te tue ».

Les phrases courtes accentuent cette violence car il n’y a pas de place pour l’expression de sentiments.

Le rythme est sec et tranchant.

Mais cette violence est également latente.

Les personnages se fuient et se cherchent continuellement provoquant une tension.

(Première partie scène 10) « Où est-ce-que tu vas ? », (intermède scènes 5 et 7) « Où est-ce qu’ils sont ? », « Je vous cherchais ».

La violence peut également s’exprimer physiquement comme dans Britannicus de Racine.

Néron n’hésite pas à assassiner son frère Britannicus pour asseoir son pouvoir. Si les crises familiales sont autant présentes au théâtre, c’est parce qu’elles sont intemporelles.

Chaque famille, quelle que soit l’époque a connu au moins une crise familiale.

Les premières pièces de théâtre sous l’Antiquité présentaient des conflits familiaux.

Dans Antigone, de Sophocle l’héroïne enterre son frère Polynice malgré l’interdiction de son oncle Créon qui la punit : elle est emmurée vivante.

La crise familiale a traversé les siècles et les plus grands auteurs l’ont mise en scène.

Dans Britannicus, Racine présente une famille impériale romaine déchirée par les luttes d’influence.

Britannicus est confronté à la violence de son demi-frère l’empereur Néron, qui veut le faire exécuter pour affermir son pouvoir.

Plus près de nous, dans Le retour au désert de Koltes, une soeur (Mathilde) revient d'un exil en Algérie avec sa famille et se heurte à son frère (Adrien).

La crise familiale s’installe sur fond d’héritage.

Cette intemporalité se retrouve également dans la pièce de Lagarce Juste la fin du monde avec le retour de Louis dans sa famille qui est le mythe du fils prodigue.

Louis est admiré car il est parti et a réussi.

Suzanne lui dit (Première partie scène 3) « et nous éprouvons les uns les autres ici, tu le sais, tu ne peux pas ne pas le savoir, une certaine forme d’admiration ».

Elle parle même de don.

Contrairement à Suzanne, Antoine ne veut pas voir en Louis une personne hors du commun.

Il faut rapprocher ce retour de Louis de la parabole du fils prodigue dans la Bible.

Autre thème intemporel la rivalité entre frères. Dans la pièce de Lagarce, la rivalité entre Louis l’ainé qui est parti et Antoine qui est resté renvoie au mythe de Caen et Abel et à la place de chacun dans la famille. La famille crée donc des réactions complexes : reconnaissance, jalousie, mépris, respect… terreau fertile pour le théâtre. Mais les crises familiales ne sont pas les seules crises théâtrales.

Il faut également compter avec les crises personnelles. Les crises personnelles sont très présentes au théâtre car elles relèvent de l’intime.

Le spectateur est une sorte de voyeur.

Il est proche du personnage en crise et voit son trouble Les crises personnelles ramènent à des questions existentielles dans lesquelles le spectateur peut se reconnaître à l’image des personnages de Juste la fin du monde de Lagarce qui traversent tous une crise imtime : Louis est confronté à sa mort prochaine et à son annonce (prologue) « Dire, seulement dire, ma mort prochaine et irrémédiable », Suzanne à sa douleur car elle reste auprès des siens alors qu’elle voudrait partir «(Première partie scène 3) « Je voudrais partir mais ce n’est guère possible » « peut-être que ma vie sera toujours ainsi.

On doit se résigner » et Antoine à son.... »

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