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Sommes-nous responsables de nos passions ?

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« On a signalé souvent l'indulgence excessive des jurys dans les crimes passionnels.

Il semble que la passion soit une excuse, qu'elle diminue la responsabilité de l'individu, qu'elle comporte un certain caractère de fatalité qui attire sur celui qu'elle égare sinon la sympathie du moins la pitié. Thèse fataliste.

Les arguments qu'invoquent ceux qu'on pourrait appeler les fatalistes ne laissent pas d'être assez impressionnants. Tous les psychologues ont noté le tempérament comme une des causes principales de la passion.

Il y a des tempéraments voluptueux, irascibles, bouillants, spontanés.

Mirabeau avait une nature vive, impétueuse, prédisposée aux passions ardentes.

Or le tempérament est inné; nous naissons avec certaines tendances ou dispositions organiques qui introduisent dans notre caractère un élément de fatalité.. L'hérédité est aussi rangée parmi les causes des passions.

Il semble qu'il y ait des passions héréditaires comme l'alcoolisme.

Tout au moins n'oublions pas., comme le dit Auguste Comte, que l'individu est le confluent de plusieurs vies.

On retrouve souvent chez nous des tendances, des goûts, des traits de caractère qui paraissent provenir de nos ascendants.

Cette constatation est souvent faite par notre entourage ; elle est faite quelquefois par nousmêmes. Quand la passion a poussé des racines profondes dans l'individu, quand elle est parvenue à son plein développement, elle acquiert une force presque irrésistible.

Le joueur, l'amoureux, l'avare, l'ambitieux sont véritablement les esclaves de leur passion.

Ne serions-nous pas étonnés de voir Harpagon se corriger de son vice ? Combien y a-t-il d'ivrognes qui reviennent à la tempérance ? Ces arguments ne permettent pas de conclure à l'irresponsabilité de la passion.

Sans aller jusqu'à prétendre, comme le disent plusieurs médecins, qu'on peut modifier son tempérament par un régime approprié, on peut du moins utiliser ses avantages et parer à ses inconvénients.

Nous avons des preuves éclatantes de la domination qu'exerce la volonté sur le tempérament.

Socrate, né sensuel et voluptueux (il l'a avoué lui-même) est devenu un modèle de sagesse et de tempérance.

Saint François, né avec des prédispositions très -fortes à la colère, est devenu le plus doux des saints. Quant à l'hérédité psychologique, elle n'est pas démontrée.

Ce qu'on attribue à l'hérédité, est souvent le fait de l'éducation ou de l'influence du milieu.

Mais quand bien même il faudrait faire la part des prédispositions héréditaires, n'oublions pas que le caractère est composé en partie d'habitudes, et que les habitudes ont une origine volontaire. Or il semble bien que les passions soient des habitudes de la sensibilité. Cela étant, peut-on admettre, comme on l'affirme volontiers, que la passion naît malgré nous.

La question mérite d'être sérieusement examinée.

C'est le point capital du débat.

Tous les moralistes en effet reconnaissent qu'un acte accompli sous l'empire de la passion a quelque chose de fatal; mais ils ajoutent que la responsabilité a existé à l'origine de la passion : on est coupable d'avoir laissé naître et se développer en soi cette passion tyrannique. Il est certain que la passion, lorsqu'elle est à ses débuts, peut être assez facilement dominée.

Il ne faut pas oublier que la passion agit comme l'habitude : le premier acte l'amorce, le second la renforce et ainsi de suite.

C'est à nous à surveiller nos tendances.

Il est bien évident que l'enfant ne naît pas, comme on l'a dit, avec le goût du tabac et des liqueurs fortes; on devient fumeur, on devient buveur.

Il n'y a de vraiment inné que les inclinations fondamentales ; la passion est acquise, et comme tout ce qui s'acquiert, elle naît avec le consentement ou la complaisance de la volonté.

Toutefois une dernière objection est possible : il y a des passions qui éclatent comme « un coup de foudre ».

On serait bien embarrassé, je crois, de citer des faits nombreux et précis.

Il n'y a peut-être que l'amour qui offre quelques cas de ce genre.

C'est peu pour étayer une thèse de cette importance.

Ne confondons pas le roman et la vie réelle.

En général c'est par degrés que l'inclination se transforme en passion. Il y a des moyens de la combattre.

Le plus simple est de l'empêcher de naître.

Principiis obsta, disaient les moralistes anciens.

C'est dès le début qu'il faut aviser. Même lorsque la passion s'est implantée en nous par surprise, il est possible de l'affaiblir cri détournant d'elle notre attention, en lui opposant une passion plus noble, en démasquant surtout les illusions de l'imagination, en empêchant ce travail de « cristallisation » dont parle Stendhal, C'est là le point capital.

Évitons les rêveries dangereuses, les lectures romanesques, les exemples qui risqueraient d'être contagieux.

Il y a une thérapeutique morale dont on ne saurait nier la valeur et l'efficacité.

Le moyen le plus sûr de parvenir au gouvernement et à la maîtrise de nous-mêmes est la vigilance.. »

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