Y a-t-il des actes indifférents ?
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Notre pouvoir d'agir est généralement compris dans son lien avec la liberté de choix, qui détermine la valeur
de l'acte à accomplir : lorsque nous délibérons sur plusieurs actes possibles, nous envisageons les conséquences de
chacun de ces actes, nous nous interrogeons sur leur valeur, sur les raisons que nous avons de les choisir, afin de
déterminer notre décision.
Or, la notion d'acte indifférent renvoie au contraire à un acte neutre, pour lequel nous
n'aurions aucune préférence déterminée, qui ne possèderait aucune valeur en soi.
Si de tels actes existent, c'est
que notre liberté peut être placée dans une situation d'indétermination, où rien ne peut l'amener à choisir entre
plusieurs actes.
Se demander s'il existe des actes indifférents amène donc à se demander si la nature de notre
liberté peut nous amener à en concevoir : l'essence de la liberté peut-elle consister dans le fait de pouvoir choisir
indifféremment un acte ou un autre, et donc de ne pas être contraint par une valeur des actes qui nous serait
imposée de l'extérieur ? La notion d'acte indifférent n'est-elle pas plutôt impensable, si l'on conçoit au contraire que
notre liberté consiste à déterminer la valeur des actes et à choisir au vue de leur signification et de leurs
conséquences ? Comment de plus penser l'existence d'actes indifférents en termes de morale et de responsabilité de
nos actions ? Nous verrons dans un premier temps que nous pouvons penser la notion d'acte indifférent à partir du
doute sceptique vis-à-vis de nos jugements et des valeurs, avant de poser les actes indifférents comme le plus
petit degré de notre liberté.
Nous verrons alors que la notion d'acte indifférent est contradictoire avec l'essence de
notre liberté qui consiste à nous définir par nos choix.
1° Penser l'indifférence des actes à partir du doute sceptique
Dans la perspective sceptique, défendue notamment par Pyrrhon, dans l'Antiquité, nous ne pouvons jamais
être certains de pouvoir atteindre la vérité.
La sagesse consiste alors dans la suspension de nos jugements : nous
devons considérer toute chose comme relative et non fondée nécessairement.
Sur le plan pratique, si les choses
sont indifférentes parce qu'elles n'ont pas de valeur en elles-mêmes, il s'avère que cette indifférence mène
également à une indifférence des actes.
Nous pouvons suivre les lois et coutumes, mais tout en gardant à l'esprit
qu'elles ne reposent pas une valeur ou une justice qu'elles possèderaient en elles-mêmes, puisque cela impliquerait
qu'il existe en soi une vérité ou une justice, ce dont nous devons douter.
La perspective sceptique amène alors à
garder à l'esprit que rien ne peut fonder réellement la valeur de nos actes, et qu'ils sont donc en eux-mêmes
indifférents : la sagesse consiste à reconnaître cette indifférence, et non à déterminer nos choix par une valeur
fondée sur un jugement dogmatique.
2° Les actes indifférents représentent le plus petit degré de notre liberté
Dans la perspective sceptique, l'existence d'actes indifférents est le signe de notre incertitude concernant
le fondement, la légitimité de nos jugements.
Cependant, ne pas pouvoir se déterminer pour choisir un acte plutôt
qu'un autre n'est-il pas le plus bas degré de la liberté ? Descartes nomme liberté d'indifférence l'état de la volonté
lorsque sa perception du vrai et du bien ne la pousse ni à un choix ni à un autre.
Il remarque alors que cette
indétermination peut être comprise par certains comme le libre arbitre, c'est-à-dire précisément le fait de pouvoir
choisir sans y être contraint : la liberté consiste dans le fait que même si nous avons des raisons de faire un choix,
nous aurions pu faire le choix inverse.
Mais selon Descartes, lorsque la liberté choisit sans raison, dans l'indifférence,
par indétermination, il ne s'agit que du plus bas degré de la liberté.
La véritable liberté consiste dans le fait de
choisir un acte non pas parce qu'il est indifférent, mais d'agir selon un jugement guidé par la vérité et le bien, qui
donne une valeur à l'acte et le fait sortir de son indifférence.
Il existe donc des actes indifférents, mais qui ne sont
pas, comme pour les sceptiques, les seuls actes possibles étant donnée la suspension de notre jugement.
Ils sont
au contraire les actes qui ont le moins d'intérêt, qui nous donnent le moins l'occasion d'exercer notre volonté et
notre liberté.
3° Il n'y a d'actes indifférents que pour celui qui refuse sa liberté
Nous avons vu que les actes indifférents existaient comme actes où
notre liberté n'exerce que sa capacité minimale de libre-arbitre.
Mais ne peuton affirmer que puisque nous choisissons toujours, même entre deux actes qui
nous semblent indifférents, cela signifie que nous avons toujours une raison
de faire tel choix, et qu'il n'existe donc aucun acte véritablement indifférent ?
Dans la perspective existentialiste de Sartre, l'homme est défini par sa liberté,
qui est liberté de se définir lui-même et de choisir ce qu'il veut être en
choisissant ses actes : être responsables de nous-mêmes, c'est être
responsables de nos choix, qui sont toujours porteurs de ce que l'on est, et
qui, en retour, nous définissent.
L'homme pour qui il existe des actes
indifférents est celui qui n'assume pas ses choix, et qui utilise cette
indifférence supposée comme excuse ou mauvaise foi, car il craint de
reconnaître que son choix révèle ce qu'il est et n'ose en assumer les
conséquences.
Pour l'homme qui assume et construit ce qu'il est par ses
actes, aucun acte n'est indifférent car il exprime son choix de valeurs, ce qu'il
veut être, ce qu'il préfère existentiellement.
L'homme est « condamné à être libre », mais il n'est pas seul au monde ; il ne
peut être libre qu'avec ou contre les autres.
Si l'existence est absurde, si les.
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