y a-t-il une morale universelle ?
Extrait du document
«
Position de la question.
C'est un fait que les prescriptions morales courantes varient selon les temps et les lieux,
et la conscience ne fait souvent qu'entériner ces jugements courants.
L'inceste (par exemple chez les pharaons de
l'ancienne Égypte) et la polygamie, l'esclavage et le meurtre des prisonniers de guerre, l'infanticide et la mise à mort
des vieillards, tout, comme le dit PASCAL (Pensées, 294), « a eu sa place entre les actions vertueuses ».
La morale
chrétienne prescrit le pardon des offenses ; mais d'autres font une obligation à l'offensé de la « vengeance du sang
».
Il serait facile de conclure de là à un scepticisme moral total, de disqualifier ainsi les jugements de la conscience,
tout au moins d'en tirer la négation de l'universalité des règles morales.
Mais une telle conclusion s'impose-t-elle ?
I.
Fausses conceptions de la conscience et des règles morales.
A.
— Beaucoup d'auteurs se sont représenté la conscience comme une sorte d'instinct inné, « juge infaillible du bien
et du mal », et les règles morales comme des prescriptions absolues et immuables dont il s'agit surtout de respecter
la lettre, sans s'en écarter d'un iota .
ROUSSEAU: Exister pour nous, c'est sentir ; notre sensibilité est incontestablement
antérieure à notre intelligence, et nous avons eu des sentiments avant des idées.
Quelle
que soit la cause de notre être, elle a pourvu à notre conservation en nous donnant des
sentiments convenables à notre nature ; et l'on ne saurait nier qu'au moins ceux-là ne
soient innés.
Ces sentiments, quant à l'individu, sont l'amour de soi, la crainte de la
douleur, l'horreur de la mort, le désir du bien-être.
Mais si, comme on n'en peut
douter, l'homme est sociable par sa nature, ou du moins fait pour le devenir, il ne peut
l'être que par d'autres sentiments innés, relatifs à son espère ; car, à ne considérer que
le besoin physique, il doit certainement disperser les hommes au lieu de les rapprocher.
Or c'est du système moral formé par ce double rapport à soi-même et à ses
semblables que naît l'impulsion de la conscience.
Connaître le bien, ce n'est pas l'aimer
: l'homme n'en a pas la connaissance innée, mais sitôt que sa raison le lui fait connaître,
sa conscience le porte à l'aimer : c'est ce sentiment qui est inné.
Conscience !
conscience ! instinct divin, immortelle et céleste voix ; guide assuré d'un être ignorant et
borné, mais intelligent et libre ; juge infaillible du bien et du mal, qui rends l'homme
semblable à Dieu, c'est toi qui fais l'excellence de sa nature et la moralité de ses
actions ; sans toi je ne sens rien en moi qui m'élève au-dessus des bêtes, que le triste
privilège de m'égarer d'erreurs en erreurs à l'aide d'un entendement sans règle et d'une raison sans principe.
Grâce au ciel, nous voilà délivrés de tout cet effrayant appareil de philosophie : nous pouvons êtres hommes sans être savants ;
dispensés de consumer notre vie à l'étude de la morale, nous avons à moindres frais un guide plus assuré dans ce dédale immense
des opinions humaines.
Avez-vous compris l'essentiel ?
1 La morale provient-elle de la conscience ou de la raison ?
2 L'amour de soi est-il un obstacle à la moralité ?
3 Qu'est-ce qui garantit que la conscience ne se trompe pas sur le bien ?
Réponses:
1 - De la conscience, d'un sentiment moral, plus que du raisonnement.
Ce dernier peut parfois jouer un rôle, mais il est à lui seul
très insuffisant.
2 - Il le serait peut-être, s'il était le seul sentiment naturel.
Mais d'autres sentiments innés l'accompagnent, qui sont conformes à la
moralité.
3- Le fait qu'elle soit liée à un sentiment naturel, accordé à la nature, au point que Rousseau en parle comme d'un « instinct », et
non une invention de notre raisonnement.
B.
— Il va de soi que, dans une telle conception, la moindre variation dans les jugements de la conscience ou les
prescriptions des règles morales constitue une fissure dans le bloc rigide de la moralité et peut être exploité contre
elle..
»
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