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Sommes-nous en mesure de déceler nos propres préjugés et de nous en délivrer ?

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« Lorsque l'on nous parle de préjugés, nous avons certes un certain nombre d'affirmations qui nous viennent à l'esprit, telle celle selon laquelle les A nglais seraient flegmatiques, ou encore celle selon laquelle les philosophes n'auraient pas les pieds sur terre, etc.

Nous avons l'impression de savoir identifier un préjugé.

Mais c e qui peut nous échapper, c'est qu'il apparaît comme plus facile de reconnaître les préjugés des autres que ceux que nous serions susceptibles de nourrir.

A fin de répondre à la question de savoir si nous sommes en mesure de déceler nos propres préjugés et de nous en délivrer, il convient tout d'abord de définir le préjugé.

Littéralement, le pré-jugé est ce qui a déjà été jugé, conçu.

Le propre du préjugé étant de ne pas avoir été pensé et établi par nous-mêmes, on peut légitimement se demander si nous avons la possibilité de les reconnaître, de reconnaître des idées irréfléchies dont nous avons héritées, et si nous pouvons nous en libérer, dans la mesure où ils nous alièneraient à des conceptions qui ne sont pas véritablement nôtres.

L'enjeu de cette question est de considérer les limites de la liberté de l'homme, de sa conscience et de la connaissance qu'il peut avoir de lui-même. I- Nous pouvons reconnaître nos préjugés, et par là même les éradiquer. A - Déceler signifiant découvrir ce qui est celé, caché, nous pouvons mettre en lumière les préjugés, idées irréfléchies. 1-Discerner parmi toutes nos pensées celles qui sont des préjugés est rendu possible par la réflexion, comprise comme acte de penser ses pensées.

Exemple.

Je pense que l'argent fait le bonheur/Je pense que je pense que l'argent fait le bonheur. 2 - C 'est le propre de la « dialectique » (Platon) comme art du discours que de discriminer entre les idées qui sont de l'ordre de l'opinion de celles qui peuvent être fondées en raison. B- C es idées irréfléchies qu'on peut reconnaître sont des opinions. 1-Le mythe de la C averne de Platon établit la distinction entre opinions (idées dont on hérite et qui ne sont pas toujours rationnelles) et connaissances. 2- L'homme qui cherche la vérité apprend petit à petit à voir dans ses pensées celles qu'ils ne jugent pas bonnes, pas raisonnables, dans la mesure où le critère pour discerner entre préjugé et ce qui n'en est pas s'affine à mesure qu'on devient plus sage.(Platon) C - C 'est en connaissant nos préjugés que nous nous en libérons. 1-« C onnais-toi toi-même » : c'est l'adage socratique qui invite à reconnaître ses préjugés, et par là à s'en libérer. 2 - C 'est pour Socrate et P laton la connaissance qui libère véritablement l'homme de s e s servitudes.

A lors, c'est en décelant nos préjugés qu'on s'en libère. II- Pouvons-nous être certains d'être absolument libres de tout préjugé ? A - Un doute subsiste cependant : comment être sûrs que nous nous connaissons vraiment nous-mêmes ? 1-La conscience de soi totale pourrait d'un certain point de vue être considérée comme une illusion.

(Nietzsche) 2- Dans le même ordre d'idées, on peut se demander dans quelle mesure on peut être sûr de pouvoir se fier à soi-même, dans quelle mesure nous devons être méfiants aussi envers nous-mêmes.

(Nietzsche, maître du soupçon) B- Seconde objection à la thèse de Socrate et Platon : même si nous pouvions déceler nos préjugés, cela suffit-il pour nous en délivrer ? 1-Nous pourrions prendre conscience de nos idées préconçues, mais ne pas réussir à les éradiquer parce qu'elles seraient devenues comme une seconde nature pour nous. 2 - S e libérer de ses préjugés serait alors une exigence non seulement théorique, mais aussi morale : cela demanderait un certain courage.(Et cela impliquerait parfois de s'opposer à son entourage, etc.) C - On peut aussi considérer que cette reconnaissance et cette délivrance ne sont pas absolues mais relatives. 1-On peut seulement dans une mesure limitée déceler nos préjugés.

(Descartes, Discours de la méthode) 2- Et on s'en délivre autant que l'on devient adulte et que l'on se libère de ce que Descartes appelle la « prévention », c'est-à-dire le fait de suivre les opinions des autres sans se demander si elles sont vraies ou non, ce qui est selon lui le propre de l'enfance. III- On ne peut qu'espérer être délivré de ses idées irréfléchies. A - Déceler ses préjugés et s'en délivrer apparaît comme une exigence rationnelle. 1-Il s'agit d'essayer de se connaître soi-même, même s'il semble au premier abord plus facile de connaître les autres, et cet essai est une exigence, l'exigence de l'être raisonnable qu'est l'homme.

(Kant) 2-Même s'il n'est pas certain que cela soit possible, c'est ce qui fait la dignité de l'homme que de tenter de penser par lui-même, ce qui est la manière, selon Kant, de se délivrer de ses préjugés. B- P enser par soi-même requiert un effort. 1 - C 'est une tâche qui incombe à l'homme de chercher à savoir dans quelle mesure il peut penser librement, de manière autonome, et ce non seulement d'un point de vue morale (si on se laisse guider par ses préjugés, risque de mal agir)... 2-...mais aussi afin d'être heureux en étant libres.(si la liberté rend l'homme heureux) C - Nous pouvons espérer être libres. 1- C 'est selon Kant l'objet d'un espoir que de déceler nos préjugés et nous en délivrer à défaut d'être une certitude. 2-Il faut en ce sens croire que nous pouvons nous connaître, et que nous pouvons ne pas être esclaves de notre conditionnement. Conclusion Nous pouvons concevoir une totale transparence de nous à nous-mêmes qui rendrait envisageable le fait que nous puissions reconnaître en nos pensées ce que nous n'y avons pas mis par nous-mêmes mais que nous avons reçu de « l'extérieur ».

Nous pouvons aussi douter du fait que nous puissions reconnaître nos préjugés et ainsi nous méfier de nous- mêmes.

M ais ne reste-t-il pas que c'est toujours en pensant, et en pensant nos pensées que nous pouvons tenter de déceler nos préjugés et de nous en délivrer ?. »

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