Aide en Philo

Commentaire : Les bonnes, Jean Genet

Publié le 05/12/2022

Extrait du document

« Commentaire : Les Bonnes, Jean Genet Les Bonnes est une pièce de théâtre réalisée en un acte, écrite en 1946 et créée en 1947 par Louis Jouvet.

Dans cette pièce, Jean Genet pousse jusqu’au paroxysme le procédé de la mise en abîme (théâtre dans le théâtre), les jeux de rôles et les faux semblants.

Elle se place dans un nouveau mouvement littéraire, l'absurde et ne s'accorde pas avec le réalisme bien que l’intrigue des deux bonnes qui tentent d’assassiner leur maitresse s'inspire d'un fait divers des sœurs Papin : ces sœurs, en 1933, dans une demeure bourgeoise du Mans, ont décidé de tuer leurs patronnes, de manière violente et brutale. Ici, dans cet extrait de la pièce, deux sœur domestiques, Claire et Solange haïssent leur patronne, appelée « Madame ».

Elles ont déjà réussi faire incarcérer l'amant de Madame et elles s’apprêtent à assassiner leur patronne par empoisonnement.

Elles préparent ce meurtre en le mettant en scène sous la forme d'un "rituel" macabre, mais la démence et la folie causées par leur stratagème, finissent par les atteindre.

La cérémonie mise en scène par les deux sœurs, sert d'exutoire à leurs pulsions meurtrières qui vont composer cette pièce et où une tension funèbre et dramatique règne jusqu'au dénouement final. En quoi cette scène de théâtre dans une pièce de théâtre permet-elle de faire ressentir au spectateur, les tensions malsaines entre les sœurs et leur patronne, mais aussi entre les deux sœurs elles-mêmes ? Afin de répondre à cette problématique, nous nous intéresserons dans une première partie à la fin de la soumission des bonnes.

Ensuite dans une seconde partie, nous verrons les liens ambigus et fusionnels des deux sœurs, puis dans une troisième et dernière partie, nous montrerons le rituel macabre mis en scène par le théâtre dans le théâtre. Tout d'abord, cette pièce de théâtre annonce un retournement très surprenant de situation : le pouvoir est donc renversé par les bonnes, comme nous le stipule les répliques "Je vous hais ! Je vous méprise", où la présence d'une anaphore de "je" permet d'appuyer la mise en place d'un renversement du pouvoir.

En effet, la répétition de la citation " Je vous hais !" deux fois, permet de mettre en valeur ce sentiment et d'exprimer la moquerie au sein des spectateurs.

Ensuite, les répliques "Moi aussi je vous hais", "Vous ne m'intimidez plus", "Nous ne vous craignons plus" montrent la fin de la soumission des bonnes face à leur patronne : elles sont enfin prêtes à se rebeller et à briser la hiérarchie entre maîtres et serviteurs.

Ainsi, la domestique docile et soumise devient celle qui donne les ordres, comme nous le montre la multiplication des verbes à l'impératif des répliques, exprimant l'ordre : "Avouez" ! Avouez le laitier !", "Riez un peu, riez et priez vite".

Cette domination des bonnes sur la Madame est facilement remarquable grâce à la disproportion des prises de parole, ceci permet de mettre évidence le renversement de ce pouvoir : c'est la bonne qui domine le dialogue, qui domine donc la scène.

Le spectateur assiste donc à une rupture avec le début de la révolte des bonnes., marquant le retournement de situation. La gradation vers la fin de la soumission des bonnes et donc la mise en place de leur rébellion est montrée par les répliques de la colère Claire et de Solange.

La montée en violence est exprimée tout au long de la scène.

Le crescendo dramatique donné par les didascalies : " doucement d'abord", puis "elle crache", "marchant sur elle" , "elle gifle", et pour finir "elle tape sur les mains de Claire qui protège sa gorge", permet de voir que le ton monte entre les bonnes pendant leur jeu malsain et cela va se finir par Solange qui essaie d'agresser physiquement sa sœur, l’étranglant pendant son rôle de Madame. Après, le spectateur assiste à une menace faite par les deux bonnes au couple de Madame et Monsieur, avec une métaphore de leur révolte comme un ballon qui gonfle et qui menace d'exploser et de tout détruire " la révolte des bonnes.

La voici qui monte, Madame.

Elle va crever et dégonfler votre aventure".

Cette menace est une des nombreuses choses faites par les bonnes tentant de se révolter et de dominer à leur tour leurs patrons.

Pour appuyer cet argument, on peut voir une répétition du verbe haïr quatre fois, qui est une formule utilisée de nombreuses fois par les deux bonnes.

Ainsi, tous ces évènements conduisent le spectateur à être témoin de la gradation vers la fin de la soumission des bonnes. Cette confrontation perpétuelle entre les bonnes et la Madame est avant tout une histoire de rivalité féminine, où deux portraits antithétiques, s'opposent tout au long de la pièce : celui de la bonne et celui de la patronne.

Jean Genet fait du portrait de Madame, une femme confiante et somptueuse, définit par l'énumération de ses atouts physiques " Votre poitrine … d'ivoire ! Vos cuisses… d'or !" Vos pieds… d'ambre !" où les hyperboles définies par la présence de matériaux précieux donnent encore plus de valeur et d'euphuisme à son corps de femme.

Le dramaturge donne l'impression que Madame est une divinité vivante, une femme idolâtrée "le danger m'auréole" qui par opposition, empêche la bonne d'accéder aux attributs de la féminité précieuse.

La bonne ne peut donc pas accéder à ce trésor qu'est la beauté féminine car il est occupé par Madame, comme peut nous le démontrer le champ lexical du vol "dérober", "m'en priver", "me prendre", la répétition de "et m'en priver" et l'énumération des caractéristiques féminines.

Ainsi, la bonne est l'antithèse de Madame (son opposition) car elles ne vivent pas dans les mêmes environnements.

La bonne vit dans un univers de ménage et de domination : le parallélisme " vous avez vos fleurs, j'ai mon évier", l'homéotéleute (répétition des syllabes homophones d'un mot) "J'y retrouve mes gants et l'odeur de mes dents", en témoignent.

La domestique est donc décrite comme une femme sale et impure, grâce au champ lexical de la puanteur "exhalaisons", "odeur de mes dents", "rot".

En effet, le dramaturge a aussi mis en scène dans cette pièce, la lutte entre deux univers opposés auxquels appartiennent les bonnes et Madame, et comment cette confrontation se montrait malsaine pour les deux sœurs. La fin de la soumission des bonnes est montrée sur scène par le retournement de situation et de pouvoir, une gradation vers la fin de la domination domestique et une lutte perpétuelle entre les bonnes et Madame, vivant dans des environnements antithétiques. Ce jeu de rôles psychopathe est marqué par un dysfonctionnement sur les rôles que doivent jouer chaque sœur, on peut le voir avec la réplique "Avouez le laitier.

Car Solange vous emmerde" et la didascalie "Claire, affolée.

- Claire ! Claire !".

Le spectateur assiste donc à l'intrusion de personnages qui n'appartiennent pas à l'univers de Madame mais à celui des deux sœurs. Effectivement, Solange quitte son rôle et reprend sa véritable identité lorsqu'elle est rappelée à l'ordre par sa sœur horrifiée par son comportement.

Ce court moment pendant leur mise en scène rompt le rythme de leur rituel macabre et révèle les tensions présentes entre les deux sœurs.

Par conséquent, l'utilisation du propos vulgaire et violent de Solange "Car Solange vous emmerde" n'affecte pas Madame mais Claire elle-même : il y a donc aussi une rivalité féminine entre.... »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles