Suffit-il d'obéir à la loi pour être juste?
Extrait du document
«
La loi est très diverse.
Elle peut être positive, c'est-à-dire être écrite et concernant tout un peuple ; elle peut être
naturelle, c'est-a-dire précéder toute loi écrite, elle peut être morale ou divine.
Obéir à ces différentes lois semble être nécessaire pour être juste.
Mais est-ce la seule condition à la justice ? Ne
doit-on pas penser que d'autres conditions existent ?
Être juste, est-ce forcément obéir à la loi ou peut-on le définir autrement ? Doit-on penser qu'on est juste toujours
relativement à une loi ? Peut-on être juste absolument ou doit-on faire le choix de la loi à laquelle on va obéir et
donc vis-à-vis de laquelle on sera juste ?
I) La relativité de la loi comme obstacle à la justice.
A) La loi peut être celle de n'importe qui.
Nous considérons comme justes les résistants de la seconde guerre
mondiale, qui pourtant n'ont pas obéit à la loi.
B) La loi est très évolutive ; par conséquent, ce qu'elle détermine comme juste à un moment « T » peut ne plus
l'être à un moment « T+1 ».
De même, d'un pays à l'autre, elle est différente : Pascal : « Vérité en deçà des
Pyrénées, erreur au-delà ».
[Pascal, Les Pensées]
"Sur quoi [le souverain] la fondera-t-il, l'économie du monde qu'il veut
gouverner ? Sera-ce sur le caprice de chaque particulier ? Quelle
confusion ! Sera-ce sur la justice ? Il l'ignore.
Certainement, s'il la connaissait, il n'aurait pas établi cette maxime, la
plus générale de toutes celles qui sont parmi les hommes, que chacun
suive les moeurs de son pays ; l'éclat de la véritable équité qui aurait
assujetti tous les peuples, et les législateurs n'auraient pas pris pour
modèle, au lieu de cette justice constante, les fantaisies et les caprices
des Perses et Allemands.
On la verrait plantée par tous les États du
monde et dans tous les temps, au lieu qu'on ne voit rien de juste ou
d'injuste qui ne change de qualité en changeant de climat [...].
Plaisante justice qu'une rivière borne ! Vérité au-deçà des Pyrénées,
erreur au-delà.
De cette confusion arrive que l'un dit que l'essence de la justice est
l'autorité du législateur, l'autre la commodité du souverain, l'autre la
coutume présente ; et c'est le plus sûr : rien, suivant la seule raison,
n'est juste de soi ; tout branle avec le temps.
La coutume fait toute
l'équité, par cette seule raison qu'elle est reçue ; c'est le fondement
mystique de son autorité.
Qui la ramène à son principe, l'anéantit."
Blaise Pascal, Pensées (1670).
Ce que défend ce texte:
Ce texte de Pascal s'ouvre sur une question qui s'adresse à tout gouvernant d'un État : sur quel principe celui-ci
doit-il fonder l'organisation (« l'économie ») de la société qu'il veut gouverner ?
S'agit-il de fonder le droit sur « le caprice de chaque particulier» ? Pascal rejette cette solution qui ne peut aboutir
qu'à une confusion, celle qui résulte des désirs changeants et contradictoires de chacun, où nul gouvernement ne
peut trouver sa cohérence.
S'agit-il de le fonder sur l'idée de la justice et de régler les lois sur ses exigences ? Or, pour Pascal, les princes
ignorent ce qu'est la justice universelle, et c'est cette thèse qu'il va tenter de démontrer dans ce texte.
S'ils connaissaient une telle justice, en effet, ils n'auraient pas établi cette règle, « la plus générale de toutes celles
qui sont parmi les hommes », qui consiste à affirmer que « chacun suive les moeurs de son pays » et la conception
de la justice que les traditions développent chacune en particulier.
Descartes lui-même, dans le Discours de la
méthode, reprendra à son compte une telle règle, lorsqu'il adoptera une « morale provisoire » pour accompagner
l'épreuve du doute : suivre les moeurs de son pays et les valeurs qu'elles établissent.
Une telle règle, si communément admise, prouve que nul n'a pu déterminer la justice universelle, celle qui se serait
imposée à tous les peuples avec l'évidence de la vérité.
Si une telle vérité existait, elle aurait soumis tous les
peuples, non par la contrainte qu'imposent les guerres, mais par la seule force de la reconnaissance « de la véritable
équité ».
Celle-ci se serait imposée d'elle-même, enracinée (« plantée ») dans le coeur des hommes et dans leurs
États, en tout lieu et en tout temps.
Or, l'histoire nous montre une « relativité » des conceptions du juste et de l'injuste qui parle d'elle-même.
Ce qui est
juste ici est considéré comme blâmable là et réciproquement.
Ce qui est le bien en France (au-deçà des Pyrénées)
est une erreur ou un vice en Espagne (au-delà des Pyrénées).
Nous ne pouvons que nous moquer alors d'une justice
qui « change de qualité en changeant de climat », justice qui doit être davantage objet de plaisanterie (« plaisante
justice ») que de respect.
Ce à quoi s'oppose cet extrait:
Pascal ne se contente pas ici de dénoncer l'incapacité de la raison à déterminer les principes de la justice
authentique et universelle.
Sur cette impuissance, nous dit-il, les hommes tirent des conclusions sur la nature de la.
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