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Suzanne Valadon

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Suzanne Valadon (1867-1938), mère d'Utrillo, commence à dessiner en 1883, à 15 ans. C'est l'année de naissance de son fils... Née dans une famille pauvre, elle était devenue écuyère et acrobate, mais une chute l'obligea à vivre de sa grande beauté en devenant modèle. Elle posa pour les vierges anémiques de Puvis de Chavannes, pour les baigneuses enrobées de Renoir, pour les rousses au corps d'ivoire de Henner, pour Toulouse-Lautrec, peintres qui tous devinrent ses amants. C'est Degas qui, séduit par ses dessins, l'encourage à peindre. " Dame ! Jamais un homme ne m'a fait tant de compliments sur ma peau, mes cheveux, mes muscles d'acrobate. Il me flattait comme il l'eût fait pour un beau cheval, ou pour une danseuse... Son admiration était toute spirituelle ; elle allait à mon corps de funambule... J'aurais volontiers tout accordé à ce vieillard bourru et tendre que j'admirais car il fut le premier à encourager ma passion de dessiner et de peindre, et à me donner confiance. Ma plus belle récompense, c'était lorsqu'il me demandait de lui offrir un de mes croquis... " racontera-t-elle plus tard. Elle commence à peindre en 1908, des paysages et des natures mortes remarquables par la solidité de leur construction favorisée par un cerne noir de vitrail et l'éclat lourd de leur coloris. Mais ses sujets de prédilection furent les splendides nus et les visages qu'elle traitait avec un réalisme cru.

« Suzanne Valadon Suzanne Valadon (1867-1938), mère d'Utrillo, commence à dessiner en 1883, à 15 ans.

C 'est l'année de naissance de son fils… Née dans une famille pauvre, elle était devenue écuyère et acrobate, mais une chute l'obligea à vivre de sa grande beauté en devenant modèle.

Elle posa pour les vierges anémiques de P uvis de C havannes, pour les baigneuses enrobées de Renoir, pour les rousses au corps d'ivoire de Henner, pour T oulouse-Lautrec, peintres qui tous devinrent ses amants.

C'est Degas qui, séduit par ses dessins, l'encourage à peindre.

“ Dame ! Jamais un homme ne m'a fait tant de compliments sur ma peau, mes cheveux, mes muscles d'acrobate.

Il me flattait comme il l'eût fait pour un beau cheval, ou pour une danseuse...

Son admiration était toute spirituelle ; elle allait à mon corps de funambule… J'aurais volontiers tout accordé à ce vieillard bourru et tendre que j'admirais car il fut le premier à encourager ma passion de dessiner et de peindre, et à me donner confiance.

Ma plus belle récompense, c'était lorsqu'il me demandait de lui offrir un de mes croquis...

” racontera-t-elle plus tard. Elle commence à peindre en 1908, des paysages et des natures mortes remarquables par la solidité de leur construction favorisée par un cerne noir de vitrail et l'éclat lourd de leur coloris.

Mais ses sujets de prédilection furent les splendides nus et les visages qu'elle traitait avec un réalisme cru. Marie-C lémentine Valadon dite Suzanne Valadon, naquit à Bessimes (Haute-V ienne). Élevée par Madeleine Valadon, sa mère (une mère adoptive, disait-elle parfois), elle serait venue à Paris à l'âge de cinq ans.

Elles habitèrent d'abord du côté de la Bastille où Madeleine V aladon exerça l'état de blanchisseuse.

P uis elles vinrent se loger à Montmartre. Marie-C lémentine fut, sur les pentes de la Butte, l'enfant prédestinée les graffiti au charbon, où palpitait un sens merveilleux du mouvement, annonçaient un grand dessinateur déjà. Dans cette A thènes aux étroites frontières qu'était alors M ontmartre, des hommes s'en avisèrent.

Ils s'appelaient Renoir, T oulouse-Lautrec, Zendoménéghi, Puvis de Chavannes, Degas.

Bientôt adolescente, on la vit constamment dans leurs ateliers ; comme modèle, et puis comme disciple.

Elle fut, pour Renoir, la mince valseuse de “ la Danse à la V ille ” ; pour Puvis, l'éphèbe gynandre qui suspend un trophée à l'extrême droite du grand “ Bois sacré ” de la Sorbonne.

Et Degas, le redouté Degas se penchait curieusement sur les dessins de cette fille enfant aux bras minces et musclés d'acrobate.

Ingres a dit un jour : “ Le dessin est la probité de l'art : Dessiner ne veut pas dire simplement reproduire des contours...

le dessin, c'est encore l'expression, la forme intérieure, le plan....

” Or, il y avait tout cela dans les dessins de Suzanne Valadon, et Degas ne pouvait se déprendre de leur charme.

En 1922, dans une petite édition de la N.R.F.

je publiai, pour la première fois, des fragments de lettres qu'il adressait à Suzanne, à sa “ terrible M aria ”, comme il l'appelait : “ De temps à autre, dans ma salle à manger, je regarde votre dessin au crayon rouge...

et je me dis toujours : “ cette diablesse de Maria avait le génie du dessin.

” Pourquoi ne me montrez-vous plus rien ?...

” Et encore : “ V enez me voir avec des dessins.

J'aime à voir ces gros traits si souples...

” Et, plus loin : “ Quand me montrerez-vous quelques bons dessins durs et souples comme vous les faites si bien ? ” De tels encouragements, lui venant d'un esprit tellement rigoureux et d'une ironie si volontiers cruelle, donnèrent à Suzanne V aladon le courage d'affronter le public.

Le sculpteur Bartholomé l'y incitait aussi.

P our commencer, elle s'adonna surtout au dessin, puis elle aborda la peinture et la gravure.

Elle exposa pour la première fois à la Nationale des Beaux-Arts, en 1894.

Son envoi consistait en dessins, en portraits à la sanguine et à la pierre dure.

P uis, pendant plusieurs années, elle ne figura sur le catalogue d'aucun Salon.

Elie vendait ses oeuvres par les soins d'Ambroise V ollard et de Lebarc de Bouteville.

A partir de 1909, elle se remit à exposer régulièrement au Salon d'A utomne et, depuis 1912, aux Indépendants. La vie de Suzanne V aladon se déroula, parfois opulente, souvent chamarrée d'adversités, mais constamment dominée par sa passion majeure : dessiner, représenter des êtres, des femmes, habillées, nues, des enfants, des chiens, des chats, sa vieille mère, son fils, Maurice Utrillo (comme elle, fécond en génie et en malheurs), des fleurs, des fruits.

Suzanne les cerne d'un infaillible trait, qui fait penser au mot de Géricault rêvant d'enfermer toute forme, comme dans les bras d'un mâle amour, dans un impérieux tracé : “ Le trait, je le voudrais en fil de fer ! ” Le volume, en deçà du trait, de cette prison aux murs flexibles, Suzanne V aladon l'emplit de ses couleurs portées au maximum de leur intensité, toujours ardemment caressantes, marquant des plans de lumière ou bien, en touchers longs et ronds, faisant se bomber une cuisse, un sein se gonfler, fuser l'épanouissement explosif d'une corolle.

L'âge n'est jamais parvenu, chez Suzanne V aladon, à calmer son incoercible soif de vivre et de créer les brûlants simulacres de la vie.

Je l'ai vue ce soir mourante et demain se jeter sur ses pinceaux comme d'autres sur leur fiole de morphine.

Certaines de ses toiles sont apparues comme violentes.

Elles chantaient, si l'on peut dire, sur un mode aux sonorités presque trop éclatantes.

Mais Suzanne s'en référait à ceux des grands artistes qui, dans les périodes puissantes, ont osé faire rutiler leur palette.

Elle savait aussi que le temps descend les tons ; donc que les harmoniser avec trop de prudence au départ a pour effet de les anémier à mesure que l'oeuvre prend de l'âge.

“ Ses compositions, a dit Gustave C oquiot, un de ses admirateurs les plus fervents et les plus perspicaces, se comptent par centaines et elles sont héroïques.

Il y a une force illimitée et d'une qualité nerveuse extravagante dans cette femme à l'aspect menu et frêle.

” “ Elle préfère, dit-il encore, une sorte de rudesse à la jolie expression qu'elle ne veut pas subir.

” Il lui était aussi impossible qu'à un Jean Fouquet de “ flatter ” son modèle.

A ses yeux, le seul fait que la fleur ou le visage qu'elle représentait participait de la vie, excluait toute notion de beauté ou de laideur.

La beauté, pour elle comme pour les Primitifs, était dans la vie et c'est cette vie, donc cette beauté, dont elle donnait, dans son dessin et sur sa toile, un équivalent passionné.

Suzanne Valadon, pour peu que l'État eût su employer un talent si abondant et si expansif, aurait accompli de merveilleuses décorations murales.

Sa grande composition : “ les Lanceurs de filets ”, que je fis entrer dans les collections nationales peu de temps avant sa mort, l'attestent hautement. L'état de santé de son fils, Maurice Utrillo, dont les toiles sécrètent une poésie spleenétique et souvent déchirante, compliqua l'existence de Suzanne V aladon.

On a fait trop de littérature à propos du déplorable penchant d'Utrillo pour la boisson ; penchant qui le conduisit maintes fois au seuil de la démence.

Or, jusqu'à son dernier jour, Suzanne Valadon eut à veiller sur cet enfant génial et parfois terrible. La gloire lui était venue, la gloire en même temps que l'argent.

Mais elle n'avait pas le temps de penser à la gloire et semait à tout vent son argent.

Elle oubliait de payer son gaz, son électricité, son eau, qu'on lui coupait ; car elle ne savait plus à la fin du jour, ce qu'était devenue la liasse qu'on lui avait apportée le matin. Extraordinairement émotive, les ans n'avaient point apaisé cette âme constamment vibrante.

A u moindre choc d'enthousiasme ou de colère, son regard, demeuré étonnamment jeune dans un masque tourmenté, brasillait de larmes généreuses. Elle avait épousé, peu de temps avant la guerre de 1914, le peintre A ndré Utter, ami de son fils Maurice. Les temps vont opérer sur les oeuvres de nos contemporains un sérieux travail de décantation.

C elles de Suzanne V aladon paraîtront alors plus allègres et plus robustes que jamais. Sauf pendant une période relativement courte de sa vie, Suzanne Valadon ne s'était guère éloignée de ses logis montmartrois : celui, si pittoresquement vétuste de la rue C ortot ; celui, plus “ moderne ”, de la récente avenue Junot. Suzanne Valadon, cette grande artiste, qui aurait pu s'intituler, variant à peine le mot du vieil Hokousaï : “ la femme folle de dessin ”, s'éteignit le 7 avril 1938 dans une clinique à Paris.. »

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