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Y a-t-il de justes inégalités ?

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« Définition des termes du sujet La question « y a-t-il » demande que l'on tranche de l'existence ou de la non existence d'une chose.

L'objet dont l'existence en cause ici, ce sont les « justes inégalités ».

Cette expression semble, au premier abord, marier ensemble deux concepts qui s'excluent l'un l'autre : la justice et l'inégalité.

Une des définitions de la justice est, d'ailleurs, une recherche de l'égalité : il s'agirait de faire que chacun soit traité de la même manière, sans privilèges, que chacun ait droit aux mêmes choses. Mais l'égalité peut se concevoir de deux manières, suivant une distinction établie par Aristote : il y a l'égalité arithmétique, qui est que chacun doit posséder exactement les mêmes choses en mêmes quantités, et une égalité géométrique, de type proportionnel, qui veut que l'on doive donner « à chacun selon ses mérites » - le résultat est une répartition inégale des choses, au point de vue arithmétique, mais cette répartition inégale est pensée comme juste : cette définition aristotélicienne peut servir de point de départ à la réflexion. On constate l'existence des inégalités : certaines sont de nature – un lion a plus de force qu'une grenouille ; d'autres sont nées de certains phénomènes culturels – par exemple, les inégalités sociales, qui ne répondent pas aux lois de la nécessité naturelle, sauf à adopter une position qui voudrait que la loi du plus fort règne chez les hommes comme elle règne chez les animaux (c'est par exemple la position de Calliclès dans le Gorgias de Platon). Est-il pertinent d'utiliser le concept de justice pour ce qui est des lois naturelles ? Ou bien l'on considère que la nature est la norme de la justice, ou bien l'on préfère penser que la justice, création humaine et culturelle, permet de pallier les manques – et par exemple les inégalités – de l'organisation naturelle des choses.

Ces deux solutions offrent des réponses opposées au sujet : dans un cas, certaines inégalités, les inégalités naturelles, sont justes précisément parce qu'elles sont naturelles ; dans le second, la justice se doit de corriger les inégalités, et toute inégalité persistante reste donc contraire à la justice.

Ce sont deux positions extrêmes entre lesquelles il faudra rechercher la réponse au sujet. Textes à utiliser Platon, Gorgias La nature, elle, à mon avis, montre au grand jour, en revanche, qu'il est juste que le meilleur ait plus que le moins bon et que le plus capable ait plus que le moins capable.

Elle fait ressortir avec évidence qu'il en va partout ainsi, chez les autres animaux et, parmi les hommes, dans toutes les cités et toutes les familles, que la marque de ce qui est juste, c'est que le meilleur commande à l'inférieur et qu'il ait plus que lui.

De quel droit, en effet, Xerxès a-t-il envoyé son armée en Grèce, et son père contre les Scythes ? Et on pourrait citer mille exemples de ce genre.

Mais ces hommes, je pense, agissent selon la nature, selon la nature du droit, et, par Zeus, selon la loi de la nature, bien qu'elle ne soit pas conforme sans doute à celle que nous établissons.

En façonnant les meilleurs et les plus forts d'entre nous, en les prenant dès leur jeune âge comme des lionceaux pour les ensorceler et les embobiner, nous en faisons des esclaves ; nous leur disons qu'il faut être à égalité avec les autres, et que c'est cela qui est beau et juste.

Mais, à mon avis, qu'il advienne un homme qui ait une nature assez puissante pour secouer tout ce fatras, le faire voler en éclat, s'en échapper, fouler aux pieds nos écrits, nos sortilèges, nos incantations et nos lois, toutes contraires à la nature, voilà notre esclave rebelle qui se dresserait en maître, et brillerait alors de tous ses feux le droit de la nature. Alain, Elément d'éthique politique, « Propos sur les pouvoirs » Qu'est-ce que le droit ? C'est l'égalité.

Dès qu'un contrat enferme quelque inégalité, vous soupçonnez aussitôt que ce contrat viole le droit.

Vous vendez ; j'achète ; personne ne croira que le prix fixé après débat et d'un commun accord soit juste dans tous les cas ; si le vendeur est ivre, tandis que l'acheteur est maître de son jugement, si l'un des deux est très riche, et l'autre très pauvre, si le vendeur est en concurrence avec d'autres vendeurs tandis que l'acheteur est seul à vouloir acheter, si le vendeur ignore la nature de ce qu'il vend, livre rare ou tableau de maître, tandis que l'acheteur la connaît, dans tous les cas de ce genre je dirai que le prix qui est payé est un prix d'occasion.

Pourquoi ? Parce qu'il n'y avait pas égalité entre les parties. Qu'est-ce qu'un prix juste ? C'est un prix de marché public.

Et pourquoi ? Parce que, dans le marché public, par la discussion publique des prix, l'acheteur et le vendeur se trouvent bientôt également instruits sur ce qu'ils veulent vendre ou acheter.

Un marché, c'est un lieu de libre discussion. Un tout petit enfant, qui connaît mal l'utilité relative des choses, et qui ne règle le prix que sur son désir présent, un tout petit enfant sera l'égal de l'acheteur le plus avisé, si seulement plusieurs marchands offrent publiquement à plusieurs acheteurs la chose que le petit enfant désire.

Je n'en demande pas plus.

Le droit règne là où le petit enfant qui tient son sou dans sa main et regarde avidement les objets étalés, se trouve l'égal de la plus rusée ménagère. On voit bien ici comment l'état de droit s'opposera au libre jeu de la force.

Si nous laissons agir les puissances, l'enfant sera certainement trompé ; même si on ne lui prend pas son sou par force brutale, on lui fera croire sans peine qu'il doit échanger un vieux sou contre un centime neuf.

C'est contre l'inégalité que le droit a été inventé.

Et les lois justes sont celles qui s'ingénient à faire que les hommes, les femmes, les enfants, les malades, les ignorants soient tous égaux.

Ceux qui disent, contre le droit, que l'inégalité est dans la nature des choses, disent donc des pauvretés.. »

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