Y a-t-il de l'indésirable ?
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Une vie sans désirs ne vaut pas la peine d'être vécue : cela laisse à penser que le désir joue un rôle très important dans la vie de chacun.
Aussi, on peut
admettre que le désirable existe, mais la question qui se pose est de savoir s'il y a ou non de l'indésirable dans nos vies.
Cette question est ambiguë car le
mot « indésirable » semble avoir deux sens.
Pour l'opinion commune, l'indésirable désigne « ce que l'on ne désire pas », mais plus précisément, ce mot
équivaut plutôt à « ce que l'on ne peut pas désirer ».
De plus, cette dernière définition semble paradoxale, puisque le verbe pouvoir a aussi deux sens : il
exprime d'une part la permission et d'autre part la capacité, la possibilité.
A insi, le mot désirable a en fait deux autres sens que celui de l'opinion commune,
il correspond à la fois à « ce que l'on a pas le droit de désirer » mais aussi à « ce que l'on n'est pas capable de désirer, ce qu'il est impossible de désirer ».
C'est pourquoi, le sujet renferme plusieurs questions auxquelles on tentera de répondre : Nous arrive-t-il de ne pas désirer quelque chose ? Y a-t-il des
objets de désir interdits ? Y a-t-il des objets de désir impossibles ? Cependant, le problème est le suivant : l'indésirable désigne-t-il plutôt une interdiction
ou une impossibilité ?
Selon l'opinion commune, l'indésirable existe, mais cette réponse repose sur une mauvaise définition d'indésirable.
En fait, la question à laquelle répond
l'opinion commune est : nous arrive-t-il de ne pas désirer ? Evidemment, la réponse est oui : on se servira d'une part de la théorie de Platon sur les
paradoxes du désir et sur la réminiscence et d'autre part de la théorie d'Hegel sur le désir de reconnaissance.
Pour commencer, d'après les paradoxes du désir de Platon, on ne désire que ce que l'on ne possède pas.
Ainsi, on en déduit notre premier argument qui est
le suivant : on ne désire pas ce que l'on possède déjà puisque lorsqu'on est déjà en possession de l'objet, on n'exprime plus cette insatisfaction de ne pas le
détenir qui traduit le désir.
Par exemple, si j'avais un portable, je ne désirerais sûrement pas en avoir un autre car je suis déjà satisfait d'en avoir un.
Paradoxalement, d'après Platon, il nous arrive continuellement de ne pas désirer parce que lorsque nous obtenons ce que nous désirons (par exemple un
portable), nous ne sommes pas réellement satisfaits et cela montre qu'en réalité nous ne le désirions pas.
Par ailleurs, puisque pour Platon le désir
représente un manque, un savoir qu'on avait perdu, on ne désire pas ce que l'on ne connaît pas.
En effet, comment pourrais-je désirer des bonbons alors que
je ne sais même pas que cela existe ? Pour terminer, si l'on étudie la dimension sociale du désir d'Hegel qui affirme que l'on désire ce que les autres
désirent, on peut alors dire que nous ne désirons pas tout ce que les autres ne désirent pas.
Plus précisément, ce que l'on ne désire pas, c'est ce dont la
possession ne nous assurerait pas d'être reconnu par les autres comme supérieurs à eux.
Par exemple, on ne désire pas conduire une deux chevaux,
puisqu'une telle voiture n'éveille le désir de personne et n'assure aucune reconnaissance des autres.
D'après ces arguments il y aurait de l'indésirable mais le sens du mot désirable selon l'opinion commune n'est pas valable et ne permet donc pas de
répondre à notre problématique.
Ainsi, l'indésirable n'est-ce pas plutôt à ce que l'on ne peut pas désirer ?
En raison de la double signification du verbe pouvoir qui exprime parfois une permission, on peut penser que le mot indésirable désigne ce que l'on n'a pas
le droit de désirer.
Il est donc nécessaire d'analyser la première réponse affirmative à la question : « Y a-t-il des objets de désir interdits ? Y a-t-il des
objets que l'on n'a pas le droit de désirer ? » Pour cela, on considérera ici la théorie de Freud.
Ce psychanalyste démontre en effet l'existence de désirs
refoulés, censurés c'est-à-dire interdits.
L'existence de ces désirs s'explique par le fonctionnement de l'appareil psychique : celui-ci est composé
du « moi », du « sur-moi » et du « ça ».
C'est en fait l'homme qui s'interdit lui-même ses propres désirs.
En effet, ses désirs ont pour point de départ le
« moi », puis subissent l'effet du « sur-moi » qui est un système de censure intériorisée par l'Homme pour finir dans le « ça », devenant alors des désirs
interdits et par ailleurs inconscients.
Par exemple, la liquidation d'Œdipe passe par la découverte de la différence des sexes qui éveille la peur de castration
du petit garçon, par le père.
A partir de ce moment-là, le « sur-moi » du petit garçon censure le désir de disparition de son père qui devient interdit et
inconscient parce que le garçon a l'angoisse de perdre son sexe.
D'après le mécanisme de censure dans l'appareil psychique on peut donc dire qu'il y a de
l'indésirable.
Cependant, quelle est la valeur de ce raisonnement ? En effet, cette thèse semble répondre à notre question mais se pose un problème : certes
ces désirs sont interdits par la censure, mais ils deviennent du même coup inconscients.
Ainsi, ces désirs interdits et inconscients ne sont-il pas comme
inexistants puisque l'Homme n'a même pas conscience de l'existence de ces désirs ? Enfin, le sens le plus fort du mot pouvoir n'est-il pas plutôt la
possibilité que la permission ?
Le plus souvent, le verbe pouvoir désigne la possibilité.
C'est pourquoi le sens le plus fort du mot indésirable est le suivant : ce qu'il est n'est pas
possible de désirer, par conséquent ce qui est impossible de désirer.
Ici, on veillera donc à étudier la deuxième réponse affirmative à la question : « Y a-t-il
des objets de désir impossibles ? Y a-t-il des objets qu'il est impossible de désirer ? » Pour cela, il est nécessaire d'analyser la théorie des stoïciens sur le
désir.
Pour les philosophes stoïciens, l'existence d'objets de désir impossibles est claire : ils correspondent aux désirs qui sont contraires à l'ordre du
monde et aux lois scientifiques.
Ainsi, il est impossible de désirer flotter dans l'air car c'est contraire à l'ordre du monde ainsi qu'aux lois scientifiques
d'apesanteur.
Pour finir, on peut donc constater que d'après la thèse des stoïciens, il y a de l'indésirable en considérant cette fois-ci le sens le plus fort du
verbe pouvoir dans la définition du désir.
En conclusion, on a vu qu'il y avait en effet de l'indésirable, bien que certains arguments soient beaucoup plus pertinents que d'autres.
En effet, le premier
raisonnement affirme l'existence de l'indésirable mais on doit le rejeter puisqu'il repose sur une mauvaise définition du mot indésirable qui rend nul la valeur
du raisonnement.
A ussi, dans une deuxième partie on a constaté que lorsque le verbe pouvoir désignait une permission, l'indésirable existait aussi.
Cependant, ces objets de désirs interdits sont inconscients et donc comme inexistants et par ailleurs, le sens du verbe pouvoir n'est pas ici le plus fort.
C'est la troisième partie qui est la plus pertinente, puisqu'elle utilise le sens le plus fort du verbe pouvoir afin définir le mot indésirable qui désigne une
impossibilité de désirer.
Ainsi, on peut affirmer qu'il y a de l'indésirable c'est-à-dire de l'impossible à désirer puisqu'il y aura toujours des lois scientifiques.
Pour répondre à notre problématique, on conclut que l'indésirable désigne plutôt une impossibilité qu'une interdiction..
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