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Valeur sociale de la technique ?

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« Sophocle : le plus formidable danger, c'est l'homme «Le monde est plein de dangers, mais aucun n'est plus formidable que l'homme», proclame le choeur dans l'Antigone de Sophocle (ve siècle av.

J.-C.).

L'homme «parcourt la mer qui moutonne quand la tempête souffle au sud, [...] et la mère des dieux, la Terre souveraine, [...] il la travaille, il la retourne.

[...] Savoir et pouvoir dans l'art qui est le sien passent toute espérance, glissant tantôt au mal, tantôt au bien>. C'est que les techniques, au cours de ces deux derniers siècles, se sont tellement «multipliées, compliquées, renforcées», et ce, à un rythme si «hallucinant» (toutes ces expressions sont empruntées à l'ouvrage de Georges Friedmann : Où va le travail humain ? 1950) que l'on a trouvé maintes fois occasion de nuancer, voire de récuser l'optimisme des philosophes des Lumières : tous, en effet (Voltaire, Diderot, Condorcet, etc.), à l'exception de Rousseau, semblent avoir fondé sur le progrès des techniques des espoirs exagérés sans nul doute. Comte : la technique, «retombée» nécessairement positive de la science C'est que la technique, parce qu'elle fait passer la science aux actes, pose le problème de la finalité — voire de la moralité — de la science elle-même : l'arme nucléaire, par exemple, constitue-t-elle seulement la perversion d'un pur et innocent désir de connaître ? ou bien la science est-elle, d'emblée, responsable des terrifiantes applications qu'on peut faire de ses résultats ? «L'esprit humain», déclarait Auguste Comte sans hésitation, «doit procéder aux recherches théoriques en faisant complètement abstraction de toute considération pratique» (Cours de philosophie positive, leçon 2 1830-1842).

Le matelot qu'une exacte observation de la longitude préserve du naufrage ne doit-il pas la vie à des spéculations relatives aux sections coniques que menèrent, voici plus de deux mille ans, des géomètres grecs (Archimède et Apollonius) dont les préoccupations étaient alors purement spéculatives ? (ibid.).

La science étant d'autant plus utile qu'elle n'a pas cherché à l'être, on ne saurait lui contester aucune enquête ni aucun domaine d'investigation : Comte n'admettrait certainement pas, par exemple, qu'on s'interrogeât, comme on le fait aujourd'hui, sur le bien-fondé de certaines recherches qui, très tôt, nous le savons bien, aboutiront à la légitimation des pires manipulations génétiques. Marx : la constante révolution des techniques dans la grande industrie moderne «L'industrie moderne, écrit Marx (1818-1883), ne considère et ne traite jamais comme définitif le mode actuel d'un procédé.

Sa base est donc révolutionnaire, tandis que celle de tous les modes de production antérieurs était essentiellement conservatrice» (Le Capital I, 15 - 1867). Au stade de la grande industrie, la science contribue à la construction de machines permettant de fabriquer en un temps toujours moindre des produits toujours plus nombreux, que les entrepreneurs s'efforcent aussitôt d'écouler, afin d'en tirer du profit. Des ingénieurs sont désormais chargés de la direction de la production. «Entre les savants proprement dits et les directeurs effectifs des travaux productifs, notait Auguste Comte (1798-1857), il commence à se former de nos jours une classe intermédiaire, celle des ingénieurs, dont la destination spéciale est d'organiser les relations de la théorie et de la pratique.

Sans avoir aucunement en vue les progrès des connaissances scientifiques, elle les considère dans leur état présent pour en déduire les applications industrielles dont elles sont susceptibles» (Cours de philosophie positive, leçon 2). Marcuse : la technologie comme système de domination Herbert Marcuse considère que Marx (et le marxisme soviétique, après lui) ont critiqué à bon escient l'appareil politique du capitalisme, mais qu'ils n'ont pas touché à son appareil technologique (L'Homme uni-dimensionnel, 1964).

Or il n'est plus possible, selon lui, de parler de «neutralité» de la technologie : «la société technologique est un système de domination qui fonctionne au niveau même des conceptions et des constructions de techniques» (ibid., Introduction). Le «processus mécanique dans l'univers technologique», écrit Marcuse un peu plus loin, «détruit ce que la liberté a de secret et d'intime, il réunit la sexualité et le travail dans un automatisme rythmique et inconscient» (ibid.) •. »

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