Suis-je ce que j'ai choisi d'être ?
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La question « suis-je ce que j'ai choisi d'être ? » nous invite à poser le problème de la liberté.
En effet, si je suis ce
que j'ai choisi d'être, cela signifie que j'ai la liberté de faire correspondre ma propre vie à mes projets, de me faire
devenir ce que j'ai décidé d'être.
En revanche, si je ne suis pas ce que j'ai choisi d'être, cela signifie que ma liberté
est impuissante à me faire devenir l'être que j'ai décidé d'incarner, que d'autres que moi ont décidé de ce que j'allais
devenir.
Qui sont ces autres ? Les circonstances extérieures qui peuvent déterminer le contenu de ma propre vie, la
destinée, si on accepte l'idée d'une telle puissance transcendante ; mais aussi, plus simplement, le hasard qui
provoque certains évènements dans ma vie et qui commence, semble-t-il, par choisir pour moi ce que je suis
originellement (soit un être humain, né dans telle portion du monde au sein de telle catégorie sociale, avec l'hérédité
et l'ascendance qui vont avec).
Allant plus loin, nous pouvons dire que la question posée par ce sujet plante également le problème de la
responsabilité : si je suis ce que j'ai choisi d'être, alors je puis me glorifier d'être devenu un individu respecté et
respectable ; dans le cas contraire, je ne suis pas pleinement responsable de ce que je suis devenu, c'est-à-dire, je
ne suis pas susceptible de blâme et de louanges selon la manière dont j'ai mené ma vie.
Nous prendrons bien garde au fait que le sujet nous invite à penser ce qu'
«est » l'homme, c'est à dire en quoi consiste son essence.
Par essence, nous entendrons toutes les composantes
qui rentrent dans la définition de l'identité d'un homme, c'est-à-dire aussi bien le rôle qu'il tient dans la société que
son curriculum vitae (au sens étymologique de « parcours de vie »).
Nous nous demanderons donc si l'homme a la liberté de définir son essence, ou si des forces transcendantes (autrui,
la société, le cours du monde, l'enchainement des causes et des effets…) en décident.
I.
Les limitations de la liberté humaine dans la définition de l'essence
a.
Le pouvoir contraignant du hasard
A première vue, nous pouvons affirmer que nous ne sommes pas originellement ce que nous avons choisi d'être :
nous naissons par hasard dans tel lieu, tel milieu social, avec des caractéristiques physiques, physiologiques que
nous n'avons nullement choisies.
Il semble que si nous pouvons peut être choisir de devenir quelque chose (sinon de
devenir « quelqu'un ») il n'en reste pas moins que notre volonté est privée de tout pouvoir pour déterminer nos
caractéristiques originelles.
b.
La force du monde contre l'efficacité de notre volonté
Si nous quittons le stade de la naissance, nous constaterons que l'individu ne choisit pas toujours de ce qu'il devient
au cours de sa vie.
Le monde a un pouvoir contraignant sur notre volonté et peut décider à notre place de ce que nous devenons.
Pensons à un étudiant qui passe un concours : il se peut que malgré tous ses efforts, il ne réussisse pas à être
reçu.
En ce sens il a choisi ce qu'il voulait devenir, mais le hasard des sujets, la concurrence de candidats
supérieurs à lui etc.
l'ont empêché de devenir ce qu'il souhaitait.
Cet exemple éclaire la triste réalité que notre
volonté ne suffit pas toujours à remplir les objectifs que nous nous sommes librement fixés.
Autrui, un concours de
circonstances malheureux, la maladie et la mort peuvent s'interposer entre nous-mêmes et la réalisation de nos
projets de vie.
II.
Etre ce que j'ai choisi d'être : consentir à ce que le monde a voulu que je devienne ?
a.
La liberté de consentir à l'ordre du monde
Une fois acceptée cette force contraignante du monde, qui malmène voire annule notre capacité à devenir ce que
nous avons choisi, peut-être devenons nous envisager une autre solution à la question posée.
Si le monde a plus de
puissance que ma volonté, et dispose souvent de moi à sa guise, ma liberté consiste peut-être à vouloir être ce que
le monde a voulu que je sois.
C'est en substance la doctrine Stoïcienne : Epictète (dans ses Entretiens) défend
l'idée que le meilleur moyen de ne pas subir ce qui m'arrive est de le vouloir pleinement.
Ainsi, je suis ce que j'ai
choisi d'être, dès lors que je choisis de vouloir pleinement ce que le monde a voulu que je devienne.
b.
La liberté de comprendre et d'approuver l'ordre du monde
Nous pouvons reprendre cette idée en la développant encore.
En effet, après Epictète, Spinoza a repris cette idée
et en la renforçant encore.
Il ne suffit pas de vouloir que les choses soient telles qu'elles soient, il faut comprendre
que tout ce qui m'arrive était nécessaire, et coïncider par ma raison à cette nécessité inéluctable.
En raison de
l'enchaînement des causes et des effets, dit Spinoza, les choses ne peuvent être différentes de ce qu'elles sont.
Par conséquent, si le monde décide de ce que je suis, ma seule façon de le choisir est de comprendre pourquoi je ne
puis être différent de celui que le monde m'a fait devenir.
III.
La liberté de l'homme, seule responsable du choix de son essence.
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